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Celui que plusieurs appellent « Le p’tit gars de Baie-Comeau » est assurément un des plus grands premier ministres de l’histoire du Canada, mais il aura aussi marqué le monde par son élégance, son intelligence et son courage politique.
Hier soir, une onde de choc a frappé le Canada. À 17 h 56, Caroline Mulroney, présidente du Conseil du trésor de l’Ontario et digne successeure de l’héritage politique de son père, a annoncé la triste nouvelle sur X : « Le très honorable Brian Mulroney, 18e premier ministre du Canada, est mort paisiblement, entouré de sa famille. »
Celui que plusieurs appellent «Le p’tit gars de Baie-Comeau» est assurément un des plus grands premiers ministres de l’histoire du Canada, mais il aura aussi marqué le monde par son élégance, son intelligence et son courage politique.
Je n’ai pas eu le privilège de le côtoyer ou même de le rencontrer. Je n’ai même pas habité dans le pays qu’il dirigeait puisque j’y suis arrivé deux ans après son départ, mais comme tous les amateurs de politique, je suis admiratif de ses réalisations, de plusieurs de ses discours et de la profondeur de ses convictions.
Tous les hommes et femmes politiques québécois aiment le Québec et le démontrent à leur façon. Cependant, Brian Mulroney est probablement le dernier à avoir essayé de donner au Québec la place qui lui revient soit celle de signataire de la constitution canadienne. Son enthousiasme et ses valeurs ont amené plusieurs à lui faire confiance, parmi lesquels René Lévesque, qui a cru au beau risque proposé par l’avocat originaire de Baie-Comeau.
Il se fait élire comme premier ministre en 1984 en promettant un Québec prospère « dans un Canada très fort, très prospère et profondément uni ». Trois ans plus tard, il obtiendra un accord historique au lac Meech entre les premiers ministres des provinces et lui-même. Ce fut probablement un des moments les plus forts de l’unité canadienne, du moins un de ceux où l’espoir était le plus permis depuis la Révolution tranquille.
Malheureusement, l’espoir de voir le Québec réintégrer la confédération dans «l’honneur et l’enthousiame» ne fut pas de longue durée. Après les critiques sévères de Pierre Eliott Trudeau, l’accord s’effrite au fur et à mesure des changements de gouvernement dans les autres provinces canadiennes. Finalement, alors que la limite pour faire approuver l’accord était le 22 juin 1990, les provinces de Terre-Neuve et du Manitoba ne ratifient pas l’accord à temps.
C’était la fin de l’Accord du Lac-Meech et celle de son ambition d’unité canadienne et de reconnaissance du Québec. Il ne laissera pas tomber et l’accord de Charlottetown de 1992 sera soumis au vote populaire en octobre 1992. L’accord sera refusé par une vaste majorité de la population. Malgré cet échec, il aura essayé au meilleur de ses convictions et aura été le dernier à le faire.
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Un autre sujet dans lequel Brian Mulroney s’est démarqué, notamment par la profondeur de ses convictions, c’est le sujet de l’apartheid. En 1984, il avait reçu à Ottawa celui qui venait de recevoir le prix Nobel de la paix, Desmond Tutu. Mais en 1985, à la tribune de l’ONU, il fait un discours enflammé dénonçant l’apartheid, et, par le fait même, tous ceux qui dénonçaient la situation du bout des lèvres seulement. À l’époque, c’était un discours exceptionnel pour un dirigeant occidental blanc.
Ce courage lui vaudra un appel de la part de Nelson Mandela lors de sa libération ainsi qu’une visite officielle à Ottawa où Mandela fera son premier discours à un parlement occidental. Tout un honneur pour un pays dont l’influence internationale était moins grande que plusieurs nations, mais là où le premier ministre avait eu le courage de dire tout haut ce que plusieurs pensaient tout bas.
Quand on parle d’influence internationale de Brian Mulroney, on ne peut passer sous silence l’accord de libre-échange avec les États-Unis auquel se joindra également le Mexique. Cet accord est avant tout le fruit d’une collaboration, d’un respect mutuel et même d’une amitié entre le premier minitre Mulroney et le président Reagan. Lors du fameux «Shamrock Summit» de Québec en 1985, nom choisi en hommage aux origines irlandaises des deux hommes et au fait qu’il se tenait lors de la fête de la St-Patrick, les deux hommes jettent les bases de l’Accord et font étalage de leur bonne entente.
Cette entente servira également les intérêts canadiens en ce qui a trait à sa souveraineté territoriale au nord ainsi que pour conclure un important accord sur les pluies acides avec les États-Unis. Il est vrai que l’on ne parle plus autant du sujet, mais c’était, à l’époque, un accord environnemental unique.
Nombreux sont les dossiers desquels nous pourrions parler en faisant ressortir les qualités de Brian Mulroney. Par exemple, en environnement, il fut un véritable précurseur en protection de la biodiversité, et à signer le premier Plan vert du Canada. Il y a aussi eu des dossiers plus difficiles, dont celui de la création de la TPS qui lui a valu d’importantes critiques et qui a accéléré son départ de la politique.
Au-delà des dossiers, Brian Mulroney était un représentant digne et respectable de ce fabuleux milieu qu’est la politique. Les hommages de ses adversaires le démontrent, c’est un homme d’exception qui aura modifié durablement le visage de notre pays.
Je suis peut-être nostalgique, mais je ne sais pas si l’on aura à nouveau un jour, un homme ou une femme politique avec sa prestance, son influence, ses qualités de communicateurs et ses valeurs familiales.
Peut-être que sa fille suivra ses pas, ou que des plus jeunes s’inspireront de lui, mais quoi qu’il arrive, merci monsieur Mulroney. Dans la douleur, le Québec et le Canada vous rendent hommage. Ce soir, pour une dernière fois, vous portez le monde politique vers le haut.
Bon voyage et mes plus sincères condoléances à sa famille, à ses amis, à ses nombreux collaborateurs et à tous ceux qui sommes en deuil aujourd’hui, car nous avons perdu notre plus grand gentleman politicien.
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