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«Il n’y a aucune raison pour qu’il s’agisse d’une petite cabale de porte-parole approuvés par le gouvernement. C’est très antidémocratique.»
Le chef conservateur Pierre Poilievre juge que la presse parlementaire est constituée de «médias libéraux» et souhaite que des «médias indépendants» puissent poser des questions aux élus dans l'enceinte du Parlement fédéral.
«Je pense que les médias indépendants devraient être autorisés à se rendre dans l’enceinte (parlementaire). Il n’y a aucune raison pour qu’il s’agisse d’une petite cabale de porte-parole approuvés par le gouvernement. C’est très antidémocratique», a déclaré M. Poillievre lors d'une entrevue avec le tout nouveau média Juno News diffusée jeudi.
M. Poilievre explique qu'il aimerait que «tous les types de journalistes, de tous les horizons et de toutes les opinions» puissent témoigner de ce qui se passe sur la colline.
Appelée à réagir, la présidente de la Tribune de la presse parlementaire canadienne, Mia Rabson, a déclaré que l'institution a «une longue histoire de règles pour en être membre, notamment qu'un journaliste doit couvrir la colline du Parlement à temps plein et adhérer aux principes et normes journalistiques».
En entrevue, le chef conservateur a également affirmé qu'il est «particulièrement difficile» pour lui de faire passer son message en conférence de presse puisque «seuls les médias libéraux sont présents».
Le président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ), Éric-Pierre Champagne, a reproché à M. Poilievre de «laisser croire que les journalistes et les médias qui travaillent à la couverture des affaires parlementaires sont des marionnettes du gouvernement en place».
«Pourtant, chaque jour, des journalistes sortent des histoires d’intérêt public, qui illustrent notamment des problématiques dans les actions du gouvernement libéral. Des histoires qui sont reprises quotidiennement par les partis d’opposition, dont le Parti conservateur, qui talonnent le gouvernement à la période de questions à la Chambre des communes», a-t-il poursuivi sur LinkedIn.
Bien que M. Champagne note qu'il soit «tout à fait sain dans une société démocratique de critiquer le travail des journalistes et des médias», le chef du Parti conservateur du Canada est plutôt dans «l'instrumentalisation à des fins partisanes et politiques».
Lors de l'échange, M. Poilievre ne répond pas directement à la question quant à la manière dont un gouvernement qu'il dirigerait ou lui même personnellement donnerait accès aux médias indépendants.
L'animatrice Candice Malcolm, qui se décrit comme la fondatrice de True North, un média de droite, ne le relance pas dans l'extrait diffusé en ligne et accessible gratuitement.
La Presse canadienne, dont les journalistes qui couvrent l'activité parlementaire à Ottawa sont membres de la Tribune de la presse parlementaire canadienne, a demandé au cabinet de M. Poilievre de préciser sa pensée, mais n'avait pas obtenu de réponse dans les heures qui ont suivi.
Dans la description de sa chaîne YouTube, Juno News ne passe pas par quatre chemins. «Les médias traditionnels vous mentent», est-il écrit. Juno News, prétend-on, rassemble notamment «des nouvelles fiables et factuelles, des opinions honnêtes et percutantes, des vidéos et des podcasts provocateurs et convaincants».
Actuellement, le statut de membre actif de la Tribune n'est ouvert qu'aux journalistes, photographes, cameramans, preneurs de son et aux autres professionnels «dont la principale occupation régulière est de couvrir, d'interpréter ou de produire les nouvelles du Parlement et du gouvernement fédéral, et qui sont affectés à Ottawa en permanence par une ou plusieurs entreprises de presse».
La constitution de la Tribune prévoit également qu'ils doivent publier et diffuser régulièrement des nouvelles ou des commentaires sur l’actualité parlementaire et les affaires gouvernementales «dans une optique journalistique et d’intérêt public».
Vendredi, alors que le caucus conservateur se réunissait sur la colline parlementaire, le chef adjoint Andrew Scheer a reproché aux journalistes présents de ne pas «réclamer des comptes» au favori de la course libérale, Mark Carney, concernant une déclaration voulant que les surdoses de fentanyl soient une «crise» aux États-Unis, mais un «défi» au Canada.
Les propos de M. Poilievre et de son caucus rappellent l'attitude qu'adopte désormais l'administration Trump face aux médias traditionnels.
Lors de son premier point de presse, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, avait annoncé à la fin janvier qu'elle donnerait désormais un siège dans la salle de presse à des influenceurs et des baladodiffuseurs.
De même, le Pentagone ne cesse d'expulser des espaces de travail qu'il abrite des médias traditionnels afin d'avoir des médias plus amicaux. CNN, The Washington Post, The Hill, NBC News, the New York Times, NPR et Politico ont, entre autres, été priés de plier bagage.
Le caucus conservateur se réunissait à Ottawa, vendredi, alors que les appuis du parti dans les sondages sont en baisse et que les menaces tarifaires de Donald Trump planent toujours.
Il s'agissait de leur première rencontre depuis décembre, retrouvant ainsi un paysage politique très différent de celui qu'ils ont quitté avant les vacances des Fêtes.
Le Parlement est en pause depuis le 6 janvier, jour où le premier ministre Justin Trudeau a annoncé son intention de démissionner, déclenchant une course à la direction au Parti libéral du Canada.
Deux semaines plus tard, Donald Trump est entré en fonction à la Maison-Blanche en menaçant d'imposer des tarifs douaniers draconiens sur les importations américaines de produits canadiens.
Alors que tous les principaux prétendants dans la course libérale promettent de supprimer le prix du carbone à la consommation, l'une des principales lignes d'attaque des conservateurs – la promesse de «supprimer la taxe» – a moins de résonance.
Les conservateurs ont détenu une avance d'une vingtaine de points dans les sondages pendant plus de 18 mois, mais l'écart s'est réduit significativement depuis le départ de M. Trudeau.
Le chef conservateur Pierre Poilievre doit s'adresser à son caucus en matinée avant un rassemblement «Le Canada d'abord» prévu à Ottawa samedi.
Avec des informations de Sarah Ritchie