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L’immobilisme du gouvernement Legault est inexplicable.
Qu’est-ce qu’on attend ? Le savez-vous, vous ? Pourquoi Québec refuse-t-il de se pencher sur le seuil du taux d’alcool quand on prend le volant ? La corrélation a été faite : abaisser le taux à 0,05 évite des décès. Qu’est-ce que ça prend de plus ?
L’enquête du Devoir et les trouvailles du député du Parti libéral du Québec dans le comté de Nelligan, Monsef Derraji, ont ramené cette semaine pour une énième fois le sujet du fameux taux d’alcoolémie permis pour conduire.
Il est à 0,08 chez nous (et au Yukon) et partout ailleurs au Canada, il est à 0,05. Même chose pour tous les pays comme la France, la Suisse, l’Espagne, l’Italie : le maximum est de 0,5 gramme par litre de sang. Dans certains pays, comme la Suède et la Pologne, la limite acceptée est de 0,02.
Ce que la littérature scientifique affirme, de façon unanime, et j’inclus les recommandations des trois coroners à la SAAQ, c’est que moins de personnes vont mourir sur les routes du Québec si on abaisse le taux d’alcoolémie à 0,05. Point.
Dans les conclusions publiées dans son avis, la SAAQ indique que le risque de collisions mortelles augmente de deux à neuf fois plus lorsque le taux d’alcool dans le sang passe de 0,05 à 0,08. Aussi, le risque de provoquer un accident mortel chez un conducteur ayant une alcoolémie passant de 0,05 à 0,08 est quatre fois et demie plus élevé !
C’est énorme.
Au Québec, bon an mal an, il y a 350 personnes qui meurent sur les routes. Eh bien, dans une centaine de ces cas, l’alcool au volant est en cause. Cela représente le tiers des accidents. Pourtant, chez nos voisins, en Ontario, où la limite est de 0,05, c’est un sur sept.
Je ne suis pas sûre que cela me prend un argument supplémentaire. Et vous ?
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L’immobilisme du gouvernement Legault, et plus particulièrement de la ministre des Transports Geneviève Guilbault, est inexplicable. Pourquoi ignorer les commentaires des coroners et l’avis de la SAAQ ? Pourquoi ne pas ouvrir le débat, prendre le pouls de la population, en faire une commission parlementaire ?
Est-ce par peur de perdre des votes ? Pourtant, en théorie, les Québécois sont plutôt en faveur de l’abaissement du taux d’alcoolémie : un sondage réalisé il y a un an par SOM indiquait que six Québécois sur 10 étaient d’accord avec la mesure.
Je dis « en théorie » parce que personne ne peut être contre la vertu, n’est-ce pas ? Lorsqu’on est sondé, c’est facile de dire qu’on est pour le fait de boire moins avant de prendre le volant. Mais lorsqu’il est temps de se regarder le nombril, c’est plus compliqué… La CAQ craint-elle une (autre) perte de popularité si cette mesure était mise en place ?
Est-ce à cause de jeux de coulisse, d’un certain lobbyisme ? Par exemple, est-ce que les tenanciers de restaurants et de bars, ou les organisateurs de grands événements, qui sont au cœur du tourisme, ruent dans les brancards à l’idée d’abaisser le seuil d’alcool permis ?
Je les rassure : il semble que passer de 0,08 à 0,05 fait bien peu chuter les ventes d’alcool. La preuve ? En Nouvelle-Écosse, en 2014, ce choix a été fait. Et la province a vu seulement une diminution de 0,07 % des ventes d’alcool dans les restaurants et les bars. Autrement dit… vraiment pas grand-chose.
J’ai entendu la ministre Guilbault dire que nos mesures sont adéquates, qu’on punit sévèrement les récidivistes. Le hic, c’est que la majorité des automobilistes (70 %) qui se font arrêter dans les barrages routiers avec un taux d’alcoolémie supérieur à la limite permise ne sont pas des récidivistes.
J’ai beau chercher, je n’arrive toujours pas à comprendre l’absence de flexibilité des autorités à ce sujet. Pour moi, ça tombe sous le sens. Le 0,05 me semble une évidence. C’est indéniable, indiscutable et d’une logique implacable.
Seul point qui me rassure : non seulement nos jeunes boivent moins que les générations précédentes, mais ils me semblent beaucoup plus sensibilisés à la question de l’alcool au volant. La tolérance zéro porte fruit.
Je le vois chez mon fils, qui vient tout juste de commencer à conduire, après une année de probation. Il prend très au sérieux la politique du zéro alcool, expliquée à maintes reprises dans ses cours de conduite et lors de ses examens à la SAAQ.
Par chance que la consigne vient de là et non d’Éduc’alcool… L’organisme, dont la mission est de réduire les risques liés à la consommation d’alcool, n’appuie pas d’emblée l’idée de baisser le taux à 0,05, une mesure qui donnerait une « fausse impression de sécurité », peut-on lire dans le communiqué émis mercredi midi.
Voilà bien une autre incongruité dans ce dossier !