Début du contenu principal.
«Je pense qu’ils se sont traîné la patte, de beaucoup. Imaginez-vous, ça va faire 10 ans, il n’y a rien de commencé, mis à part les études», a lancé Robert Bellefleur.
Dix ans après la tragédie de Lac-Mégantic, le projet de voie de contournement ferroviaire continue de susciter les passions. Les rebondissements et les annonces se sont multipliés, mais encore aujourd'hui, les trains traversent le centre-ville de Lac-Mégantic avec un air de déjà vu pour les citoyens. Si Justin Trudeau dit espérer une première pelletée de terre à l'automne, la saga des dernières années en pousse plusieurs à douter.
«Je me souviens des funérailles, ici même, à l’église Sainte-Agnès, des citoyens faisaient signer une pétition aux gens, pour demander de sortir les trains de Lac-Mégantic. Même Justin Trudeau, qui était député libéral à l’époque, avait signé cette fameuse pétition-là», se souvient Robert Bellefleur, qui a rapidement milité pour la voie de contournement en créant la Coalition des citoyens et des organismes engagés pour la sécurité ferroviaire de Lac-Mégantic.
DOSSIER | Lac-Mégantic: 10 ans depuis la tragédie
La tragédie n’avait pas encore un an, quand un premier plan de reconstruction du centre-ville de Lac-Mégantic est présenté aux citoyens en juin 2014. Un élément saute aux yeux: aucune trace de voie ferrée sur le plan. Sortir les trains du centre-ville représentait déjà le grand défi du Bureau de reconstruction du centre-ville, nouvellement créé. Ce n'est qu'en 2015 que les démarches ont véritablement commencé, alors que la firme AECOM est mandatée par la Ville pour étudier la faisabilité d’une voie de contournement. Plusieurs tracés ont été proposés, avant le choix final qui a été décidé en 2017. Le hic? Des expropriations seraient nécessaires, notamment à Nantes et à Frontenac.
Selon M. Bellefleur, les citoyens et élus de Nantes et Frontenac n’ont pas été impliqués suffisamment dans le projet et les modifications aux tracés, qui ont été proposées par les élus, ont toutes été refusées. Ce qui nuit actuellement au taux d’approbation du projet dans ces deux municipalités.
«C’est un projet qui devait être de guérison sociale, donc l’acceptabilité sociale était très importante, mais on n’a pas tenu compte de nos voisins», déplore le porte-parole, qui a été rencontré à quelques pas du chemin de fer, au centre-ville de Lac-Mégantic.
Malgré la grogne et les contestations, la mairesse de Lac-Mégantic Julie Morin a toujours tenu son bout, en faveur du projet de voie de contournement. «Ce tracé-là a été choisi suite à plusieurs études, il a passé toutes les étapes et ultimement, le projet doit se réaliser, c’est ce qu’on attend depuis 10 ans!», avait-elle en juin dernier.
Le 11 mai 2018 est marqué dans les esprits des résidents de la région. Justin Trudeau et Philippe Couillard étaient à Lac-Mégantic pour donner le feu vert à un projet de voie de contournement de 133M$.
M. Bellefleur ricane lorsqu’on lui rappelle qu’en 2018, dans un article de Radio-Canada, il estimait qu’on les «prenait pour des cons» de proposer un projet qui serait finalisé dans un délai de six ans. En 2023, la construction n’a toujours pas débuté.
Au cours des deux dernières années, Transports Canada a lancé le processus d’expropriation, en tentant d’abord de négocier avec les propriétaires à exproprier. Puis, en février dernier, Transports Canada, a officiellement publié un avis d’intention d’exproprier 42 propriétaires, dans trois municipalités.
«Le gouvernement se fout de combien ça coûte, le gouvernement, tout ce qu’il veut, c’est que ça se fasse rapidement», lance l'avocat Frédéric Paré, qui fait partie d’un groupe de trois avocats représentant les expropriés.
Me Paré ne croît en rien en l’utilité d’une voie de contournement ferroviaire, et ne se laisse pas prier pour écorcher Transports Canada et le Canadien Pacifique au passage. «Ce dont on a besoin, c’est de la sécurité ferroviaire, c’est là que devrait aller l’argent. Ce n’est pas des cadeaux qu’on devrait faire à ces compagnies-là, c’est des coups de pied aux fesses pour qu’il respecte la réglementation», tonne-t-il.
À VOIR AUSSI | Expropriations à Lac-Mégantic: «c’est une deuxième tragédie», déplore un avocat
Robert Bellefleur rappelle qu’il a toujours été favorable à une voie de contournement à Lac-Mégantic.
«Des trains de 250 wagons qui descendent une pente comme à Nantes, s’il y a un problème de freinage ou mécanique, est-ce qu’on se retrouve avec le même scénario qu’en 2013?», se questionne celui qui multiplie les présences médiatiques depuis la tragédie. Il est aussi d’avis, toutefois, que le projet ne peut pas aller de l’avant dans ces conditions.
«Je sais qu’au niveau de l’acceptabilité sociale, ça, c’est un des critères premiers. Là, on n’est pas du tout dans l’objectif. Et c’est ça qu’il faut travailler», ajoute-t-il, en suggérant au passage que des modifications au tracé actuel pourraient toujours être proposées, la construction n’ayant pas encore débuté.
Malgré l’opposition et les nombreuses questions qui demeurent en suspens, notamment celles environnementales qui concernent la disponibilité de l’eau et l’impact sur les puits des citoyens, les Méganticois n’ont peut-être jamais été si près d’une voie de contournement.
Transports Canada persiste et signe sur l’importance de mener à terme le projet, pour les citoyens de Lac-Mégantic. Les travaux, dont les dernières estimations publiques faisaient état d’un coût de 237 millions de dollars dans le budget fédéral 2022, pourraient débuter dès ce printemps.
À VOIR AUSSI | Le train, «le coeur de Lac-Mégantic»