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International

Au moins 5300 morts et 10 000 disparus dans des inondations meurtrières en Libye

Tamer Ramadan, envoyé en Libye de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a soutenu que la situation en Libye était «aussi dévastatrice que la situation au Maroc».

Sur cette photo fournie par le gouvernement libyen, des voitures et des décombres gisent dans une rue de Derna, en Libye, le lundi 11 septembre 2023, après que la rue ait été inondée par de fortes pluies.
Sur cette photo fournie par le gouvernement libyen, des voitures et des décombres gisent dans une rue de Derna, en Libye, le lundi 11 septembre 2023, après que la rue ait été inondée par de fortes pluies.
Samy Magdy
Samy Magdy / Associated Press

Les secouristes ont découvert, mardi, plus de 1500 corps dans les décombres de la ville de Derna, dans l'est de la Libye. Le bilan risque de s'alourdir, alors que 10 000 personnes sont toujours portées disparues, après que les eaux de crue ont détruit des barrages et emporté des quartiers entiers de la ville.

Le bilan des morts, uniquement à Derna, a dépassé les 5300, a déclaré mardi l'agence de presse d'État, citant Mohammed Abu-Lamousha, porte-parole du ministère de l'Intérieur de l'est de la Libye. Les autorités ambulancières de Derna avaient précédemment estimé le nombre à 2300 personnes.

Les morts effroyables et la dévastation causée par la tempête méditerranéenne Daniel ont mis en évidence l'intensité de la tempête, mais aussi la vulnérabilité d'une nation déchirée par le chaos depuis plus d'une décennie. Le pays est divisé par des gouvernements rivaux, l'un à l'est et l'autre à l'ouest, ce qui engendre une négligence des infrastructures dans de nombreuses régions.

L'aide extérieure commençait tout juste à arriver à Derna, mardi, plus de 36 heures après la catastrophe qui s'est abattue sur le pays. Les inondations ont endommagé ou détruit de nombreuses routes d'accès à cette ville côtière de quelque 89 000 habitants.

Des vidéos montraient des dizaines de corps recouverts de couvertures dans la cour d'un hôpital. Une autre image montrait une fosse commune remplie de corps. Plus de 1500 cadavres ont été retrouvés, et la moitié d'entre eux ont été enterrés mardi soir, a déclaré le ministre de la Santé de l'est de la Libye.

Toutefois, le bilan risque d'être encore plus lourd, se chiffrant en milliers, a statué Tamer Ramadan, envoyé en Libye pour la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Il a affirmé lors d'un point de presse des Nations unies à Genève, par vidéoconférence depuis la Tunisie, qu'au moins 10 000 personnes étaient toujours portées disparues. Il a aussi évoqué, mardi, que plus de 40 000 personnes avaient été déplacées.

La situation en Libye est «aussi dévastatrice que la situation au Maroc», a soutenu M. Ramadan, faisant référence au tremblement de terre meurtrier qui a frappé le pays, vendredi soir, près de la ville de Marrakech.

La destruction a touché Derna et d'autres régions de l'est de la Libye, dimanche soir. Alors que la tempête frappait la côte, les habitants de Derna ont déclaré avoir entendu de fortes explosions et remarqué que les barrages à l'extérieur de la ville s'étaient effondrés. Des crues soudaines se sont déclenchées dans le Wadi Derna, une rivière qui coule des montagnes à travers la ville et qui se jette dans la mer.

Le mur d'eau «a tout effacé sur son passage», a raconté un résident de la ville, Ahmed Abdalla.

Des vidéos mises en ligne par d'autres résidents montrent de vastes étendues de boue et de décombres là où les eaux déchaînées ont emporté les quartiers bordant les deux rives de la rivière. Des immeubles d'habitations à plusieurs étages qui se trouvaient autrefois loin de la rivière avaient des façades arrachées et des sols en béton effondrés. Des voitures soulevées par l'inondation ont été abandonnées les unes sur les autres.

Le Centre météorologique national de la Libye a soutenu, mardi, avoir partagé des alertes à l'avance concernant la tempête Daniel, un «événement météorologique extrême», 72 heures avant son apparition, et avoir informé toutes les autorités gouvernementales par courriel et par l'intermédiaire des médias, «les exhortant à prendre des mesures préventives». La ville de Bayda a enregistré un record de pluie de 414,1 millimètres, de dimanche à lundi.

Récupération des corps

Mardi, les secouristes locaux, y compris les militaires, les fonctionnaires, les bénévoles et les résidents, fouillaient les décombres pour retrouver les morts. Ils ont également utilisé des bateaux gonflables pour récupérer les corps dans l'eau.

