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«C'est comme une mort par mille coupures.»
Le secteur canadien de la restauration se prépare à la plus forte augmentation des droits d'accise sur l'alcool au pays en plus de 40 ans, ce qui l'a incitée à lancer des avertissements pour prévenir que cette hausse de taxes pourrait entraîner la fermeture de certains bars et restaurants.
«Toute augmentation en cette période très vulnérable pour notre secteur n'est qu'un autre coup dur, alors que nous sommes déjà en panne», a déploré Brenda O'Reilly, propriétaire de plusieurs restaurants et d'une brasserie à Saint-Jean de Terre-Neuve.
«C'est comme une mort par mille coupures.»
Les exploitants de bars et de restaurants à travers le Canada ont déjà été confrontés à plusieurs difficultés: confinements, pénuries de main-d'œuvre, problèmes de chaîne d'approvisionnement et flambée des coûts de tout, de la masse salariale à l'huile de cuisson. La forte inflation a en outre atténué la demande, certains consommateurs préférant rester chez eux pour économiser de l'argent.
La taxe fédérale sur les boissons alcoolisées doit augmenter de 6,3 % le 1er avril.
Les droits d'accise sur l'alcool sont imposés à la fabrication et ajustés annuellement en fonction de l'inflation.
Bien que le droit soit distinct des frais des régies provinciales des alcools et des taxes de vente, il finit par se répercuter sur les prix pour les consommateurs, a expliqué CJ Hélie, président de Bière Canada.
«Il est imposé au point de production et payé par le fabricant, ce qui signifie qu'il est intégré au prix du produit et amplifié tout au long de la chaîne d'approvisionnement, du distributeur au détaillant», a-t-il précisé.
L'augmentation annuelle automatique des taxes est un irritant de longue date pour l'industrie des boissons alcoolisées, mais elle était plus «digeste» lorsque l'inflation était d'environ 2,0 %, a souligné M. Hélie.
Mais l'ajustement de cette année représente plus du triple de l'augmentation habituelle, et selon lui, il devrait être reconsidéré compte tenu de l'état de l'industrie.
«Lorsque l'inflation défonce le plafond, nous devons repenser cette formule automatique, a estimé M. Hélie. Le secteur est déjà dans une situation désespérée. Utiliser une formule rigide à une époque comme celle-ci est inacceptable.»
Certains brasseurs peuvent essayer d'absorber les coûts plus élevés en reportant leurs plans d'investissement comme de nouvelles embauches, mais il croit qu'il n'y a pas tant de possibilités avant de répercuter la hausse des taxes.
«Ils essaieront de récupérer ce qu'ils peuvent avec les prix de gros, mais cela pourrait avoir un impact sur la demande et finir par leur coûter, de toute façon, des volumes de ventes inférieurs», a expliqué M. Hélie.
Les taux des droits d'accise sur l'alcool sont ajustés par la loi sur une base annuelle pour tenir compte de l'inflation, a indiqué Adrienne Vaupshas, attachée de presse de la ministre des Finances Chrystia Freeland, dans un courriel.
L'augmentation du mois prochain équivaut à moins de 1 cent sur une canette de bière, a-t-elle ajouté.
Sur un litre de vin, le taux du droit d'accise passe de 0,688 $ à 0,731 $, soit un peu plus de 4 cents, selon les chiffres fournis par l'Agence du revenu du Canada. Pour une bouteille de vin de 750 ml, l'augmentation serait plus proche de 3 cents.
Mais le groupe industriel Restaurants Canada a souligné que cela coûterait à l'industrie canadienne de la restauration environ 750 millions $ par an, le restaurant décontracté moyen devant payer 30 000 $ de plus pour l'alcool.
Dans le commerce de détail, l'impact peut être plus subtil. Même s'il s'ajoute à d'autres augmentations de prix, les consommateurs peuvent remarquer des prix plus élevés.
Parmi les facteurs influençant les hausses des prix au détail se trouvent notamment des taxes d'accise plus élevées et la hausse du coût des matières premières telles que les bouteilles, les canettes, l'orge et les étiquettes, a souligné une porte-parole de la Nova Scotia Liquor Corporation, Allison Himmelman, dans un courriel.
En Colombie-Britannique, un porte-parole de la BC Liquor Distribution Branch a souligné qu'il n'était pas possible d'évaluer le niveau de l'augmentation des prix que les consommateurs pourraient voir ou non.
«Chaque fournisseur d'alcool décidera d'augmenter ou non son prix de gros pour tenir compte de l'augmentation qu'il doit payer en droits d'accise», a expliqué Robin Fraser dans un courriel.
«Ensuite, les détaillants prendront la décision d'ajuster ou non les prix pour les consommateurs de ces produits, a poursuivi M. Fraser. Il appartient à chaque détaillant de déterminer s'il veut augmenter ses prix, et dans quelle mesure.»
Les prix des boissons alcoolisées ont augmenté de 5,7 % en février par rapport au même mois l'an dernier, selon Statistique Canada.
Bien que ce ne soit que légèrement supérieur à l'inflation annuelle d'ensemble de 5,2% le mois dernier, la hausse des taxes en avril ainsi que d'autres augmentations pourraient voir l'inflation de l'alcool augmenter plus rapidement que l'inflation générale plus tard ce printemps.
«Notre secteur est en difficulté et nous ne pouvons pas absorber d'autres augmentations, a fait valoir Olivier Bourbeau, vice-président aux affaires fédérales chez Restaurants Canada. Les marges des restaurants sont toujours minces, mais en ce moment, elles se situent autour de 2 % à 3 %.»
Un récent sondage de Restaurants Canada a révélé qu'environ la moitié des restaurants titulaires d'une licence au Canada fonctionnent tout juste au niveau de la rentabilité, ou en dessous.
C'est en partie parce que les restaurants absorbent une partie des coûts plus élevés attribuables à l'inflation, a expliqué M. Bourbeau.
En effet, alors que les prix des produits vendus en épicerie ont enregistré une augmentation de 10,6 % d'une année à l'autre en février, les prix des aliments au restaurant n'ont augmenté que de 7,7 %, selon les données de Statistique Canada.
En outre, les prix des boissons alcoolisées achetées dans les magasins ont augmenté de 6,0 % en février, tandis que ceux des boissons alcoolisées servies dans les établissements licenciés n'ont augmenté que de 4,3 %, a indiqué l'agence.
«Les restaurants ne peuvent plus absorber d'augmentations de prix, a estimé M. Bourbeau. Mais s'ils répercutent ces coûts sur les clients, cela pourrait nuire à leur entreprise.»
«En fin de compte, les consommateurs n'accepteront de payer qu'un certain montant avant de commencer à réduire leurs dépenses.»