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Ils avaient 25 ans: Ndogo Sarry et Abdoulaye Ndoye sont morts d’hypothermie à quelques mètres de la frontière canado-américaine. Un chien pisteur les a retrouvés à proximité l’un de l’autre, leurs corps inertes recouverts d’une légère couche de neige, rapportent les autorités frontalières.
Voyez le reportage d’Étienne Fortin-Gauthier dans la vidéo.
C’est une fin atroce pour ces deux jeunes hommes qui ont parcouru en l’espace d’un mois et demi des milliers de kilomètres. Partis de Dakar, ils sont morts à Mooers, qui se trouve tout juste en face d’Hemmingford, au Québec.
En entrevue avec Noovo info, Hady Ann défend le passage irrégulier qu’était le chemin Roxham. Il le connaît bien, il l’a lui-même emprunté, il y a cinq ans.
«Fermer les frontières, c’est créer des victimes. Ce n’est pas en fermant Roxham qu’on arrête les migrants. Fermer une frontière, ça crée d’autres passages beaucoup plus dangereux et non-contrôlés. Si on ouvre pas les frontières, il y aura d’autres victimes», affirme le porte-parole de Solidarité sans frontières.
Le chemin Roxham c’était, oui, une entrée irrégulière, dit-il, mais c’était un point clair où faire une demande d’asile. Il permettait également de savoir qui entrait dans le territoire canadien. C’est une gaffe aux conséquences mortelles de l’avoir fermé, affirme Hady Ann.
«Les politiciens restent sourds et n’ont aucune compassion pour la vie humaine. Ceux qui ont fermé le chemin Roxham sont responsables. Je tiens responsables Justin Trudeau et Joe Biden. François Legault, lui, attise le feu», ajoute-t-il.
Selon l’Entente sur les tiers pays sûrs, un demandeur d’asile arrivé aux États-Unis sera renvoyé aux États-Unis s’il fait ensuite une demande au Canada.
«Pourquoi dire que si tu passes par un pays tu ne peux pas aller dans l’autre comme demandeur d’asile? Si un francophone vient aux États-Unis, il n’est pas à l’aise. S’il se sent plus proche de la culture française et qu’il ne se sent pas en sécurité aux États-Unis?», se questionne Hady Ann.
L’élu Guillaume Cliche-Rivard, porte-parole de Québec solidaire en matière d’immigration, est d’avis que les changements à l’Entente sur les tiers pays sûrs mettent davantage en danger les migrants.
«Le plus on met de freins à des passages réguliers, plus les gens vont se lancer dans des situations risquées. Ce sont des gens qui sont prêts à tout pour sauver leur peau. C’est ce qu’on voit avec ces deux Sénégalais», note l’élu.
Il affirme qu’il fallait plutôt «abolir» l’Entente sur les tiers pays sûrs pour permettre à tous de faire des demandes «ordonnées» aux postes frontaliers.
«À moins de se qualifier avec une exception, actuellement, ils seront automatiquement refusés et refoulés. Donc, plusieurs misent sur des passeurs qui les mettent dans des situations difficiles pour atteindre leur but», souligne l’avocat spécialisé en immigration.
Depuis quelques mois, les Sénégalais qui arrivent et font une demande d’asile se sont multipliés, note Michel Robert Habas, président du Regroupement général des Sénégalais du Canada. Il les invite à ne pas opter pour les chemins migratoires risqués qui sont parfois proposés au Sénégal.
«C’est le moment pour moi de lancer un appel à nos compatriotes qui veulent prendre les mêmes chemins. Immigrer c’est un projet auquel on doit bien le construire. S’ils décident de braver la mer, le désert, le Nicaragua ou le froid du Québec, il faut savoir que ce n’est pas facile», insiste-t-il.
La route migratoire du Nicaragua est proposée dans les rues du Sénégal comme une avenue de prospérité. Mais le parcours est dangereux et implique de parcourir des milliers de kilomètres, notamment dans des zones contrôlées par des gangs criminels en Amérique centrale.
«Parfois, un ami nous influence ou on veut quitter coûte que coûte le pays, mais ils ne prennent pas les bons canaux pour immigrer. Nous travaillons très fort pour les sensibiliser avant qu’ils ne partent», affirme Michel Robert Habas.
Concernant le Sénégal, M. Habas espère que les récentes élections démocratiques qui se sont déroulées dans un contexte paisible permettront aux jeunes d’avoir droit à de nouvelles opportunités.