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Et deux ans plus tard, des bénéfices se font toujours attendre.
Augmentation des coûts, enjeux dans les tests... Des risques importants subsistaient peu de temps avant le lancement de la plateforme SAAQclic en février 2023, qui a tourné en véritable «fiasco». Et deux ans plus tard, des bénéfices de la plateforme se font toujours attendre.
C'est ce qu'a constaté la vérificatrice générale Guylaine Leclerc dans son rapport rendu public ce jeudi.
Le programme CASA, responsable de mener à terme le vaste chantier de transformation numérique de la Société d'Assurance Automobile du Québec (SAAQ), a connu de nombreux retards avant la mise en service du nouveau système informatique de la société d'État. Qui plus est, «la direction du programme n’a pas mené les tests nécessaires» avant le lancement de ce dernier.
Mme Leclerc note que certains enjeux de retards et de qualité dans la réalisation des tests relatifs au bon fonctionnement de SAAQclic étaient connus, certains d'entre eux depuis 2022.
«Le 10 février 2023, la SAAQ a décidé d’arrêter la réalisation des tests intégrés finaux alors que 6 % d’entre eux n’avaient toujours pas été réalisés», écrit-on dans le rapport. «De surcroît, la SAAQ a reporté la correction de 129 anomalies, qui ont été corrigées, pour la plupart [...] s’ajoutaient aux problèmes informatiques décelés après la mise en service», ajoute la VG.
Finalement mis en service le 23 février, la plateforme SAAQclic a connu son lot de ratés provoquant des files d'attente remarquable devant les succursales. Le ministre responsable du Numérique, Éric Caire, avait admis que l'affaire était un «fiasco». M. Caire affirmait pourtant à l'époque que rien ne laissait présager une telle pagaille qui a coûté à elle seule 40 millions de dollars.
En mêlée de presse jeudi, M. Caire s'est dit «scandalisé» et en «colère» par le contenu du rapport de la VG. «On va analyser [...] Ce que la vérificatrice générale nous dit essentiellement c'est que la SAAQ a donné la mauvaise information aux dirigeants [...] Les décisions qui ont été prises ont été prises sur la base d'informations qui n'était pas exacte.»
«Il y avait des retards, c'était su, c'était connu [...] Et les informations qui étaient livrées c'est que le projet avançait dans les délais et que les objectifs étaient rencontrés», a-t-il ajouté, précisant «qu'il y aura des gestes à poser».
C’est un budget de 638 millions de dollars étalé sur 10 ans qui avait été attribué au programme CASA lors de son lancement en 2017. On prévoit désormais que celui-ci sera plus dispendieux de 500 millions de dollars en mars 2027.
L’une des principales causes de l’explosion des coûts est la sous-évaluation de la complexité d’un des volets du nouveau système informatique liée aux permis, à l’immatriculation et au contrôle routier, explique-t-on. De plus, l'augmentation de 329 % du budget n'a pas été «clairement communiquée aux décideurs», souligne la VG.
«En outre, la mise en service du nouveau système informatique a entraîné des problèmes importants et n’a pas encore engendré les bénéfices attendus. En effet, la prestation de services au comptoir prend plus de temps qu’auparavant et les services en ligne offerts sur la plateforme SAAQclic sont utilisés par moins d’usagers de la route que les anciens services en ligne», avance également Mme Leclerc dans son rapport.
Les propos de M. Caire ont trouvé écho dans ceux de sa collègue aux Transports, Geneviève Guilbault, qui venait tout juste de prendre connaissance des grandes lignes du rapport de la VG sur SAAQclic lorsqu’elle a rencontré les médias sur l’heure du dîner.
«Inacceptable», «outrageux», Mme Guilbault a refusé de dire si le gouvernement envisage des poursuites contre la direction du programme de transition, «mais il va falloir continuer de faire la lumière là-dessus», a-t-elle prévenu.
«S’il reste du ménage à faire, hors de tout doute, il faut finir de faire le ménage.»
La ministre continue de refuser de prendre quelque blâme que ce soit dans ce dossier, sous prétexte qu’elle n’est arrivée à son poste au ministère des Transports qu’en 2022, juste avant la mise en marche de la transition numérique de la SAAQ. «C’était sur le point de se faire», dit-elle. «Je n’étais au courant de rien.»
Elle refuse aussi de blâmer son prédécesseur, François Bonnardel. «Lui aussi a été floué!» s’est-elle exclamée.
Mme Guilbault n’assume que «sa part» de responsabilité dans le fiasco de la SAAQ: elle répète avoir «géré ça sept jours sur sept pendant des semaines», avoir changé le PDG et nommé une nouvelle présidente au comité d’administration.
Quant aux coûts, qui ont explosé d’un demi-milliard de dollars comme on l’apprend dans le rapport de la VG, ce n’était pas dans sa cour, selon elle.
Éric Ducharme, l'actuel PDG de la SAAQ qui n'était pas en poste lors des ratés, a affirmé avoir la «conviction que la Société n'aurait pas dû procéder au déploiement en février 2023».
«Je réitère que nous sommes conscients des nombreux inconvénients vécus par notre clientèle et nos partenaires associés à cette transformation numérique d'envergure, et nous nous en excusons sincèrement», a-t-il souligné. «C'est inacceptable. Je ne veux pas accuser mes prédécesseurs, mais je n'ai jamais vu ça en 34 ans dans la fonction publique.»
Jeudi, les partis d'opposition à Québec ont tiré à boulets rouges sur le gouvernement.
«Qui a nommé le PDG? Qui a nommé le président du CA? Ce sont les caquistes qui les ont nommés. Ils ne peuvent pas aujourd'hui fuir leurs responsabilités et dire aux Québécois: "On vous laisse avec une facture de 1,1 milliard $"», a lancé le libéral Monsef Derraji.
«À quoi sert la gouvernance ministérielle, si ce n'est pas de se tenir au courant de minute en minute de ce qui se passe lorsqu'il faut faire une transition aussi importante?», a demandé pour sa part le péquiste Joël Arseneau.
«C'est comme si on était les bras croisés, les pieds sur le divan en regardant la télévision, en disant: "On va voir si ça fonctionne. Puis, si ça ne fonctionne pas bien, on va essayer de trouver un coupable"», a-t-il ajouté.
«Je ne peux pas croire qu'on puisse arriver à 1,1 milliard $ en disant: "C'est juste parce qu'on nous a menti". Éric Caire, quand il était dans l'opposition, nous a dit que les fiascos, ça suffit. (...) C'est fiasco sur fiasco», a soutenu Haroun Bouazzi, de Québec solidaire.
Avec de l'information de la Presse canadienne