De nombreux corps seraient coincés sous les décombres ou auraient été emportés dans la mer Méditerranée, a dit le ministre de la Santé de l'est de la Libye, Othman Abduljaleel.

«Nous avons été stupéfaits par l'ampleur des destructions. La tragédie est très importante et dépasse les capacités de Derna et du gouvernement»
-Othman Abduljaleel, ministre de la Santé de l'est de la Libye, au téléphone, depuis Derna.

Des équipes du Croissant-Rouge venues d'autres régions du pays sont également arrivées à Derna, mardi matin, mais des excavatrices supplémentaires et d'autre équipement n'étaient pas encore arrivés.

Les inondations se produisent souvent en Libye pendant la saison des pluies, mais rarement avec autant de dégâts. Une question clé était de savoir comment les pluies ont pu éclater à travers deux barrages à l'extérieur de Derna, que ce soit à cause d'un mauvais entretien ou du simple volume de pluie.

Karsten Haustein, climatologue et météorologue à l'Université de Leipzig, en Allemagne, a expliqué dans un communiqué que Daniel a déversé 440 millimètres  de pluie sur l'est de la Libye en peu de temps.

«Les infrastructures n'ont probablement pas pu résister, ce qui a conduit à l'effondrement du barrage», a-t-il déclaré, ajoutant que l'augmentation des températures à la surface de l'eau a probablement contribué à l'intensité de la tempête

Les autorités locales ont négligé Derna pendant des années. «Même l'aspect de la maintenance était tout simplement absent. Tout a continué à être retardé», a souligné Jalel Harchaoui, chercheur associé spécialisé sur la Libye au Royal United Services Institute for Defence and Security Studies, basé à Londres.

Le fractionnisme entre également en jeu. Derna a été contrôlée pendant plusieurs années par des groupes militants islamiques. Le commandant militaire Khalifa Hifter, l'homme fort du gouvernement de l'est de la Libye, a pris le contrôle de la ville en 2019, après des mois de violents combats urbains.

Depuis, le gouvernement de l'est se méfie de la ville et cherche à exclure ses habitants de toute prise de décision, a indiqué M. Harchaoui. «Cette méfiance pourrait s'avérer désastreuse au cours de la prochaine période post-catastrophe», a-t-il ajouté.

L'aide internationale arrive en renfort 

Le gouvernement de l'ouest de la Libye, basé à Tripoli, a envoyé un avion avec 14 tonnes de matériel médical et du personnel de la santé à Benghazi. Il a également indiqué qu'il avait alloué l'équivalent de 412 millions $ à la reconstruction de Derna et d'autres villes de l'est.

Des avions sont arrivés mardi à Benghazi, transportant des équipes d'aide humanitaire et de secours en provenance d'Égypte, de Turquie et des Émirats arabes unis. Le chef d'état-major militaire égyptien a rencontré M. Hifter pour coordonner les renforts.

L'Allemagne, la France et l'Italie ont déclaré qu'elles enverraient également du personnel de secours et de l'aide.

Il n'était pas clair avec quelle rapidité l'aide pourrait être acheminée vers Derna, à 250 kilomètres à l'est de Benghazi, compte tenu des conditions sur le terrain. Ahmed Amdourd, un responsable municipal de Derna, a réclamé un couloir maritime pour acheminer l'aide et le matériel.

Le président américain, Joe Biden, a déclaré mardi dans un communiqué que les États-Unis enverront des fonds d'urgence aux organisations humanitaires et que le pays se coordonnait avec les autorités libyennes ainsi que l'ONU pour fournir un soutien supplémentaire.

«Jill et moi présentons nos plus sincères condoléances à toutes les familles qui ont perdu des êtres chers lors des inondations dévastatrices en Libye», a-t-il affirmé.

La tempête a frappé d'autres régions de l'est de la Libye, notamment la ville de Bayda, où l'on déplore une cinquantaine de morts. Le centre médical de Bayda, l'hôpital principal, a été inondé et les patients ont dû être évacués, selon des images partagées par le centre sur Facebook.

D'autres villes ont été touchées, notamment Susah, Al Marj et Shahhat, selon le gouvernement. Des centaines de familles ont été déplacées et ont trouvé refuge dans des écoles et d'autres bâtiments gouvernementaux dans la ville de Benghazi et ailleurs dans l'est de la Libye.

Le nord-est de la Libye est l'une des régions les plus fertiles et les plus vertes du pays. La région d'Al Jabal al Akhdar, où se trouvent Bayda, Al Marj et Shahhat, bénéficie d'une pluviométrie annuelle moyenne parmi les plus élevées du pays, selon la Banque mondiale.

Avec des informations de Jamey Keaten, AP.

Samy Magdy
Samy Magdy / Associated Press