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Le président de la Chambre des communes, Anthony Rota, a présenté ses excuses lundi pour avoir honoré un homme qui avait combattu pour une unité nazie lors de la Deuxième Guerre mondiale.
Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique (NPD) réclament la démission du président de la Chambre des communes, Anthony Rota, après qu'un homme ayant combattu pour une unité nazie pendant la Seconde Guerre mondiale a été ovationné lors de la visite du président ukrainien après avoir été présenté comme «un héros» de guerre.
Disant constater «les dommages causés par l'erreur de la présidence» et «la perte de confiance de la Chambre dont il a besoin pour exercer sa fonction», le chef bloquiste Yves-François Blanchet a, dans une déclaration écrite, imploré lundi le président Rota à «agir de façon responsable et renoncer à sa fonction».
Le leader parlementaire bloquiste, Alain Therrien, s'est par la suite pointé devant les journalistes pour expliquer que M. Rota a commis «une grave erreur», une erreur «impardonnable» qui a abîmé l'image du Québec et du Canada à l'international au point où les Russes s'en servent dans leur propagande.
Anthony Rota était vu comme «un bon président» dont la «sagesse» transcendait la Chambre, qui était «inattaquable» et «impartial», a-t-il dit. «On avait confiance en lui à un point tel que tout le monde s'est levé en Chambre pour saluer cette personne qui avait probablement du sang sur les mains et personne ne s'est posé de question.»
Plus tôt en journée, lors de la reprise des travaux parlementaires, le leader du NPD à la Chambre, Peter Julian, avait aussi tenu des propos semblables. «Et malheureusement, je crois qu'une confiance sacrée a été brisée», a-t-il ajouté.
La conduite du président doit être «irréprochable» et les excuses présentées au cours des dernières heures sont insuffisantes, avait ajouté M. Julian, qui a été le premier à appeler M. Rota à démissionner «pour le bien de l'institution».
Le premier ministre Justin Trudeau a pour sa part estimé que les événements de vendredi sont «inacceptables», sans toutefois aller jusqu'à réclamer sa démission.
«Le président de la Chambre a pris responsabilité, s'est excusé, mais il va sans dire que c'est profondément gênant pour le Parlement du Canada et par extension pour tous les Canadiens», a-t-il dit.
M. Trudeau a ajouté que «l'important» est de rester «ferme» contre la Russie, sa «propagande» et sa «désinformation», tout en demeurant «sans équivoque en appui de l'Ukraine».
Le cabinet du premier ministre insiste pour sa part qu'il est indépendant du bureau du président de la Chambre et que M. Trudeau ni aucun membre de son personnel n'avait été informé de l'invitation ou de la reconnaissance.
Dès la reprise des travaux parlementaires lundi matin, le président Rota avait réitéré, cette fois verbalement et devant la Chambre, ses excuses de la veille. «Je suis profondément désolé d'avoir offensé de nombreuses personnes par mon geste et mes commentaires.»
M. Rota a expliqué à nouveau que l'homme âgé de 98 ans, Yaroslav Hunka, a été présenté à sa seule initiative et que cela visait à «démontrer que le conflit entre la Russie et l'Ukraine n'est pas nouveau, que les Ukrainiens sont malheureusement soumis à une agression étrangère depuis trop longtemps et cela doit cesser».
«L'individu en question étant de ma circonscription et cela ayant été porté à mon attention, personne, y compris vous, mes collègues parlementaires ou la délégation ukrainienne, n'était au courant de mes propos avant qu'ils ne soient prononcés», a-t-il déclaré.
Vendredi, M. Rota avait présenté Yaroslav Hunka comme «un héros ukrainien, un héros canadien» ayant combattu pour la 1ère Division ukrainienne, ajoutant que «nous le remercions pour tous ses services».
Or, la 1ère Division ukrainienne était également connue sous le nom de Division SS Galicie, une unité de volontaires placée sous le commandement de la SS.
Une organisation de défense des droits des personnes juives, le centre Simon-Wiesenthal, avait affirmé dimanche que la division «était responsable du massacre de civils innocents avec un niveau de brutalité et de méchanceté inimaginable».
Les conservateurs aussi n'ont pas retiré leur confiance au président de la Chambre, ce qui signifie qu'il détient donc l'appui d'une majorité d'élus. Ils ont cependant utilisé tout leur temps à la période des questions pour accuser le premier ministre d'être le véritable responsable de cet «embarras et honte diplomatique gigantesque».
M. Trudeau étant absent, la leader du gouvernement à la Chambre, Karina Gould, a répété les lignes du gouvernement, soit qu'il s'agit uniquement de la décision du président de la Chambre et que le gouvernement n'était pas au courant et imploré l'opposition de ne pas «politiser l'enjeu».
Le chef conservateur Pierre Poilievre a maintes fois confondu les vérifications à des fins de sécurité et à des fins politiques. Il a d'ailleurs répliqué que c'est le travail du Bureau du conseil privé - le ministère du premier ministre - de mener des vérifications sur «chaque personne qui se trouve à proximité d'un chef de guerre étranger (en l'occurrence le président ukrainien Volodymyr Zelensky) de haut niveau qui est actuellement impliqué dans un conflit très difficile».
«Il incomberait au premier ministre de protéger ce dirigeant étranger de cet énorme embarras, a-t-il envoyé. Si le premier ministre n'a pas mis en place un contrôle, cela constitue en soi un acte d'incompétence grossière. Va-t-il prendre ses responsabilités et s'en excuser?»
M. Poilievre a tenté, sans succès, de faire adopter à l'unanimité une motion qui condamne que l'ancien nazi ait été invité et qui reproche au premier ministre et au gouvernement du Canada d'avoir fait des vérifications inadéquates au sujet de Yaroslav Hunka ou d'avoir fait de telles recherches, mais de l'avoir laissé être admis et reconnu par le Parlement.
Dans un autre rappel au règlement, la ministre Gould a aussi échoué à faire biffer des registres de la Chambre et de tout enregistrement audio ou vidéo la reconnaissance faite à l'ancien nazi. Le Bloc a fait savoir être d'accord avec la motion. Les conservateurs ont pour leur part expliqué qu'ils s'opposent à réécrire l'histoire.
C'est justement de voir «libéraux et conservateurs se crêper le chignon abondamment» qui a convaincu les bloquistes de réclamer la démission, a expliqué Alain Therrien qui juge qu'Anthony Rota «devient une distraction».
M. Therrien a invité les leaders parlementaires des trois autres partis et le président Rota pour convaincre ce dernier de quitter.
Avec les informations d'Émilie Bergeron