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Sophie Brochu quitte Hydro-Québec à mi-mandat. J’avoue que cette nouvelle m’a déçu. [...] Comme nation, nous sommes à la croisée des chemins. Hydro-Québec aussi. Avons-nous le courage politique et collectif de changer?
Sophie Brochu quitte Hydro-Québec à mi-mandat. J’avoue que cette nouvelle m’a déçu. La PDG avait commencé à mettre en place une approche pragmatique et moderne sur la gestion future de la société d’État. Une approche où la production et le développement sont importants, mais où la gestion de la consommation l’est tout autant.
Qu’est-ce qui a motivé ce départ ? Les spéculations vont bon train. Bien entendu, on aura droit à une «version officielle» et à de multiples informations de toute part. Mais comme nation, nous sommes à la croisée des chemins. Hydro-Québec aussi. Avons-nous le courage politique et collectif de changer ? Hydro-Québec ne doit pas être le jouet politique d’un gouvernement, mais un actif optimisé pour les Québécois et par les Québécois.
Qui prendra les commandes ? Il ne faudra pas que ce soit un pion gouvernemental à la solde du développement économique à court terme et à tout prix. Ça prendrait quelqu’un qui saura se tenir debout pour le Québec de 2030, mais aussi 2050 et 2080. Mais, je le répète, sommes-nous vraiment prêts ?
Hydro-Québec représente encore pour plusieurs une force économique. Le rapport annuel 2021 de la société est éloquent :
Notre tarif au kilowatt/heure est faible. En somme, pour l’instant, Hydro-Québec favorise implicitement de mauvais comportements énergétiques. On vend à qui veut bien l’entendre le potentiel énorme du Québec, mais la réalité, c’est que le passé n’est pas garant de l’avenir.
En attendant, on bâtit encore des Monster houses, on chauffe des entrées en asphalte l’hiver, on ne calcule pas le temps passé dans la douche (ou si peu) et on chauffe nos spas et piscines sans limites. On sèche nos brassées de lavage à l’heure de pointe, on démarre un four trop grand pour réchauffer une pointe de pizza et on se vante de recharger nos nouvelles voitures électriques pour un coût ridiculement bas.
Hydro-Québec envoie le message suivant : gaspillez, c’est encore bar open.
Le calcul est simple pour le particulier : le temps et les investissements liés à des changements de comportements sont trop grands par rapport aux avantages. On reste dans nos vieilles habitudes. On aime mieux travailler pour des dollars imposables de plus que d’investir pour épargner quelques piastres potentielles.
Les compteurs intelligents ne doivent plus être bêtes. On doit nous obliger à moduler notre consommation. Les programmes non significatifs sur une base volontaire, ça ne fonctionnera qu’à moitié. Et encore.
Le problème demeure les enjeux liés à la pauvreté. Certains Québécois vivent dans des habitations accessibles financièrement, mais mal isolées. Donc, en faisant payer la véritable valeur de l’énergie à ceux qui exagèrent, il ne faut pas nuire à ceux qui sont coincés dans un cycle de pauvreté.
Qu’est-ce qui est préférable : un couple qui consomme trop ou 6 personnes entassées qui consomment un peu plus au total, mais moins par personne ? Qui devrait payer davantage ? Est-ce qu’on devrait pénaliser les propriétaires qui possèdent ces immeubles désuets en termes d’isolation ? Doit-on continuer à encourager des déplacements quotidiens de 100 ou 200 km, basés sur une voiture électrique utilisée à sa limite ? Devrait-on avoir un tarif du kilowatt/heure dédié à «l’automobile» ? Je pense que ça viendra.
Chose certaine, quand on analyse les résultats du rapport d’Hydro-Québec sur le prix résidentiel au Canada, on tombe en bas de sa chaise (Comparaison des prix de l’électricité dans les grandes villes nord-américaines — Tarifs en vigueur le 1er avril 2022).
Source : Hydro-Québec (page 6)
Dans un avenir pas si lointain, le coût des équipements éoliens pourrait diminuer, celui des panneaux solaires aussi. Les particuliers auront des batteries à la maison et peut-être pas seulement dans leur voiture. On aura donc la possibilité d’emmagasiner de l’énergie et de moduler davantage notre consommation du réseau d’Hydro-Québec : en kilowatt/heure et en dollars. Sommes-nous prêts à aller là ?
La solution souvent balancée par les défenseurs du développement infini ? Des nouveaux barrages. On oublie trop souvent que les Québécois sont assis sur des réalités du passé. Prenons simplement la centrale de Beauharnois. Ce genre de projet serait impossible financièrement, socialement et écologiquement. Cette centrale au fil de l’eau ne pourrait être construite en 2023.
Les lieux accessibles ont été exploités. Les projets évidents ont été développés. Les nouveaux barrages seront plus loin, plus complexes, plus coûteux et plus longs à développer. La facture sera salée. L’ingénieur et le travailleur voudront-ils se déporter à n’importe quel prix ? Les villages temporaires à ériger, le traitement des eaux usées, les conditions de vie à maintenir. Qui lèvera la main ? A-t-on les ressources nécessaires ?
De plus, l’acceptabilité sociale sera difficile à obtenir, la facture de développement sera plus que salée et la paix sociale sera achetée à coups de milliards. Dans cette réflexion comptable, il ne faudrait pas non plus oublier le passif latent qui vient avec l’entretien des centrales déjà en place. Ça vieillit comme une chanson de George D’or. Si tu savais combien on investit, à la Manic…
En substance économique, on subventionne des industries au Québec en échange d’emplois. L’hydroélectricité du Québec en 2023 ne doit pas servir de monnaie d’échange avec les entreprises comme le fer l’a été à une autre époque.
Les grandes entreprises ont des rapports de responsabilité environnementale à produire, des critères ESG à respecter et de belles promesses de verdure à respecter. Pourquoi sommes-nous encore à genoux à négocier à s’en user les rotules ? Nos énergies et notre développement passé et futur ont une grande valeur. Il faudra un jour que les grandes entreprises « walk the talk ».
Vous voulez de l’énergie « verte ? » Êtes-vous prêts à payer le juste prix ? Vos clients le sont-ils ? Ou vous ne faites que du vert d’apparence pour flatter la bonne conscience de vos actionnaires cachés dans leurs fonds pas si verts en réalité ?
Est-ce qu’on veut vendre notre électricité au premier venu promettant 100 emplois ? Veut-on des alumineries, des entrepôts de données, le secteur de la cryptomonnaie ? Veut-on aider le développement local de 1000 PME ? Veut-on favoriser l’autonomie alimentaire ? La production locale ? On veut Google, Amazon, Microsoft et cie ? Ou davantage de QScale ? Qu’est-ce qu’on veut ? Quand on ne sait pas où l’on va, on n’aboutit nulle part.
Je ne sais pas qui va remplacer Sophie Brochu, mais j’espère que cette personne sera en mesure de chausser ses souliers. Le courant doit passer de façon alternative avec la CAQ, mais il doit surtout passer avec les Québécois.
J’aime Hydro, mais je pourrais l’aimer plus. Je me souviens, mais je ne veux pas oublier.