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Les menaces de Trump feraient boire la tasse à l'industrie viticole européenne

L’Italie, la France et l’Espagne figurent parmi les cinq premiers exportateurs de vin vers les États-Unis.

Une coupe de champagne est visible dans la cave du vigneron David Levasseur à Cuchery, dans l'est de la France, le lundi 17 mars 2025.
Une coupe de champagne est visible dans la cave du vigneron David Levasseur à Cuchery, dans l'est de la France, le lundi 17 mars 2025.

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Associated Press
Associated Press

Dans les régions viticoles de France, d'Italie et d'Espagne, un chiffre revient en tête: 200 %.

En effet, la semaine dernière, le président américain, Donald Trump, a menacé d'imposer des droits de douane d'un montant équivalent sur le vin, le champagne et d'autres spiritueux européens si l'Union européenne décidait d'imposer des droits de douane de rétorsion sur certains produits américains. Les principaux producteurs de vin européens pourraient être confrontés à des coûts exorbitants qui frapperaient particulièrement durement les petits domaines viticoles.

L'industrie viticole européenne est la dernière en date à se retrouver dans le collimateur d'un éventuel conflit commercial avec les États-Unis.

 

Parmi les personnes concernées figure David Levasseur, vigneron de troisième génération et propriétaire d'une maison de champagne dans la région française du même nom. «Ça veut dire que je suis dans le pétrin, vraiment dans le pétrin. Espérons que ce ne soit que du blabla», a lancé M. Levasseur, debout dans sa maison de Champagne, tout en sirotant une flûte de bulles de son vignoble. «Quand on parle aussi fort», a-t-il dit à propos de la menace de 200 % de Donald Trump, «c’est pour faire le buzz médiatique. Mais quoi qu’il en soit, nous pensons qu’il y aura des conséquences.»

Comme d’autres négociants et exportateurs de vin, David Levasseur a évalué qu’une taxe de 200 % sur ses exportations vers les États-Unis paralyserait ses activités dans ce pays. «Ce pourrait être un véritable désastre», a-t-il déploré.

L’Italie, la France et l’Espagne figurent parmi les cinq premiers exportateurs de vin vers les États-Unis. Le président américain a menacé l’industrie européenne de l’alcool après que l’Union européenne (UE) a annoncé une taxe de 50 % sur le whisky américain, qui devrait entrer en vigueur le 1er avril. Cette taxe a été dévoilée en réponse aux droits de douane imposés par l’administration Trump sur l’acier et l’aluminium étrangers.

En France, un marché de 4 milliards d'euros

Gabriel Picard, président de la Fédération des exportateurs de vins & spiritueux de France (FEVS), a déclaré que des droits de douane de 200 % seraient un «coup dur» pour l'industrie française, dont les exportations de vins et spiritueux vers les États-Unis représentent 4 milliards d'euros (6,2 milliards $ CAN) par an.

«Avec des droits de douane de 200 %, il n'y a plus de marché», a lâché tout net M. Picard.

Il a néanmoins compris la réaction des dirigeants européens aux droits de douane initiaux du président américain.

«Cela ne fait aucun doute, a-t-il expliqué. Nous sommes d'accord que M. Trump crée et aime créer des rapports de force. Nous devons nous y adapter.»

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Dans le cas de l'Italie, c'est le vin des restaurants haut de gamme qu'ils craignent le plus de perdre.

L'industrie viticole italienne a appelé au calme, espérant que les négociateurs de Bruxelles et de Washington parviendront à apaiser les tensions commerciales croissantes.

Les États-Unis sont le plus grand marché viticole de l'industrie italienne, avec des ventes qui ont triplé en valeur au cours des 20 dernières années. L'année dernière, les exportations ont augmenté de près de 7 % pour atteindre plus de 2 milliards d'euros (3,1 milliards $ CAN), selon Coldiretti, principal lobby agricole italien.

Les fortes ventes dans les restaurants haut de gamme, en particulier, rendent le marché américain difficile à remplacer, a pointé Piero Mastroberardino, vice-président de l'association nationale des vignerons Federvini.

Le vin rouge Taurasi Radici de M. Mastroberardino, par exemple, a été classé cinquième meilleur vin au monde en 2023 par «Wine Spectator», un magazine américain consacré au vin et à l'art de vivre. Il se vend environ 80 $ US (115 $ CAN) la bouteille au détail aux États-Unis, soit environ le double de son prix en Italie. Par conséquent, toute taxe douanière le ferait atteindre un prix «inimaginable», a calculé le vigneron.

En janvier, les partenaires importateurs américains de Piero Mastroberardino ont augmenté leurs commandes d'environ 20 %, anticipant d'éventuelles taxes douanières de Donald Trump. Mais cette augmentation des commandes ne compenserait pas longtemps l'impact des taxes douanières, particulièrement élevées, a-t-il ajouté.

«Il est dans l'intérêt de tous de maintenir un front uni à la table des négociations, a insisté M. Mastroberardino, en particulier ceux qui sont ciblés.»

Les vins rouges onctueux d'Espagne et le Cava pétillant en danger

Les producteurs de vin et les experts du secteur en Espagne, dont les vins rouges onctueux sont savourés par des dizaines de millions de touristes américains qui visitent ce pays du sud de l'Europe chaque année, partageaient les mêmes inquiétudes concernant les droits de douane potentiels.

«Nous pensons qu'ils manquent de logique et espérons que cela ne se concrétisera jamais», a indiqué Begoña Olavarría, analyste économique à l'Organisation interprofessionnelle du vin d'Espagne.

L'année dernière, l'Espagne était le quatrième exportateur de vin vers les États-Unis en termes de ventes et le septième en volume, selon l'organisation professionnelle. Les exportations de vin espagnol vers les États-Unis ont augmenté de 7 % l'an dernier. Et l'industrie viticole représente environ 2 % de la production économique globale du pays, a rappelé l'organisation professionnelle.

Pour les producteurs espagnols de Cava, la menace des droits de douane américains a été particulièrement durement touchée. Les États-Unis sont le deuxième marché du vin pétillant espagnol, qui, comme le champagne, bénéficie d'une appellation d'origine contrôlée, ce qui signifie qu'il ne peut être produit qu'en Espagne.

Mireia Pujol-Busquets est propriétaire de la Bodega Alta Alella, située dans la région du Cava, au sud de Barcelone. Fondée par sa famille en 1991, elle explique que son entreprise et ses 40 employés risquent de perdre immédiatement quelque 25 000 bouteilles en cas de fermeture brutale du marché américain.

«Nous avons consacré dix ans à l'ouverture du marché américain, à la recherche de distributeurs et au développement d'une marque», a-t-elle raconté à l'Associated Press.

Si la Bodega catalane et ses distributeurs aux États-Unis ont pu absorber la hausse des prix induite par les droits de douane de 25 % imposés par M. Trump sur les vins pendant son premier mandat, Mme Pujol-Busquets estime qu'il est «complètement irrationnel» d'envisager une hausse de 200 %.

«La situation est assez désespérée», a-t-elle déploré.

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Associated Press
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