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Les experts affirment que la prolifération rapide de nouveaux vols et de nouveaux trajets exerce une pression sur le marché du travail de l’aviation, y compris pour les pilotes.
Avec leur promesse de tarifs moins chers et sans fioritures inutiles, une vague de soi-disant «compagnies aériennes à rabais» a fait irruption sur la scène canadienne au cours des dernières années.
Les experts affirment toutefois que le modèle des compagnies aériennes à bas prix exacerbe une pénurie de pilotes qui existe déjà et qui pourrait devenir un problème encore plus grave pour l’industrie aéronautique canadienne dans les années à venir.
Les compagnies aériennes à rabais en démarrage, comme Flair Airlines, basée à Edmonton, Lynx, basée à Calgary, et Swoop, filiale de WestJet, ont connu une croissance rapide partout au Canada depuis la pandémie de COVID-19, jouant sur le fait qu’il y a suffisamment de demandes pour soutenir une capacité supplémentaire.
Bien que chaque entité fonctionne légèrement différemment, le principe de base d’une compagnie aérienne à bas prix est que les voyageurs reçoivent un service réduit en échange de tarifs de base bas. Les bagages de cabine et les bagages enregistrés, les collations et les boissons, ainsi que la protection contre les annulations sont tous considérés comme des extras et doivent être payés séparément.
Cependant, les experts affirment que la prolifération rapide de nouveaux vols et de nouveaux trajets exerce une pression sur le marché du travail de l’aviation, y compris pour les pilotes.
«Si j’ai une nouvelle compagnie aérienne qui démarre avec 10 avions, j’ai théoriquement besoin d’environ 200 pilotes», a déclaré Mike Doiron, président de Doiron Aviation Consulting à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
«Et former de nouveaux pilotes ne se fait pas du jour au lendemain, même si la demande de pilotes a explosé», a-t-il souligné.
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Une pénurie de pilotes se prépare au Canada depuis des années, en raison de divers facteurs, y compris le vieillissement de la main-d’œuvre, les mises à pied liées à la pandémie, les départs anticipés à la retraite et l’escalade des coûts de formation. Devenir pilote de ligne peut maintenant coûter plus de 100 000 $, ce qui décourage certains jeunes d’entrer dans la profession, selon les experts.
La semaine dernière, la compagnie aérienne de vacances Sunwing a attribué sa vague de perturbations et d’annulations de vols pendant la période des Fêtes en partie à une pénurie de pilotes, disant au Comité fédéral des transports que la décision du gouvernement de refuser la demande récente de la compagnie aérienne d’embaucher 63 travailleurs étrangers temporaires pour les postes de pilote a eu une incidence sur sa capacité à fournir des services.
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Tim Perry — président de la division canadienne de l’Association des pilotes de ligne, le syndicat qui représente les pilotes de plusieurs compagnies aériennes canadiennes, dont WestJet et Transat (mais pas Sunwing) — a dit que cet argument est «absurde». Il ne croit pas qu’une compagnie aérienne canadienne qui indemnise adéquatement ses pilotes devrait avoir besoin d’embaucher des travailleurs étrangers temporaires.
Cependant, M. Perry reconnaît qu’il y a de réels défis en matière de main-d’œuvre dans l’industrie de l’aviation. Il soutient que les écoles de pilotage, en particulier les compagnies aériennes du Nord et régionales, ont de la difficulté à recruter des pilotes certifiés, en partie parce que de nouveaux transporteurs embauchent des pilotes qui, autrement, seraient allés travailler chez certains de ces petits exploitants. Il souligne aussi que les transporteurs au rabais ne paient pas aussi bien qu’Air Canada ou WestJet et que les compagnies aériennes à faible coût ont également de la difficulté à conserver leur clientèle.
«Ces emplois de premier échelon (chez les transporteurs au rabais) n’ont jamais été des destinations de carrière. Ces compagnies aériennes se retrouvent donc avec un fardeau de formation plus élevé par unité de vol productif», a-t-il expliqué.
Aucune des compagnies aériennes contactées par La Presse Canadienne n’était disposée à parler de l’état actuel du marché du travail des pilotes, pas plus que le Conseil national des lignes aériennes du Canada.
Un rapport publié en 2018 par le Conseil canadien de l’aviation et de l’aérospatiale a révélé qu’un tiers des exploitants aériens du pays à l’époque ont cité les pilotes comme étant leur plus grande pénurie de main-d’oeuvre. Le rapport indique que le besoin de pilotes expérimentés commence à dépasser l’offre nationale disponible et prévoit que l’industrie aura besoin de 7300 pilotes supplémentaires d’ici 2025.
«Il n’y a peut-être que 15 000 à 20 000 pilotes dans tout le système à l’heure actuelle, alors c’est un nombre assez important» , a souligné M. Doiron.
Il a ajouté que certaines petites compagnies aériennes abaissent leurs normes d’embauche — réduisant le nombre d’heures de vol qu’elles auraient normalement besoin d’un pilote, ou envisageant des candidats qui n’ont pas de diplôme universitaire — afin d’être concurrentielles sur le marché du travail.
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Bien que les pilotes devront toujours satisfaire aux exigences minimales de formation établies par Transports Canada, Mike Doiron estime qu’une pénurie de pilotes qui s’aggravera à l’avenir signifiera moins d’expérience dans les postes de pilotage. Cela pourrait aussi conduire à une augmentation à long terme du nombre d’interruptions de vols et d’annulations de vols vécues par les voyageurs alors que les compagnies aériennes sont aux prises avec des problèmes d’horaires et de main-d’œuvre.
«La pénurie de personnel qualifié et expérimenté va vraiment mettre toute l’industrie à l’envers pendant un certain temps», a déclaré le président de Doiron Aviation Consulting à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
«Je suis heureux de ne pas être à la tête d’une compagnie aérienne en ce moment, car je dirais que ce sera une période difficile de cinq à dix ans.»
Flair Airlines, qui a pris de l’expansion pour desservir plus de 30 destinations au Canada, aux États-Unis et au Mexique, fait partie des entreprises en démarrage qui ont ajouté de la capacité depuis la pandémie de COVID-19.
Lynx affirme qu’elle offrira 292 sièges par semaine à destination et en provenance des États-Unis à partir de Toronto et de Calgary en février; et Canada Jetlines a lancé en septembre deux vols par semaine entre Toronto et Calgary.
La société torontoise Porter Airlines lance également de nouvelles liaisons et affirme qu’elle a commandé jusqu’à 100 nouveaux aéronefs, ce qui lui donnera la capacité d’opérer au Canada, aux États-Unis, au Mexique et dans les Caraïbes.