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Quand l’ensemble de la planète négocie, il y a forcément des débats sur la signification des mots, sur la formulation des phrases, sur l’emploi d’une virgule.
L’un des indicateurs qui permettent de savoir si les délégués des différents pays réunis à la COP15 sur la biodiversité sont proches d’une entente est le nombre de «crochets» dans l’ébauche de la déclaration, des crochets qui cachent parfois des stratégies politiques.
Dans une zone de haute sécurité du Palais des Congrès, où est aménagé le quartier général des dirigeants des Nations unies, le coprésident du groupe de travail sur le cadre mondial de la biodiversité a reçu La Presse Canadienne dans un bureau dont les murs sont tapissés de papiers autocollants «Post-it» jaunes qui représentent les diverses réunions auxquelles il doit participer.
Chaque heure compte et la tâche est immense, d'ici le 19 décembre, l'équipe de Basile Van Havredoit mettre sur papier le plan qui doit permettre d'inverser le déclin de la biodiversité, ce qui implique des heures de négociations avec les représentants des différents pays.
«On estime qu'on a besoin probablement d'un autre 60 heures de négociation pour arriver à un texte qui est assez en forme pour être présentés aux ministres», a expliqué mercredi après-midi le canadien qui est à la tête d’une poignée de personnes dont la tâche est de rédiger la déclaration que doivent signer les 196 pays d’ici la fin de la conférence.
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Une première ébauche du texte a été écrite au mois de juin à Nairobi et en date de mercredi, la déclaration comportait 22 objectifs sur 22 pages, mais aussi 1400 crochets, ou 700 paires de crochets.
Les crochets, ou les parenthèses, indiquent les éléments du texte où il n’y a pas de consensus.
L’objectif est d’enlever des crochets du texte au fur et à mesure que la COP avance, or, depuis le début des négociations à Montréal vendredi dernier, les crochets n’ont pas diminué, ils ont plutôt augmenté.
Toutefois, la situation n’inquiète pas Basile Van Havre pour l’instant.
«Je vois beaucoup d'articles où on est très proche de la solution. Il s'agit que les négociateurs arrivent avec un petit peu plus de flexibilité. Ce n’est pas des choses insolubles, pas du tout».
L’objectif phare de la COP15 est d’arriver à ce que tous les pays s’engagent à protéger au moins 30% de leurs zones terrestres et maritimes d’ici 2030 – ce qu’on appelle l’objectif « 30 x 30 ».
À l’heure actuelle, même le «30%» est entre deux crochets dans le texte.
«Garantir et permettre au moins [30 %] de [tous les [---] et de [---]] [à l'échelle mondiale] [au niveau national], en particulier [les zones clés pour la biodiversité[, les zones d'importance écologique ou biologique, les écosystèmes menacés ] et d'autres] zones d'importance particulière pour la biodiversité [et les fonctions et services écosystémiques] sont [efficacement] conservées grâce à des [systèmes] [réseaux] [efficacement] [bien] gérés…», pouvait-on lire dans l’ébauche de la déclaration mercredi après-midi.
De l’avis du co-rédacteur de la déclaration, les crochets entourant la cible de 30% risquent d’être parmi les derniers à être enlevés.
«Je serais très heureux si demain matin on se lève et on enlève ces crochets, mais je m'attends à ce que beaucoup de pays veuillent s'assurer que les ressources pour mettre en place cette cible-là soient réglées avant d’être d’accord avec cette cible», a indiqué le coprésident du groupe de travail sur le cadre mondial.
La question du financement est évidemment au cœur des négociations et plusieurs pays en développement demandent aux pays riches de les aider pour financer les projets qui permettraient d’atteindre 30% de protection des territoires, comme l’a rappelé le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault à La Presse Canadienne.
«Pour être prêt à accepter une cible comme ça (la protection de 30% des territoires), il y a des pays qui veulent être certains que l'argent va être au rendez-vous et d'autres qui disent "pour qu'on mette l'argent sur la table, il faut que la cible soit ambitieuse", c'est ce genre de conversation qu'on a et pour lesquelles on essaie de trouver des terrains d'entente et je pense qu’ on va y arriver.»
Concernant le nombre de crochets qui a augmenté dans l’ébauche de la déclaration, Steven Guilbault ne s’en fait pas. Selon lui, les crochets cachent parfois des stratégies politiques :
«J'aimerais vous dire que ça me tient réveillé la nuit, mais la réalité c’est que ce n’est pas inhabituel dans un processus onusien comme ça (…) c'est parfois simplement des gens qui cherchent à garder des options ouvertes, des options sur la table avant de s'entendre. C'est une pratique qui est tout à fait courante, mais qu'on peut à la limite déplorer».
Le ministre fédéral de l’Environnement a également noté que Moscou semble vouloir jouer les trouble-fêtes depuis le début de la conférence à Montréal.
«La Russie joue un rôle très peu constructif dans le cadre des négociations. On s'oppose pour s'opposer, on fait un petit spectacle. Est-ce que la Russie à elle seule pourra arrêter la volonté de 190 pays de s’entendre, sous une présidence chinoise? Je pense que non, on peut se permettre d’en douter.»
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Basil Van Havre a expliqué que la Russie avait «bloqué une résolution» lundi soir.
«C’était une résolution sur une question du rôle des femmes et des filles et c'était clairement une instruction qui venait de la capitale (Moscou) et on a vu une position extrêmement ferme des Russes». Il a ajouté que ce genre de situation « fait partie de n’importe quelle négociation internationale» et «qu’on est capable, dans notre système, d'accommoder ce genre de problème là.»