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«Nous sommes vraiment au volant d'un Ford 1967 et nous participons à une course de Formule 1 qui se tient en 2025.»
Postes Canada est «au bord du précipice» et sa situation «s'aggrave de jour en jour», a prévenu sa direction, lundi, à l'occasion du début des audiences de la commission d'enquête sur ses relations de travail.
Mais le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes met des bémols à cette constatation, affirmant qu'il n'a pas accès à tous les chiffres et que cette situation, certes difficile, résulte aussi de mauvaises décisions de gestion de la part de Postes Canada.
C'est le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, qui avait annoncé la mise sur pied de cette Commission d'enquête sur les relations de travail à Postes Canada, à la mi-décembre, lorsqu'il avait demandé au Conseil canadien des relations industrielles de mettre fin à la grève des 55 000 membres du STTP si une entente lui paraissait impossible d'ici la fin de l'année.
Les représentants de la direction qui ont témoigné devant le commissaire William Kaplan, lundi, ont multiplié les qualificatifs comme «situation financière catastrophique», «insoutenable», «critique» et «urgent».
D'abord, les pertes ne cessent de s'accumuler: 3 milliards $ de pertes cumulatives de 2018 à 2023. La cheffe des finances, Rindala El-Hage, a rapporté des pertes avant impôt de 748 millions $ en 2023 et de 548 millions $ en 2022.
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«Sans modernisation ni mise à jour de nos lignes directrices, nous prévoyons des pertes plus importantes et de plus en plus insoutenables au cours des prochaines années», a averti Mme El-Hage.
En plus, le volume des lettres est en chute libre depuis des années et la concurrence est rendue féroce dans le marché de la livraison de colis face aux entreprises privées.
Et dans ce contexte, Postes Canada a une obligation de faire la livraison dans toutes les régions du Canada, même éloignées et peu densément peuplées, à un tarif abordable.
Postes Canada veut assurer la livraison des colis les fins de semaine, comme les concurrents, en plus d'offrir la livraison le lendemain. Pour cela, il faut plus de «flexibilité» dans l'organisation du travail.
Il n'y a pas que les relations de travail qui sont laborieuses à Postes Canada. La direction croit aussi que son cadre réglementaire doit être revu pour lui assurer plus de capacité d'adaptation aux nouvelles réalités.
«Nous sommes vraiment au volant d'un Ford 1967 et nous participons à une course de Formule 1 qui se tient en 2025», a illustré le président-directeur général de Postes Canada, Doug Ettinger.
La direction a admis que si le gouvernement du Canada n'avait pas annoncé, vendredi dernier, l'octroi d'un prêt d'un milliard de dollars, la société aurait eu peine à payer ses employés à compter de juillet prochain.
En après-midi, le syndicat a reproché à la direction certaines mauvaises décisions de gestion, comme celle d'avoir trop tardé à augmenter le prix des timbres, il y a quelques années, privant ainsi Postes Canada de précieux revenus.
Le STTP lui reproche aussi d'avoir acheté de l'équipement dont la société n'avait pas vraiment besoin.
La présidente nationale du STTP, Jan Simpson, a exprimé des réserves quant à l'ampleur des difficultés financières de Postes Canada, arguant que le syndicat n'a pas accès à tous les chiffres.
Elle a aussi soutenu que Postes Canada, comme d'autres employeurs au fédéral, cherche maintenant à provoquer une crise, pour attendre ensuite que le gouvernement du Canada intervienne dans le conflit. Aux yeux du STTP, c'est ce que le ministre MacKinnon a fait aux Postes. Le syndicat conteste d'ailleurs devant les tribunaux l'intervention du ministre en vertu de l'article 107 du Code du travail. La cause n'a pas encore été entendue.
Le STTP a proposé devant le commissaire ses propres solutions pour permettre à Postes Canada de générer davantage de revenus, comme d'offrir des bornes de recharge pour véhicules électriques, offrir un service de vigilance pour les personnes handicapées ou âgées, étendre les services financiers ou bancaires qui pourraient être proposés dans les bureaux de poste.
Les audiences se poursuivront mardi. Les parties soumettront éventuellement leurs recommandations à la commission.
Le commissaire doit rendre son rapport d'ici le 15 mai.