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Alors qu’on avait vécu des années à emprunter de l’argent quasi gratuitement, on ne pèse pas encore totalement le poids de l’effet domino sur notre budget familial.
Le choc inflationniste fait le tour des médias depuis des mois. On en fait le sujet de multiples reportages, on fait des vox pop et on cherche des coupables. Pour résoudre le problème, la Banque du Canada fait ce qu’elle aurait dû faire plus tôt: monter drastiquement le taux directeur. Alors qu’on avait vécu des années à emprunter de l’argent quasi gratuitement, on ne pèse pas encore totalement le poids de l’effet domino sur notre budget familial.
Le banquier vous rappelle «que votre paiement mensuel ne couvre même plus les intérêts sur votre prêt hypothécaire». Que l’on ait signé à taux variable ou que l’on soit en période de renouvellement d’un taux fixe, les huit hausses consécutives du taux directeur (et par ricochet la hausse des taux obligataires) ont ou auront un effet important sur la capacité de paiement. Le paiement mensuel peut monter de plusieurs centaines de dollars par ménage ayant contracté un prêt hypothécaire. Évidemment, la marge de crédit personnelle aussi en prend pour son rhume. Tout cela conjugué à la facture d’épicerie qui ne cesse de monter, les liquidités disponibles s’évaporent.
Pour certains, le premier réflexe sera de cesser de contribuer à l’effort d’épargne annuel. Comme les 60 premiers jours de l’année 2023 riment avec la fin des cotisations déductibles pour 2022, on saute une année. L’effet domino se poursuit : moins de cotisations REER égale moins de déductions. Ainsi, le revenu net n’étant plus le même, cela affecte à la baisse l’allocation famille et l’allocation canadienne pour enfants. L’effet domino se poursuit parce qu’on se prive aussi du rendement composé éventuel des placements non investis.
Vous pensez retirer une part de vos placements REER pour vous créer une marge de manœuvre ou payer des dettes de consommation? Grave erreur, car la somme s’ajoute au revenu et cela fait grimper la facture fiscale de l’année et potentiellement le taux marginal d’imposition.
Pour ajouter à l’effet de «résonance», on réalise que la hausse des taux d’intérêt rend plus difficile l’accès à la propriété. Donc, cela maintient la demande élevée pour des logements locatifs. Comme le taux d’inoccupation au Canada est de 1,9% selon la SCHL, on se retrouve dans un marché en manque de logements. De plus, les règles de qualification resserrées au cours des dernières années empêchent une tranche des locataires d’opter pour un éventuel rôle de propriétaire. Rien pour aider à maintenir l’offre de logements abordables.
Les trois dépenses les plus importantes des ménages canadiens selon Statistique Canada sont (outre l’impôt) : le logement, la nourriture et le transport. On ne finance peut-être pas la nourriture, mais l’effet cumulé de l’endettement finit par se refléter dans le financement au global. Toute cette cascade nous amène aux véhicules. Le taux de financement d’un véhicule neuf peut se négocier à plus de 6%, parfois même à plus de 8%. On est loin des années à 0,9%, n’est-ce pas ? Le consommateur qui doit s’acheter un véhicule a deux choix : réduire son ambition ou décaisser davantage.
On fait grand état de la pénurie de main-d’œuvre, mais ce ne sont pas tous les employés et travailleurs autonomes qui seront à même de pouvoir négocier une hausse du revenu proportionnelle à l’inflation. La preuve, même le gouvernement Legault offre 9% d’augmentation sur 5 ans aux employés de l’État en plus d’un petit cadeau forfaitaire, donc non récurrent. Comme quoi, on a beau subir l’inflation, ça ne veut pas dire qu’on va nous dédommager proportionnellement.
Les familles confrontées à cet effet domino n’auront d’autres choix que d’éventuellement compresser fortement les dépenses pour équilibrer le budget. Les entreprises verront leur marge nette d’effriter et les consommateurs devenir plus frileux.
Difficile d’expliquer à ses ados que le party financier est fini. Que l’impulsivité doit faire place à une planification plus serrée des finances. Difficile de changer de discours et d’adopter un langage d’austérité budgétaire. Devant l’insouciance du passé, on se frappe de plein fouet au mur de la réalité. On n’a plus de fun, et ce n’est pas déductible. On devra attendre encore quelques mois pour constater l’effet réel des hausses du taux directeur. N’empêche, c’est la fin de l’argent gratuit, last call pour une dernière folie, le portier allume les lumières et Semisonic chante «closing time».