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«Des pleurs à la maison. Des arguments dans la voiture. Des cris au moment de quitter l’habitacle.»
Des pleurs à la maison. Des arguments dans la voiture. Des cris au moment de quitter l’habitacle. Léa, 7 ans, s’accroche à sa mère. Elle boude. Aller à l’école n’est pas une fête: c’est un retour en prison, comme une punition à la fin des vacances d’été.
«Quand on arrive devant l’école, elle se détache et je la ramasse dans le coffre de l’auto.»
Anne-Marie, la mère de Léa, est désemparée. Elle a de la peine aussi. Alors que pour bien des familles, la rentrée scolaire rime avec bonheur, retrouvailles, fébrilité, chez elle, c’est la descente aux enfers.
«Il n’y a rien de pire que de voir son enfant malheureux et angoissé, raconte la Montréalaise de 37 ans. Je vois des enfants qui gambadent vers la cour d’école et la mienne regarde par terre et veut disparaître dans le sol.»
Intimidée l’an passé, Léa en garde des séquelles. La direction d’école s’en est mêlée, la psychoéducatrice et la technicienne en éducation spécialisée aussi. Les parents de l’enfant intimidateur ont été informés et rencontrés.
Les deux enfants ont été séparés : ils ne seront plus dans la même classe d’ici la fin du cycle primaire.
Mais malgré ces mesures, Léa ne va pas bien. Elle n’aime pas l’école. Elle n’aime plus l’école. Comme si le traumatisme prenait toute la place dans sa tête et son corps.
Anne-Marie et le père de Léa sont déchirés : il faut pousser pour que la petite se rende en classe (elle est en première année), mais il ne faut pas la brusquer non plus, de crainte que l’anxiété augmente d’un cran.
Les parents sont en contact avec l’enseignante, avec la direction, avec l’équipe-école. Mais la limite des ressources est vite atteinte : des cas d’enfants à défis particuliers, il y en a beaucoup à leur école.
Ce n’est pas différent ailleurs. Près de 20 % des élèves ont un « plan d’intervention » dans les écoles primaires du Québec1. Ces rapports écrits servent à établir des stratégies pour aider l’enfant qui a un problème de comportement, un trouble d’apprentissage ou encore, un diagnostic.
Dans le système scolaire, le cas de Léa est considéré comme « réglé ». Mais l’est-il vraiment ?
Des enfants comme Léa, qui ne veulent plus rien savoir de l’école, il y en a des centaines à travers la province. Les raisons sont nombreuses : intimidation, conflits avec des camarades, problèmes à la maison, manque de confiance en soi, difficultés d’apprentissages, solitude, difficultés à s’adapter à des changements, anxiété de séparation, surprotection des parents, anxiété de performance…
Le premier défi des parents qui vivent cette situation sous leur toit, c’est de comprendre pourquoi leur enfant refuse d’aller en classe. Et ensuite, il faut tenter d’éliminer les peurs, les appréhensions et les pensées négatives entourant l’école. Soutenir l’enfant pour le faire parler, l’aider à nommer ce qu’il ressent, lui donner du temps et de l’espace. Le but ultime ? Réduire le stress lié à l’école, dit Anne-Marie.
« On essaie de rester calme, confie-t-elle. En tant que parent, ce n’est pas toujours facile de rester positif, de ne pas broyer du noir. On est juste au début de l’année ! »
Le piège qu’Anne-Marie veut éviter : céder à la pression et garder sa fille à la maison.
« Je suis en télétravail quatre jours par semaine, explique-t-elle. Si Léa reste avec moi, et qu’elle écoute la télé toute la journée, elle va trouver que c’est super, rester à la maison… Ça va nourrir son idée qu’on est mieux à la maison ! »
Le cruel manque de spécialistes dans les écoles publiques est au cœur des préoccupations des parents de Léa. Sans suivi, sans support, sans ressources, ils se sentent largués.
En attendant, ils s’ancrent dans une routine rassurante, ils trouvent les bons mots, ils restent optimistes (devant Léa).
« On y va au jour le jour », conclut Anne-Marie.
1. Source: Données provisoires de 2023 du ministère de l’Éducation