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«Soyons réalistes, c'est un projet pour le Québec.»
Les observateurs du secteur de l'énergie à Terre-Neuve-et-Labrador exhortent le gouvernement provincial à reconsidérer avec prudence l'accord de principe annoncé la semaine dernière avec le Québec, qui promet de rapporter des centaines de milliards de dollars à la province atlantique.
Cet accord devrait être examiné de manière indépendante pour déterminer s'il est équitable pour Terre-Neuve-et-Labrador et s'il offre le meilleur rendement pour la province, a estimé Ron Penney lors d'une entrevue mardi. Ancien fonctionnaire, M. Penney a dirigé un groupe de citoyens inquiets qui s'opposaient au désastreux projet hydroélectrique de Muskrat Falls, pour lequel la province est toujours lourdement endettée.
«Le processus a été vraiment précipité», a soutenu M. Penney, faisant référence à l'accord récemment annoncé entre les deux provinces. «Je veux que la régie des services publics s'en occupe, dès les premières étapes.»
«Soyons réalistes, c'est un projet pour le Québec», a-t-il ajouté.
Le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador sont en conflit sur le plan de l'énergie depuis 1969, lorsque les provinces ont signé une entente permettant à Hydro-Québec de récolter la part du lion des profits de l'électricité produite à la centrale hydroélectrique de Churchill Falls, au Labrador.
Jeudi dernier, après plus d'un an de négociations, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, a littéralement déchiré une copie de ce contrat lors d'une conférence de presse à Saint-Jean de Terre-Neuve et a annoncé la nouvelle entente avec le premier ministre François Legault.
Si l'accord est ratifié par les deux provinces, Hydro-Québec commencerait à payer plus cher l'énergie de Churchill Falls et paierait à Newfoundland and Labrador Hydro 3,5 milliards $ pour les droits de codéveloppement de deux nouveaux projets sur le fleuve Churchill, ont détaillé des responsables.
L'accord comporte des aspects positifs, a nuancé M. Penney. Le Québec gérerait les nouvelles constructions – une extension de la centrale existante et une nouvelle centrale à Gull Island, plus en aval du fleuve – et absorberait tout dépassement de coût potentiel. De plus, si l'accord est finalisé, le Québec commencerait à verser rapidement à Terre-Neuve-et-Labrador les fonds dont elle a tant besoin, en commençant par des paiements d'environ 475 millions $ pour l'énergie en 2025 et une partie des frais de 3,5 milliards $.
Les provinces espèrent conclure une entente contraignante en avril 2026.
Mais qu'en serait-il si Terre-Neuve-et-Labrador avait pu obtenir davantage d'un autre partenaire, a demandé Ron Penney. Il a fait référence à un communiqué de presse d'Hydro-Québec affirmant que l'accord garantit 50 ans d'énergie aux prix les plus bas en Amérique du Nord.
«Qui a eu le dessus dans cet accord? Est-ce un accord équitable?, a-t-il questionné. Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. C'est pourquoi nous avons besoin que les experts – la Commission des services publics – l'examinent pour obtenir des conseils d'experts.»
La Commission des services publics a pour mandat de s'assurer que les tarifs sont raisonnables et que le service est fiable, selon son site Web. Malgré les protestations du groupe de M. Penney, la province n'a pas demandé au conseil d'effectuer un examen complet du projet Muskrat Falls avant qu'il ne soit lancé en 2012. Le feu vert avait été donné cette année-là pour un coût d'environ 7,4 milliards $. Le projet a finalement été achevé l'année dernière, après des années de retard et à un coût presque deux fois plus élevé.
Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a assuré mardi que le conseil d'administration «s'engagerait comme il se doit».
Les politiciens ont promis que Muskrat Falls marquerait le début d'une nouvelle ère pour Terre-Neuve-et-Labrador, tout comme le premier ministre Furey l'a fait la semaine dernière, a pointé l'historien Jerry Bannister. Le professeur associé de l'Université Dalhousie a fait remarquer qu'il y avait tellement de fanfare et de soutien public pour Muskrat Falls qu'il était difficile pour les gens d'exprimer leurs inquiétudes.
La même chose ne doit pas se produire avec Churchill Falls, a averti M. Bannister dans une récente entrevue.
Il a notamment souligné la nécessité de consulter les peuples autochtones dont les terres traditionnelles seront touchées par de nouveaux barrages et les inondations sur la rivière Churchill. La province a la bénédiction de la nation innue du Labrador, mais le gouvernement inuit du nord du Labrador a exprimé ses inquiétudes la semaine dernière.
«Tout comme pour le projet de Muskrat Falls, nous nous inquiétons des effets en aval sur la santé et l'environnement que les futurs projets hydroélectriques auront sur notre mode de vie», a expliqué Johannes Lampe, président du gouvernement du Nunatsiavut, dans un communiqué vendredi soir.
En développant Muskrat Falls, le gouvernement provincial de l'époque n'a pas terminé les travaux qui auraient réduit la contamination environnementale.
Le politologue Russell Williams a déclaré qu'il n'était pas clair pourquoi le nouvel accord s'étend sur 50 ans, en particulier après que Terre-Neuve-et-Labrador ait lutté si longtemps pour se sortir du contrat précédent, qui devait expirer en 2041. Il craint que la province ait tendance à applaudir et à approuver des mégaprojets sur la promesse de revenus et d'emplois, et que cela obscurcisse les décisions concernant le dernier accord sur la table.
«J'ai l'impression que le train a déjà quitté la station ici, et c'est une chose qui va simplement se produire», a analysé le professeur associé de l'Université Memorial dans une entrevue. «Je crains que nous n'obtenions pas suffisamment d'examens publics ici.»
Le gouvernement a déclaré qu'il ouvrirait l'Assemblée législative le 6 janvier avec un débat spécial sur le protocole d'entente avec le Québec. Russell Williams et Ron Penney craignent que le calendrier ne donne pas aux partis d'opposition suffisamment de temps pour trouver des consultants pour lire l'accord et fournir des conseils.
«Nous ne pouvons pas nous permettre de prendre plus de risques après Muskrat Falls», a fait valoir M. Penney.