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David Shanks a récemment terminé son mandat à titre de «censeur en chef» en Nouvelle-Zélande. Il est à Winnipeg avec d'autres experts internationaux pour développer des stratégies visant à lutter contre les espaces numériques dangereux.
David Shanks a éprouvé un sentiment de détresse profonde lorsqu'il a appris en fin de semaine qu'une vidéo qui se répandait rapidement en ligne donnait à voir la fusillade de masse perpétrée dans un supermarché de Buffalo.
Il y a seulement trois ans, M. Shanks était confronté directement et personnellement à la question de savoir comment arrêter la diffusion d'une vidéo de l'horrible tuerie de Christchurch, en Nouvelle-Zélande.
M. Shanks a récemment terminé son mandat de cinq ans à titre de «censeur en chef» en Nouvelle-Zélande. Il est à Winnipeg cette semaine, avec d'autres experts internationaux, pour développer des stratégies visant à lutter contre les espaces numériques dangereux.
Après le «tournage en direct» de la tuerie de samedi aux États-Unis, un sentiment d'urgence particulier a imprégné la conférence de Winnipeg, organisée par le Centre canadien de protection de l'enfance.
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Cela a frappé particulièrement M. Shanks, qui veillait il y a cinq ans au respect de la réglementation des contenus numériques lorsqu'un suprémaciste blanc est entré dans deux mosquées néo-zélandaises et a tué 50 personnes, tout en blessant beaucoup d'autres. Or, le tueur a aussi diffusé en direct, sur Facebook, son massacre.
L'utilisation des médias sociaux dans cet attentat violent était sans précédent. La vidéo s'est rapidement diffusée en ligne — et très largement. «J'ai immédiatement réalisé que nous avions affaire non seulement à un horrible attentat terroriste, mais aussi à un terrible événement médiatique, a déclaré M. Shanks. (La vidéo) était multipliée et même recommandée aux utilisateurs sur certaines plateformes.»
Contrairement à ce qui se fait dans d'autres pays, M. Shanks avait le pouvoir d'interdire, en Nouvelle-Zélande, la vidéo ainsi que le message menaçant publié par le tueur. L'interdiction a rendu illégale, dans ce pays, le visionnement, la possession ou la distribution de cette vidéo ou du document.
Cette réponse rapide de l'organisme néo-zélandais a ensuite permis l'ouverture d'un débat mondial sur la réglementation d'internet, en particulier en ce qui concerne les vidéos nuisibles ou toxiques.
Des experts estiment que les réglementations sont en retard, alors même que de plus en plus de tireurs, inspirés par le massacre de Christchurch, utilisent internet comme outil pour propager une idéologie violente. «Et qu'est-ce qu'on voit encore? Une autre tragédie» à Buffalo, a rappelé M. Shanks.
Les autorités américaines ont déclaré qu'un homme blanc, armé, était entré samedi dans un supermarché d'un quartier à majorité noire de Buffalo et avait tué 10 personnes; trois autres ont été blessées. La fusillade fait l'objet d'une enquête fédérale en tant que crime haineux et est considérée comme un cas d'extrémisme violent à motivation suprémaciste.
Selon la police, le tireur a monté une caméra sur son casque pour diffuser son agression en direct sur Twitch, un site de jeux en ligne. Cette manœuvre visait à faire écho au massacre en Nouvelle-Zélande, en voulant inspirer d'autres extrémistes et en diffusant à large échelle ses croyances racistes, selon la police.
La vidéo de Buffalo a été signalée rapidement par les plateformes de médias sociaux, selon les experts; elle s'est donc propagée beaucoup plus lentement que celle de Christchurch. Mais il serait toujours possible de la trouver facilement sur plusieurs sites de médias sociaux.
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John Carr est secrétaire au Royaume-Uni d'une coalition d'organismes de charité pour l'enfance intéressés par la sécurité dans internet, mais aussi conseiller en matière de législations dans ce domaine. Il estime que la vidéo de Buffalo souligne à quel point le secteur de la technologie ne se réglemente toujours pas assez. Il est temps, selon lui, que les gouvernements s'en mêlent: l'autoréglementation du secteur, sur une base volontaire, n'a pas fonctionné, dit-il.
Lianna McDonald, directrice du Centre canadien de protection de l'enfance, a constaté les effets durables — et de grande envergure — des vidéos en ligne. Le centre a développé le projet «Arachnid», pour lutter contre la prolifération croissante des images d’agressions sexuelles d'enfants sur internet. L'outil en ligne parcourt les sites web à la recherche de telles images et est utilisé par des organisations et des services de police du monde entier.
Mme McDonald rappelle qu'un manque de réglementation peut être aussi nocif pour les enfants. Un internaute sur trois dans le monde est un enfant — c'est un sur cinq au Canada. Les vidéos peuvent également aggraver le traumatisme des victimes, a-t-elle ajouté. «C'est le pire moment de votre vie et des gens dans le monde entier le visionnent.»
L'Union européenne s'est mise d'accord sur une réglementation historique pour les géants du web. L'Australie et la Nouvelle-Zélande vont également dans la même direction.
Les experts rappellent que de plus en plus de pays qui ont décidé de réglementer ce secteur obligent les entreprises technologiques à agir de manière proactive afin de garder leurs plateformes exemptes de violence et sécuritaires pour les utilisateurs.
Le Canada a indiqué qu'il s'orientait dans cette direction. Mme McDonald fait partie du «groupe consultatif d’experts sur la sécurité en ligne», mis sur pied par le gouvernement fédéral pour l'aider à établir un cadre réglementaire afin de lutter contre les contenus préjudiciables en ligne.
Mme McDonald admet qu'il y a eu quelques changements de la part des gouvernements et des plateformes technologiques, mais elle croit que c'est trop lent. «Il faut agir maintenant.»