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Des organes, il en manque réellement, la situation ne s’améliorant pas, ici encore plus qu’ailleurs. Parce que même si le nombre de donneurs augmente, les besoins s’accroissent plus rapidement.
Au Québec, n’est pas donneur d’organe qui peut, mais qui veut.
La personne qui offre un organe après son décès doit ainsi y avoir consenti ou compter sur sa famille pour prendre la bonne décision le moment venu. Ce qui pose parfois des problèmes quand la volonté n’est pas claire.
Le projet de loi 399 déposé par le Parti libéral du Québec changerait toutefois la donne. S’il était adopté « le majeur (serait) présumé autoriser sur son corps le prélèvement d’organes et de tissus ». Un changement majeur.
Le projet de loi transformerait ainsi la logique de fond entourant le don d’organe : plutôt qu’un choix (souhaitable et encouragé), le consentement deviendrait la norme.
La personne pourrait toutefois refuser cette voie en l’indiquant avant son décès. La famille garderait aussi le dernier mot si elle s’en était ouverte auprès de ses proches. La liberté de choisir serait donc préservée.
Cela rendrait probablement caduque la traditionnelle signature de sa carte d’assurance-maladie et l’inscription au mal connu et apparemment peu utilisé registre des dons d’organes.
Vous savez, le don d’organe est un don de soi, l’un des plus extraordinaires qu’on puisse imaginer. Et je peux vous garantir que la vie après une greffe, c’est une vraie renaissance.
Grâce aux organes d’un donneur, on peut en effet sauver jusqu’à huit vies et améliorer celle de 20 personnes au total. Transplant Québec indique que pour l’année 2022, 171 donneurs et leurs 584 organes ont bénéficié à 483 personnes.
Mais voilà, des organes, il en manque réellement, la situation ne s’améliorant pas, ici encore plus qu’ailleurs. Parce que même si le nombre de donneurs augmente, les besoins s’accroissent plus rapidement.
L’écart se creuse donc entre le nombre d’organes disponibles et les besoins — un fossé qui se mesure malheureusement en vies perdues, soit environ cinq par semaine au Canada. En 2021, au Québec, 34 décès sont survenus pour la même raison.
Justement, dans les pays du monde comme l’Espagne (ou plus près en Nouvelle-Écosse) où le consentement par défaut est appliqué, le nombre de donneurs d’organes est bien plus élevé que celui retrouvé au Québec. Il atteignait ainsi 49 donneurs par million d’habitants en Espagne (2019) avant la pandémie, alors qu’il n’était que de 21 par million chez nous.
Compte tenu de l’impact d’une greffe pour une personne malade, l’idée d’améliorer la disponibilité des organes en inversant le consentement me semble une approche souhaitable, d’ailleurs bien reçue par le ministre Christian Dubé et les partis d’opposition.
Comme pour l’aide médicale à mourir, j’ai l’impression que nous avons la maturité afin de changer en mieux les choses quant au don d’organe, grâce à ce projet de loi auquel j’accorde d’emblée mon appui. L’ouverture du ministre à en discuter dans un cadre non partisan pourrait d’ailleurs permettre de nous entendre sur cet autre enjeu de santé, aussi sensible qu’important.
Un consentement par défaut contribuerait aussi à transformer la culture, en métamorphosant le don d’organe en une pratique attendue.
Soit, il ne s’agit pas d’une panacée, d’autres enjeux, comme le manque de données et la coordination des soins, affectant également le nombre d’organes disponibles.
Il faudra donc régler aussi ces problèmes, pourquoi pas dans le cadre d’une grande corvée visant à redonner au programme de greffe du Québec son erre d’aller d’antan.
Je connais peu de réussites plus satisfaisantes en médecine. Croiser un jour d’ex-grands malades, le regard redevenu alerte, la démarche rapide et le sourire fleurissant aux lèvres, c’est une expérience en soi, qui montre le meilleur côté des prouesses de la médecine.
Dans ma vie professionnelle, cela concerne les grands malades cardiaques, greffés quand plus rien ne va, qu’il leur est devenu impossible de marcher ou même de respirer confortablement, sans oublier la menace constante pour leur vie.
Ailleurs, on soigne des greffés des poumons, d’un rein, d’un foie ou d’un pancréas, ou encore des personnes ayant reçu des tissus variés — os, peau, tendons, cartilages, ligaments, etc. — qui ont contribué à améliorer leur qualité de vie.
Si vous rencontrez une de ces personnes greffées, parlez-lui, demandez-lui de vous raconter son histoire. Je n’ai aucun doute que vous tomberez alors rapidement d’accord avec ce projet de loi, que je vous invite aussi à lire — il fait seulement quelques pages — afin de commencer votre propre réflexion sur le sujet.
Pour vous-mêmes, vos proches et tous les autres qui pourraient avoir un jour besoin d’un nouvel organe pour continuer leur petit bout de chemin dans la vie.