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Qui a la nostalgie des tempêtes de neige de son enfance?
Rentrer à l’intérieur avec les bas mouillés, les cheveux en bataille, la gorge sèche d’avoir crié, ri et construit un fort. Rentrer pour se faire un chocolat chaud en saluant les amis du quartier qui s’éloignent. Qui a la nostalgie des tempêtes de neige de son enfance?
Je me souviens de la fébrilité, à l’aube. Mes sœurs et moi écoutions la radio pour connaître le verdict: l’école sera-t-elle fermée?
Nous attendions nerveusement que l’animateur nomme notre école dans la liste des élues, remplies d’espoir et de doutes.
Les flocons tombaient à plein ciel, le vent sifflait, la neige s’accumulait sur les bords des fenêtres: impossible que ce soit ouvert, quand même! Ce serait une insulte, une injustice, une calamité.
Quand (enfin) le nom de notre établissement résonnait dans la cuisine, nous explosions de joie. «Pas d’école aujourd’hui», annonçait-on fièrement à nos parents, comme si on y était pour quelque chose, comme si nous avions été sélectionnées. Un triomphe.
Débutait alors la grande tournée téléphonique: chacune d’entre nous devions appeler les copains et les copines, les cousins et les cousines, pour d’abord vanter notre avantage («pas d’école aujourd’hui») et ensuite, vérifier les disponibilités des potentiels camarades de jeux.
Oui, cela se passerait chez nous, car nous avions tout ce qu’il fallait pour faire des chocolats chauds. Nous avions même des réglisses et du popcorn.
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Le clan débarquait, transporté par des parents à la fois exaspérés par le casse-tête d’horaire et heureux que les festivités se passent «ailleurs» que dans leur propre chaumière.
Je me sentais comme la reine du quartier. Le carnaval d’hiver (c’est ainsi que je le percevais) se passerait chez moi. Nous étions en congé, il y avait une sacrée tempête de neige et j’étais l’hôte, l’heureuse représentante du groupe en délire. Quel honneur!
Je ne compte plus ces heures passées dehors à glisser, faire des anges, construire des forts, lancer des boules de neige, pelleter l’entrée, déneiger les voitures, manger des glaçons. Je me souviens de jeux inventés, d’histoires racontées, de rôles endossés. L’aventure!
Il n’y avait aucune limite à notre imagination. Portés par notre amitié débordante, nous n’étions occupés qu’à une chose, une seule: être des enfants un jour de tempête de neige.
Euphoriques, les joues rouges et les bouts des orteils gelés, nous rentrions par épuisement. La tempête avait vidé nos réserves d’énergie, nous étions allés au bout de nos idées et de nos projets.
La phase deux du plan «pas d’école aujourd’hui» commençait alors.
C’était la partie préférée de la majorité de mes complices — mais pas moi. Mon amour pour l’hiver ne m’a jamais quitté.
Nous rentrions boire du chocolat chaud, enfiler les guimauves comme s’il n’y avait pas de lendemain et manger des bonbons, dans l’ordre et dans le désordre.
C’était l’heure de jouer à Clue, à Jour de paye ou au Monopoly, c’était le temps de jaser, de déconner et de faire la paix avec les ennemis de la guerre de boules de neige. Deux réglisses contre ta rancœur. Trois réglisses et je te réinvite.
Nous écoutions un film, tous entassés sur le divan et allongés par terre en buvant de la liqueur, pendant que nos mitaines et les feutres de nos bottes séchaient dans l’entrée.
La fin de la récréation arrivait — et j’avais le cœur brisé. Les amis quittaient un à un, à pied ou avec leur parent qui arrivait du bureau en maudissant le temps dehors. Chaque coup de sonnette à la porte me ramenait douloureusement à la réalité.
C’était fini. Bientôt, il faudrait souper, aller se coucher, prendre l’autobus jaune demain matin.
Nous avions eu la plus belle, la plus enlevante et merveilleuse des journées, une journée de tempête, une journée de «pas d’école aujourd’hui».