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Une page Instagram recense les festivals qui laissent une trop grande place au «boys club» dans leur programmation.
Depuis un mois, une page Instagram recense les festivals de musique québécois qui laissent une trop grande place au «boys club» dans leur programmation. Encore en 2024, la parité dans les festivals, qui avait fait couler beaucoup d’encre en 2018 au Québec, suscite de vifs débats.
En voyant passer des stories dénonçant l’absence ou le manque de femmes dans certains festivals, Audrey, Charlotte et trois autres amies ont eu l’idée début avril de créer la page «Pas de filles sur la prog». Inspirée par la page «Pas de fille sur le pacing» qui recense les soirées d’humour 100% masculines, la version musicale se veut une succession d’affiches de programmation où l’on retrouve peu (ou carrément pas) de femmes.
Elles ont lancé leur page le 3 avril dernier en partageant la programmation du festival Cigale, à Québec, qui ne compte qu’une seule femmme sur ses deux journées de programmation. Les organisateurs de Cigale n’ont pas donné suite à la demande d’entrevue de Noovo Info.
«On demande vraiment une meilleure parité dans les festivals, une vraiment meilleure représentation des femmes, parce qu'on se rappelle quand même qu'on est 50/50 femmes/hommes. Donc je ne comprends pas comment ça se fait que c'est pas quelque chose qui est représenté dans les festivals en général. Pourquoi il y a des ratios comme 20 sur 21 artistes qui sont des hommes?», soutient Audrey, une des étudiantes qui a créé la page.
Selon les instigatrices de la page, les programmateurs vont souvent avoir le réflexe de booker un homme, puisqu’ils estiment que ceux-ci vont mieux remplir les salles et rentabiliser le festival. Ce qui contribue à un cercle vicieux.
«Il n'y a pas de visibilité qu'on donne aux femmes, donc elles sont moins soutenues financièrement, donc on ne les met pas dans le festival. Puis ça, ça perpétue ce genre d’invisibilisation», dénonce Charlotte, l’une des femmes derrière le compte.
Les instigatrices de la page «Pas de filles sur la prog» ne font pas que dénoncer les festivals dont les programmations font peu de place aux artistes féminines. Elles invitent également les festivaliers à encourager les festivals qui font une belle place aux artistes féminines lors de leurs événements. Elles citent notamment des festivals comme La Noce et l'International de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu.
La programmation paritaire de l'International de montgolfières de Saint-Jean-sur-Richelieu découle d’un «effort conscient» des organisateurs, explique le directeur de la programmation de l’événement Junior Bombardier. Il est visiblement fier de mettre de l’avant des femmes et des personnes de la diversité dans l’événement qu’il chapeaute. Mais il reconnaît que la préparation d’un festival d’une telle ampleur est souvent pleine de défis (disponibilité des artistes, budget, impératifs de rentabilité) et que certains festivals font des efforts en ce sens qui ne se matérialisent pas.
«La vérité, c'est que il y a quand même parfois un écart entre la volonté de le livrer et la réussite. Et cette année, en tout cas, on est vraiment trop fiers d'y être arrivé», soutient-il.
Pour l’International de montgolfières, la parité revêt d’ailleurs une importance particulière pour les organisateurs.
«C'est important parce que ça aurait dû être comme ça il y a bien longtemps. Les artistes féminines, il y en a autant des marquantes qui méritent cette place-là tant dans la musique qui émerge que la musique bien établie, c'est juste pour nous une normalité. Ça doit être comme ça.
Cette prise de position est partagée par le festival La Noce au Saguenay, qui s’assure également de mettre en scène une programmation diversifiée.
«Il n’y a pas beaucoup de femmes en musique justement, donc c'est extrêmement important de les mettre en valeur à tellement de niveaux», estime Émilie Tremblay, programmatrice à La Noce.
Elle estime que c’est important que les filles aient des modèles diversifiés de femmes musiciennes et se sentent représentées sur la scène culturelle.
«Ma fille quand je l’ai amenée dans un festival, elle a vu la drummeuse des Shirley. Depuis ce temps-là, elle veut faire du drum et [avant] elle pensait qu’elle pouvait juste chanter pour faire de la musique», illustre-t-elle.
L’affiche du Festival d’été de Québec (FEQ) s’est retrouvée sur la page «Pas de filles sur la prog» bien que sa programmation soit en zone paritaire avec 42% de femmes. C’est que les instigatrices de la page dénoncent que ces femmes soient plus souvent reléguées à des premières parties ou à des scènes secondaires. Selon leurs calculs, 20 des 21 têtes d’affiche des deux principales scènes du festival sont des hommes.
Par courriel, le FEQ nous indique «ne ménager aucun effort pour assurer la meilleure représentativité qui soit».
«Bien que seule une femme soit en tête d'affiche sur les Plaines, cela ne reflète pas l'ensemble de notre engagement envers la représentation féminine. En effet, notre équipe a fait davantage d'offres à des femmes pour occuper des positions de tête d'affiche cette année qu'à des hommes. Cependant, la demande pour la participation des femmes en tête d’affiche est élevée et dépasse de loin leur disponibilité, puisque de nombreux événements souhaitent aussi les inclure dans leur programmation».
Le festival invite les festivaliers à explorer l’ensemble de sa programmation pour découvrir des talents féminins.