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Pourquoi l’indexation de la pension alimentaire pour enfants devrait-elle faire l’objet d’une critique, même constructive?
Le titre peut surprendre. Le coût de la vie augmente. Pourquoi l’indexation de la pension alimentaire pour enfants devrait-elle faire l’objet d’une critique, même constructive? Parce que les bases financières du calcul sont discutables. Sur ce calcul imparfait, on vient ajouter 6,5% d’indexation depuis le 1er janvier 2023.
Une importante réforme du droit de la famille est en cours au Québec. Espérons que les décideurs politiques sauront se documenter et demander l’avis d’experts fiscaux avant d’ajouter d’éventuelles incohérences supplémentaires. En voici quelques-unes déjà existantes. Par souci d’éviter la lourdeur, on utilise les termes «payeur» et «receveur» (de la pension alimentaire pour enfants) en évitant les distinctions de genre.
Incohérence #1: le calcul d’une autre époque
La première incohérence du calcul des pensions alimentaires pour enfants provient du fait qu’il a été établi à une autre époque où l’allocation canadienne pour enfants (ACE) n’existait pas au fédéral ni l’Allocation famille au provincial. Ces allocations ne sont pas imposables pour le receveur et n’entrent pas dans le calcul des pensions alimentaires pour enfants. Le receveur se fait parfois payer substantiellement par les deux paliers de gouvernement et le payeur ne voit pas sa facture ajustée en conséquence.
Quand vient le temps d’évaluer la pension alimentaire pour enfants en situation de garde partagée, on se base sur l’écart des revenus des deux parents. Le payeur voit sa contribution augmenter, non seulement en fonction de ses propres efforts, mais aussi par le manque ou la baisse d’efforts du receveur. Vous avez une garde partagée? Si vous décidez d’accepter une promotion ou de travailler plus d’heures pour améliorer votre sort, vous payerez davantage à votre ex pour les enfants. Pire, si l’un décide de changer d’emploi en réduisant son salaire ou fait un retour aux études, l’autre sera pénalisé. Une pension alimentaire pour enfants est une taxe supplémentaire à l’effort. Les deux parents ont donc un incitatif économique à ne pas améliorer leur sort.
Les besoins des enfants n’augmentent pas nécessairement de façon proportionnelle aux revenus. Dans une famille nucléaire, quand les parents voient leurs revenus augmenter de 5000 $, ils n’augmentent pas nécessairement les dépenses liées aux enfants. On paye des dettes, on prévoit le futur, on contribue à son effort de retraite, etc. Ironiquement, quand le revenu du payeur de pension alimentaire augmente, le paiement pour les enfants aussi. L’argent sera-t-il réellement utilisé pour améliorer le bien-être des enfants?
La pension alimentaire pour enfants n’est pas déductible pour le payeur ni imposable pour le receveur. Malgré tout, le calcul du montant à payer est quand même basé sur les revenus bruts et non sur les revenus disponibles des parents. Derrière des apparences de différences importantes de revenus avant impôt se cache parfois un écart de revenus réellement disponibles moins important. Merci à la fiscalité et à l’incohérence des bases de calculs de ladite pension alimentaire.
Le payeur de pension alimentaire pour enfants se voit retirer le droit de demander le montant pour une personne à charge admissible (un avantage fiscal fédéral). Pourquoi? Aucune bonne raison. Le receveur se fait donner un cadeau, le payeur se fait retirer ce cadeau. Point. On lui donne à 50% la première année de la séparation. Après ça, c’est «tu payes et tu n’as rien à dire».
Les députés fédéraux pourraient corriger cette incohérence. J’ai moi-même contacté mon député à deux reprises pour qu’il analyse la situation. Je n’ai jamais obtenu de réponse de son équipe. Cependant, il prend soin de m’envoyer des publicités par la poste et un calendrier avec sa face dessus périodiquement. Chacun ses priorités…
Parfois, pour illustrer l’incohérence d’un calcul, il faut le pousser à l’extrême. Prenons deux personnes très bien nanties. Si l’une gagne 3 millions $ par année et l’autre 5 millions $ par année, il y aura un paiement de pension alimentaire pour enfants pour compenser l’écart de revenus. Mais sincèrement, peut-on croire que l’écart de 2 millions de dollars justifie un paiement dans cette situation ? On s’entend, ça teste la logique du calcul.
Peu importe que l’on parle du payeur ou du receveur, le calcul de la pension alimentaire pour enfants est biaisé quand il y a fraude fiscale. Combien de fois m’a-t-on fait le témoignage suivant: «mon ex ne déclare pas ses pourboires, mon ex se fait payer en dessous de la table dans le domaine de la construction, mon ex vend de la drogue, etc.».
Alors, que l’on soit payeur ou receveur, le calcul favorise le fraudeur cachant des revenus.
Prenons le cas d’une personne qui travaille peu, car elle est assise sur un héritage à venir de plusieurs millions de dollars. Elle pourrait recevoir une pension alimentaire pour enfants d’un travailleur sans actif, endetté, mais dont le revenu annuel brut est de 80 000 $. Même principe si un receveur détient 500 000 $ dans un REER, 50 000 $ dans un CELI et une propriété entièrement payée. Tout ça n’entre pas dans le calcul. Alors, un locataire sans actif net pourrait se retrouver à payer une pension alimentaire pour enfants à cette personne. Pourquoi ? Parce que la logique du calcul se base sur l’écart de revenus annuels et non sur la véritable situation financière complète de chacun.
Le receveur de pension alimentaire pour enfants emménage avec un nouveau conjoint? Ça ne change rien à la facture du payeur. Imaginez un receveur de pension alimentaire pour enfants tomber en amour avec une personne bien nantie qui l’invite à cohabiter gratuitement dans une maison de plusieurs millions de dollars. Ça ne change rien à la facture du payeur.
Je pourrais continuer longtemps. Je pourrais embarquer dans les «frais particuliers» qui s’ajoutent à la pension alimentaire comme l’école privée, les besoins particuliers de l’enfant ou le niveau de vie qu’on lui offre.
Vous êtes payeur? Avalez votre pilule et ajoutez 6,5% à votre chèque. Voulez-vous que ça change? Travaillez moins fort et gagnez moins d’argent. On danse la danse du déni de l’évidence, on danse la danse du déni de l’incohérence.