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François Legault s’est «autopeluredebananisé», selon l’expression consacrée par Jacques Parizeau.
Le regretté chroniqueur et analyste politique Jean Lapierre a déjà dit que «l’intégrité, c’est comme la virginité: c’est ben dur d’en ravoir!» On pourrait faire le même constat avec la crédibilité.
François Legault vient de nous en donner un bon exemple en se tirant dans le pied avec son projet de consultations pour ressusciter le troisième lien, à Québec. Il s’est «autopeluredebananisé», selon l’expression consacrée par Jacques Parizeau.
La semaine dernière, le premier ministre Legault a fait une annonce très importante, qu’on peut qualifier d’historique, sur le plus gros investissement privé au Québec: la construction de la future usine de batteries de l’entreprise suédoise Northvolt. Des milliards de dollars de fonds publics du Québec et du Canada y seront injectés.
François Legault nous demande de lui faire confiance pour positionner le Québec comme un chef de file de la batterie verte. Une décision importante, comme celle de Robert Bourassa de miser sur l’hydro-électricité, autrefois.
J’ai envie de croire à ce projet. Je ne le considère pas comme un pari risqué, mais comme un risque calculé, qui fait partie d’une stratégie industrielle à long terme pour permettre au Québec d’utiliser ses ressources et de les transformer afin de manufacturer des batteries vertes et d’ainsi contribuer à «décarboniser» la planète.
François Legault a utilisé sa crédibilité sur le plan économique pour nous convaincre des bienfaits de ce projet.
Hier, cette crédibilité a été mise à mal avec son annonce de consultations sur le troisième lien.
Le premier ministre a réagi en laissant parler ses émotions, sans même informer son caucus ou le Conseil des ministres. Une réaction improvisée, à chaud, faisant suite à la défaite de la CAQ au profit du PQ, lors de l’élection partielle dans Jean-Talon, à Québec.
La crédibilité, ce n’est pas un vase clos. Une décision prise dans un projet aura un impact sur un autre projet. Un peu comme la promesse non réalisée de Justin Trudeau de planter deux milliards d’arbres; c’est difficile de le croire ensuite lorsqu’il annonce la construction de milliers de logements, pour atténuer la crise qui sévit actuellement.
Le premier ministre Legault ne peut pas faire preuve de leadership économique sur la filière batterie le jeudi, pour ensuite annoncer des consultations sur le troisième lien la semaine suivante.
Il refuse de soumettre le projet de méga-usine de Northvolt à l’examen du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), mais il veut lancer des consultations sur le mirage du troisième lien, tant de fois promis et modifié, au gré des saisons électorales.
La CAQ a perdu une partielle. «So what?» comme disent les Anglais. François Legault a une super majorité pour trois ans. Il a reçu un vote de confiance stalinien de 98,61% de la part des membres de son parti. Sa boussole doit être déréglée si, au premier échec, il panique. Et c’est toute la crédibilité de son gouvernement qui est alors remise en question.
On se souviendra des larmes de Bernard Drainville, de Martine Biron qui elle, parlait de retour d’ascenseur, et d’Éric Caire qui désormais, longe les murs de l’Assemblée nationale, lui qui avait menacé de démissionner sur l’enjeu du troisième lien.
La CAQ a peur de perdre sa base, d’être perçue comme un parti de Montréalais qui néglige le reste du Québec. La grande région de Montréal a reçu des milliards pour le REM, un nouveau pont Champlain, une méga-usine de batteries? Et?
Bien sûr. Avec les années, les coûts d’entretien du pont Pierre-Laporte continueront de grimper en flèche alors qu’il prend de l’âge et pendant ce temps, rien ne débloque dans l’épineux dossier du pont de Québec avec le Canadian National. On désespère qu’un jour, quelqu’un finisse par lui donner un petit coup de pinceau.
Mais on ne fait pas un référendum sur un pont ou un tunnel basé sur des émotions, avec des consultations improvisées. Il faut des études crédibles et un projet techniquement réalisable. Tous les éléments, incluant le projet de tramway, doivent être pris en compte, avec une vision d’ensemble. Pas à la pièce et au jour le jour.
Joël Lightbound, le député libéral fédéral, a d’ailleurs eu la meilleure réplique sur les consultations du troisième lien, en les comparant à la pièce de théâtre Le dîner de cons.
Un vote sanction dans une partielle, cela arrive. Chapeau au PQ et à son chef, Paul St-Pierre Plamondon, d’avoir réussi à canaliser le mécontentement de la population et d’avoir remporté une circonscription qu’il n’avait jamais détenue dans le passé.
Mais un premier ministre ne peut pas gouverner aux sondages. Est-ce que la CAQ devrait user d’un peu d’humilité ? Certainement, et c’est la signification de ce vote sanction. Il ne faut pas oublier que cette partielle s’est tenue dans le contexte du départ d’une députée caquiste, réélue il y a à peine un an.
La lune de miel de la CAQ est officiellement terminée. Il était temps que cela arrive.
Depuis 2018, le parti a gouverné sans trop de difficulté. Avec la pandémie, qui est le genre de situation derrière laquelle tous se rallient, François Legault a su rassurer les Québécois, et il a été récompensé dans les urnes avec une forte majorité.
Même si le PQ a maintenant quatre députés, on est loin de se diriger vers un référendum. Quant au gain de QS lors de l’élection partielle précédente, dans l’ancienne circonscription de Dominique Anglade, cela n’a pas eu d’effet. Bien que Gabriel Nadeau-Dubois soit en tournée des régions permanente, à douze députés, son parti n’arrive toujours pas à sortir de Montréal.
Le PLQ, pour sa part, est à la recherche d’un chef.
La CAQ devrait donc respirer par le nez, et gouverner. Pas à la petite semaine.
L’élection est dans trois ans.