Sous le couvert de l’anonymat, Annie (prénom fictif) raconte que son ex Luc Bouchard, un homme originaire de Varennes en Montérégie, a réussi à retirer son bracelet qui lui a été imposé en juillet 2023 à plusieurs reprises, montrant que la nouvelle mesure du ministère de la Sécurité publique n’est pas infaillible.
«Je me sentais en danger, je ne me sentais pas en sécurité chez moi», s'est souvenu Annie, qui a décidé de partager son histoire. «Cette personne ne voulait pas qu’on coupe les ponts. J’avais toujours des textos, des appels.»
La femme a décidé de porter plainte à la police à la suite de ces événements. Luc Bouchard a donc été arrêté pour bris de condition. Il devenait alors la troisième personne au Québec à enlever son bracelet depuis l’implantation de la mesure en 2022.
«C'est arrivé à quelques reprises que la centrale de surveillance m'appelle. Les policiers se sont même déjà déplacés chez moi parce qu’ils ne pouvaient pas localiser l’appareil de Monsieur.»
Par ailleurs, le ministère de la Sécurité publique soutient que l'interception d'une personne qui a coupé son bracelet ne constitue pas d’un incident, mais d’une «démonstration de l’efficacité des protocoles en place, puisqu’une alarme a été déclenchée et que le contrevenant a été mis en arrestation rapidement».

Malgré tout, la victime garde confiance envers les bracelets antirapprochement.
«Le délai de réponse [des policiers] a été très rapide. Par contre, c’est sûr que si on est capable d’enlever le bracelet sans le briser, le sentiment de sécurité n’est plus vraiment là», a-t-elle toutefois déploré.
Claudine Thibaudeau, la responsable du soutien clinique et de la formation au sein de l’organisme SOS violence conjugale, soutient qu'il ne faut pas voir les bracelets antirapprochement comme un échec.
«Les partenaires violents contournent souvent les règles, les normes. Toute mesure, il y aura des tentatives pour les contourner», a-t-elle expliqué lors d’un entretien avec Noovo Info.
Au total, 367 bracelets antirapprochement ont été imposés depuis l’implantation de la mesure. 232 sont toujours en opération.

Des femmes en danger, faute de ressources
En date du 12 février, 697 appels de la centrale de surveillance ont mené à une intervention policière, tout type d’alarme confondue, allant d’une faible charge du bracelet à un bracelet coupé.
Advenant un bracelet retiré, les victimes de violence conjugale doivent se réfugier rapidement dans un lieu où elles se sentent en sécurité.
Cependant, l’organisme SOS violence conjugale dit rejeter 17 femmes par jour, faute de ressources et de places en maison d’hébergement.
«On est à 45% de refus, c’est près d’une femme sur deux qui ne peut pas avoir accès à une ressource d’hébergement», a déploré Maud Pontel, coordonnatrice générale à l'Alliance des maisons d'hébergement. «Doit-on attendre qu’il y ait un autre féminicide pour qu.il y ait du financement?»
Selon les associations des maisons d’hébergement, 630 nouvelles places sont bloquées par Québec, qui estime que les coûts sont excessifs.
Voyez le reportage de Marie-Pier Boucher dans la vidéo.