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«Les signaux du marché ne sont pas encourageants.»
Les coûts et le chaos causés par les droits de douane sur les métaux commencent à s’accumuler après un mois de mise en œuvre, et il y a peu d’espoir qu’ils soient supprimés dans un avenir proche.
Le président américain Donald Trump a imposé des droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium canadiens le 12 mars, suscitant de vives inquiétudes pour un secteur qui a exporté environ 35 milliards $ de métal vers les États-Unis l’an dernier.
Bien que l’ampleur de la hausse des droits de douane sur les prix à la consommation et sur la baisse de la demande reste incertaine, les experts du secteur estiment que les risques s’accumulent.
À eux seuls, les droits de douane sur l’aluminium augmentent d’environ 3000 $ le prix d’un camion F150, rapporte Jean Simard, président et chef de la direction de l'Association de l'aluminium du Canada. Si l’on ajoute les droits de douane sur l’acier et sur l’automobile, on obtient une augmentation d’environ 12 000 $ du coût des intrants.
«C’est destructeur», affirme-t-il.
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Si les producteurs canadiens d’aluminium ont pu répercuter la hausse de leurs coûts, les droits de douane actuellement en vigueur pourraient entraîner une baisse de la demande dans les secteurs de l’automobile et de la construction, qui sont les deux plus gros clients, ajoute M. Simard.
«C'est donc tout un effet domino qui entre en jeu, et nous en sommes à la fin.»
Bien que relativement épargnées jusqu’à présent, les entreprises subissent déjà un coup dur financier.
Alcoa a indiqué la semaine dernière que les droits de douane ont coûté 20 millions $ US au cours du dernier trimestre, et qu’ils pourraient entraîner des coûts supplémentaires de 90 millions $ US au deuxième trimestre.
L’entreprise de Pittsburgh, qui est également l’un des plus grands producteurs d’aluminium au Canada, affirme que la hausse des prix devrait compenser une partie, mais pas la totalité, de ces coûts.
Catherine Cobden, présidente et chef de la direction de l’Association canadienne des producteurs d’acier (ACPA), souligne que les producteurs d’acier canadiens n’ont pas été en mesure de répercuter la hausse des coûts sur leurs clients américains, ce qui entraîne un impact plus immédiat.
«Nous commençons déjà à observer des licenciements, des reports d’investissements et des réductions de production.»
Les conditions économiques du transport de l’acier rendent également la diversification des partenaires commerciaux peu envisageable. De plus, la surabondance mondiale de ce métal aggrave les pressions, ce qui fait que les entreprises sont aux prises avec l’incertitude.
Elle ajoute que les droits de douane provoquent des perturbations et une incertitude généralisées qui affectent non seulement les opérations en cours, mais aussi les commandes et les investissements.
«L’activité est chaotique, car les gens se tournent vers les chaînes d’approvisionnement, indique Mme Cobden. Les signaux du marché ne sont pas encourageants.»
Mme Cobden et l’ACPA exhortent le gouvernement canadien à mettre en place des protections frontalières afin de protéger les producteurs canadiens des importations bon marché et de leur permettre de mieux résister aux droits de douane qui ne semblent pas être de courte durée.
«L’ampleur des licenciements dépendra directement des efforts que le gouvernement décidera de déployer pour mettre en place une nouvelle mesure frontalière afin de gérer cette situation.»
Si le président Trump a hésité sur de nombreuses catégories de droits de douane, comme ceux sur les automobiles, que les analystes jugent intenables, et ceux, mondiaux, qu’il a suspendus pendant 90 jours peu après leur annonce le 2 avril, les droits de douane sur les métaux pourraient être une réalité à plus long terme.
Ian Gillies, analyste chez Stifel, écrit dans une note que, si les droits de douane «durent plusieurs années», une entreprise comme Algoma Steel Group pourrait être confrontée à un risque de liquidité. Lors de l’entrée en vigueur des droits de douane, il a abaissé son objectif de cours pour Algoma de 21 $ à 15,25 $.
Cependant, si les droits de douane étaient temporaires, cela pourrait signifier un rebond considérable, précise-t-il.
«Nous ne tarderons pas à revenir sur notre objectif de multiple si les risques géopolitiques s’estompent.»
Andrew Pappas, responsable des prêts adossés à des actifs pour métaux chez BMO, a précisé dans une note du 3 avril qu’il ne prévoyait pas de fin rapide des droits de douane sur les métaux.
«Nous pensons que les nouveaux droits de douane sur les métaux imposés au Canada et au Mexique resteront en vigueur et accéléreront la refonte de l’ACEUM.»
Les droits de douane, ainsi que les droits de douane réciproques imposés par le Canada et d’autres pays, pourraient entraîner des hausses de prix et soulèvent la question d’une possible destruction de la demande, dont l’orientation reste incertaine.
Bien que l’objectif de M. Trump avec les droits de douane soit de stimuler la production nationale, le chef de la direction d’Alcoa, William Oplinger, a émis des doutes quant à ce potentiel lors de la conférence téléphonique sur les résultats de l’entreprise mercredi dernier.
«Il faut de nombreuses années pour construire une nouvelle aluminerie, et au moins cinq à six alumineries seraient nécessaires pour répondre à la demande américaine en aluminium primaire.»
Ces alumineries nécessiteraient également l’équivalent énergétique de près de sept nouveaux réacteurs nucléaires, a-t-il expliqué.
«En attendant la construction de nouvelles capacités de fusion aux États-Unis, la chaîne d’approvisionnement en aluminium la plus efficace est celle de l’aluminium canadien destiné aux États-Unis.»