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«Ça ne dérougit pas. Quand on parle de 86% des Québécois, c'est pratiquement tout le monde ou quelqu'un qu'on connaît. On parle ici d'un phénomène social majeur.» - Christian Bourque, vice-président exécutif chez Léger
Les Québécois continuent de s'inquiéter de leur santé financière, notamment en raison de l'augmentation du prix du panier d'épicerie et des loyers, révèle la plus récente mesure de l'indice d'anxiété financière de Centraide du Grand Montréal.
Si la proportion (86%) de personnes affirmant ressentir un stress financier est à peine de 1% supérieure au coup de sonde précédent, effectué en novembre, le degré d'anxiété est pour sa part plus prononcé. Près de la moitié des répondants interrogés (44%) sont en proie à une anxiété modérée à extrême, un gain de 2% par rapport aux mois précédents.
Les chefs de famille monoparentale, les personnes à faible revenu, les personnes sans diplôme d'études secondaires, les individus avec des limitations fonctionnelles, les femmes, les personnes racisées et les nouveaux arrivants sont ceux qui ressentent le plus de stress face à leurs capacités financières, indiquent les données fournies par Centraide.
«Le sondage nous montre une relation quasiment directe entre les facteurs de vulnérabilité des personnes et le fait de souffrir d'anxiété financière», relève M. Bourque.
L'alimentation constitue la principale préoccupation des Québécois, nous apprend l'enquête, alors qu'un répondant sur cinq (22%) aurait vécu au moins un épisode d'insécurité alimentaire dans les derniers mois. Un taux plus élevé qu'avant la pandémie, souligne l'organisme et qui s'observe dans les différentes ressources d'aide alimentaire.
Au Service de nutrition et d'action communautaire (SNAC), situé dans le quartier Ahunstic de Montréal, l'achalandage a bondi, passant de quelque 1100 familles aidées à 1523.
«On compte 580 nouvelles familles cette année, qui représente 38% de notre clientèle totale», illustre la directrice Chantal Comtois.
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Le profil de cette clientèle a changé, ajoute-t-elle. «Auparavant, 90% de nos bénéficiaires vivaient de l'aide sociale. Maintenant, ils comptent pour 48% de notre clientèle, mais ce n'est pas parce qu'ils sont moins nombreux; c'est que nos autres types de clients ont [pris plus de poids dans la balance]», nuance la directrice.
Avoir les moyens de se loger arrive au deuxième rang dans les inquiétudes des répondants, dont la moitié est d'avis que le prix des loyers continuera d'augmenter dans les prochains mois. De plus, 23% des individus sondés craignent de ne pas être en mesure de payer leurs dépenses d'habitation.
«Près d’un Québécois sur deux pense que les dépenses de son ménage pour se loger vont continuer à augmenter au cours des prochains mois», mentionne Claude Pinard, président et directeur général de Centraide du Grand Montréal.
Bon nombre de ménages se sentent rattrapés par l'inflation. «Ce qu'on voit comme situation, c'est que les gens disent que leurs revenus ont augmenté, mais pas assez pour combler l'ensemble des nouvelles dépenses», relève M. Pinard.
«C'est une roue qui tourne, comme s'il y avait une concurrence dans les besoins essentiels», renchérit-il.
Plusieurs familles en sont désormais réduites à investir plus de 50% de leurs liquidités pour se loger, ce qui amène des choix déchirants. «Ceux qui dépensent beaucoup pour se loger ont moins pour le reste, poursuit le directeur, Ça mène à des choix difficiles: on coupe un repas ici et là, la boîte à lunch est moins garnie, on coupe dans le transport ou dans les loisirs...»
Un autre 20% des Québécois se voient contraints de couper dans leur épargne alors qu'ils s'inquiètent de ne pas avoir amassé assez pour leur retraite. Un impact de la situation que M. Pinard juge «pernicieux».
Les Québécois se perçoivent en moins bonne position financière qu'il y a six mois, moment où ils ont été sondés pour la première fois.
À peine 13% des répondants croient que les perspectives économiques du Québec s'amélioreront d'ici la fin de l'année; 47% s'attendent à ce qu'elles demeurent les mêmes et 33% craignent qu'elles se détériorent.
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Le fait de vivre de l'anxiété financière affecte la santé mentale des gens. La difficulté de se concentrer au travail ou à l'école, de même que des troubles du sommeil, ont été identifiés par trois répondants sur dix comme des symptômes provoqués par le stress.
Près de la moitié des Québécois (48%) a avoué se sentir anxieux en pensant à ses finances; 33% des personnes songées préfèrent plutôt ne pas y penser. Cette stratégie d'évitement est davantage observée chez les jeunes adultes de 18 à 34 ans, les femmes et les chefs de famille.
Dans 26% des ménages, le stress financier a eu un impact sur les membres de la famille, en étant la source de conflits ou de tensions.
Selon Christian Bourque, l'enchaînement rapide de la crise sanitaire et de l'augmentation de l'inflation n'a laissé aucune chance aux Québécois. «C'est la première fois qu'on subit coup sur coup deux crises anxiogènes sans avoir une petite pause entre les deux. Mentalement, les Québécois n'ont pas eu de repos», estime-t-il.
L’indice d’anxiété financière, mesuré deux fois par année par la firme de sondage Léger pour Centraide du Grand Montréal. Il découle d'un sondage en ligne mené sur la plateforme LEO entre le 17 février et le 2 mars dernier, auquel ont répondu 2104 adultes québécois. Cet indice, qui mesure l'état d'anxiété des Québécois vis-à-vis leur situation financière, leur littéracie financière et leurs préoccupations sur divers aspects financiers, sera renouvelé jusqu'en 2025.