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Selon une enquête pancanadienne menée en 2020, plus du tiers des répondants ont connu un besoin insatisfait en matière de soins de santé généraux.
Encore aujourd'hui, les personnes transgenres et non binaires peinent à obtenir des soins médicaux adaptés au sein des réseaux de santé canadien et québécois.
Selon une enquête pancanadienne menée en 2020 visant à déterminer l’impact de la COVID-19 sur l’accès aux soins de santé pour les personnes transgenres et non binaires au Canada, plus du tiers des répondants ont connu un besoin insatisfait en matière de soins de santé généraux. À titre de comparaison, cette proportion s'élevait à 45 % des individus trans avant la pandémie, contre 4 % de la population générale.
Cet écart s’explique entre autres par des interruptions de services médicaux, notamment dans les traitements d’hormonothérapie. Parmi les quelque 58 % des personnes répondantes qui suivaient une hormonothérapie – soit un traitement médical qui permet de transitionner vers le genre souhaité –, plus du quart ont dû suspendre temporairement ces soins au cours de la pandémie.
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«C’est nocif, l’attente. Des études ont démontré que les soins d’affirmation de genre ont un impact direct sur la santé mentale et sur des indicateurs comme les tentatives de suicide. (...) Si tu n’as pas accès à ces services, la santé psychologique peut même empirer de deux à trois fois», soutient en entrevue Annie Pullen Sansfaçon, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leurs familles.
Sans ces traitements, une personne peut être plus à risque de vivre de la dysphorie de genre, un terme médical utilisé pour décrire la détresse liée à une incongruence entre son sexe assigné à la naissance et son identité de genre. Cette souffrance psychologique et émotionnelle peut engendrer, entre autres, de l’anxiété, des épisodes dépressifs ou des idées suicidaires.
«Les soins d’affirmation de genre sont des soins vitaux, et ils sont jugés essentiels par l’Association professionnelle mondiale pour la santé des personnes transgenres», souligne la professeure à l'École de travail social de l'Université de Montréal.
Même si certaines personnes trans réussissent à obtenir les soins d’affirmation de genre dont elles ont besoin, leurs expériences au sein du système de santé restent parfois pénibles.
«Le Collège des médecins et les autres ordres pourraient nous protéger, mais dans les faits, les plaintes sont fréquemment jugées comme non recevables et les gestes transphobes sont considérés comme des maladresses non répréhensibles», raconte Mathé-Manuel Daigneault, une personne transmasculine travaillant comme coordonnateur de l’Équipe de recherche sur les jeunes trans et leurs familles.
Trop souvent, les personnes trans ou non binaires qui consultent pour des problèmes de santé quelconque doivent faire face à des questions indiscrètes, voire inappropriées en lien avec leur identité de genre.
«Plusieurs parlent de s’être fait baisser les culottes alors qu’ils consultaient pour une douleur à l’épaule. On a des histoires où le médecin ne demande même pas le consentement, ou encore il n’explique pas le raisonnement médical derrière le geste. Mais parce qu’on est trans, ça passe», déplore-t-il.
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Pour Mme Pullen Sansfaçon, ces situations découlent généralement d’un manque de formation de base des professionnels de la santé.
«C’est souvent ça le problème, le syndrome du bras cassé: tu vas voir ton médecin pour un bras et finalement, tu te ramasses à répondre à des questions sur tes organes génitaux», explique-t-elle.
D’autres accrocs peuvent compromettre la qualité des services offerts aux personnes trans, notamment le fait de se faire mégenrer, de ne pas se faire appeler par son nom choisi ou encore de devoir «éduquer» le personnel médical sur la santé transgenre.
Aux yeux de la professeure, le traitement inclusif et accueillant de l'ensemble de la communauté LGBTQ+ au sein du système de santé est avant tout une question de responsabilité sociale, l’identité de genre étant protégée par la Charte des droits et libertés canadienne.
«C’est parfois un problème de manque d’outils, mais je pense que tout le monde pourrait au moins suivre une formation de base. (...) Ça permet à la personne qui est à l’accueil, à l’infirmière ou l’infirmier qui fait le triage, bref, à n’importe qui qui interagit avec une personne trans de s'assurer qu'elle ne se fait pas mégenrer ou poser des questions intrusives», atteste-t-elle.
La Chaire de recherche du Canada sur les enfants transgenres et leurs familles offre d’ailleurs le module «Trans diversité 2: santé et services sociaux». D'une durée de cinq heures, la formation en ligne gratuite enseigne les pratiques à adopter pour mieux répondre aux besoins des personnes trans et non binaires dans le milieu de la santé.
Ce genre de formation obligatoire pourrait améliorer l’expérience de l’ensemble des individus trans dans le système de santé, estime Mathé-Manuel Daigneault, et pas seulement de celles qui ont «terminé» leur transition.
«On se concentre souvent sur les personnes qui sont activement en traitements et qui sont en train d’aller chercher des soins, indique le coordonnateur. Malheureusement, ce n’est pas parce que tu considères que ta transition est achevée que tu peux naviguer aisément dans le système de santé sans expérimenter de la transphobie.»