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«Quatre mois à peine ont suffi à m’épuiser. Complètement.»
La porte-parole féminine de Québec solidaire, Émilise Lessard-Therrien, quitte ses fonctions, se disant complètement épuisée seulement quelques mois après son entrée en poste. Elle affirme que la vision différente qu'elle proposait s’est heurtée à un «blocage organisationnel».
Mme Lessard-Therrien, qui avait été battue aux élections de 2022, a été élue pour être co-porte-parole de Québec solidaire aux côtés de Gabriel Nadeau-Dubois à la fin novembre, au terme d'une course lors de laquelle elle a devancé les députées Ruba Ghazal et Christine Labrie.
Voyez le reportage de Jean-François Poudrier sur ce sujet dans la vidéo.
Dans un long message publié lundi matin sur les réseaux sociaux, Mme Lessard-Therrien a expliqué qu'à la suite de son élection, elle a tenté d’insuffler un nouveau souffle au parti, en y apportant de nouvelles idées.
«Mais je me suis vite aperçue que le train était déjà bien en marche. J’ai voulu y monter, tenter d’influencer le cadre de réflexion et de décision mené ou nourri par une petite équipe de professionnel.le.s tissée serrée autour du porte-parole masculin. J’y suis parfois arrivée, mais je m’y suis sentie bien seule et j’ai eu du mal à y trouver mon espace», a-t-elle écrit.
Mme Lessard-Therrien a ajouté qu'elle s'est fait «gronder ou culpabiliser» pour des prises de paroles, pour avoir donné des opinions ou suivi son intuition.
Elle a avoué que son «enthousiasme naturel s’est vite flétri», de sorte qu'elle est tombée en mode «survie» au sein de son parti.
«Quatre mois à peine ont suffi à m’épuiser. Complètement. Je suis partie en arrêt de travail fin mars, les deux genoux à terre, l’élan freiné», a-t-elle reconnu.
«Je dois me rendre à l'évidence: il m'a été impossible de plonger mes propres racines dans la direction du parti. La vision différente que je proposais s’est heurtée à un blocage organisationnel, au sein d’un parti qui a été créé pour faire de la politique autrement», a-t-elle plus tard déploré.
Mme Lessard-Therrien était déjà en arrêt de travail depuis quelques semaines, mais elle estime qu'elle aura besoin de plus de temps pour retrouver sa fougue. Pour prendre soin de sa santé, elle quitte donc son poste de porte-parole féminine.
«Je sais aujourd'hui que pour retrouver mon souffle, je dois rester fidèle à mes convictions, fidèle à mes valeurs, fidèle à mes façons de faire et de prendre soin du monde. Je dois, surtout, prendre soin de ma santé. Et donc, je ne reviendrai pas», a-t-elle souligné.
Sur le réseau social X, le premier ministre François Legault a quant à lui souhaité bonne chance à Mme Lessard-Therrien pour ses prochains projets, soulevant que «la politique est exigeante sur tous les plans de nos vies».
Je souhaite à @emiliselt bonne chance dans ses futurs projets. La politique est exigeante sur tous les plans de nos vies. Je la remercie pour sa contribution.
— François Legault (@francoislegault) April 29, 2024
Dans un communiqué publié en réaction à la démission de Mme Lessard-Therrien, la présidente de Québec solidaire, Roxane Milot, a admis qu'après sept ans du duo formé par Gabriel Nadeau-Dubois et Manon Massé, «accueillir une nouvelle porte-parole extraparlementaire était tout un défi».
«À partir de l’élection d’Émilise à la fin-novembre et jusqu’à son arrêt de travail à la mi-mars, nous étions en période de transition. Malgré les mises à pied que nous avons dû faire suite aux élections générales, la direction générale du parti et moi travaillions à réorganiser et à accroître ses ressources pour permettre à Émilise d’exercer son rôle dans les meilleures conditions possibles, malgré les défis logistiques et d’éloignement», a-t-elle mentionné.
Mme Milot a souligné que le départ de Mme Lessard-Therrien, qui a aidé Québec solidaire à «rejoindre de nouvelles personnes partout sur le territoire», est «une grande perte».
Émilise Lessard-Therrien a été députée solidaire dans la circonscription de Rouyn-Noranda—Témiscamingue de 2018 à 2022. Elle a été battue par le candidat caquiste aux plus récentes élections.
Elle a fait son retour «par la grande porte» chez Québec solidaire l'automne dernier en étant élue avec 50,3 % des voix devant Ruba Ghazal pour succéder à Manon Massé en tant que porte-parole féminine.
Elle avait fait campagne sur la nécessité pour le parti d'aller rejoindre les Québécois dans les régions, en mettant l'accent sur la souveraineté alimentaire.
Les détails du processus visant à choisir une nouvelle porte-parole féminine seront annoncés ultérieurement, a fait savoir Québec solidaire.
«Émilise a travaillé pendant des années à faire grandir Québec solidaire, pour que notre parti s’enracine dans tous les milieux et sur l’ensemble du territoire. Son combat pour la qualité de l’air à Rouyn-Noranda, ses dénonciations touchantes des ruptures de service en santé en région, de Amos à Rivière-Rouge, sa défense passionnée de la souveraineté alimentaire et sa solidarité envers les pêcheurs de la Gaspésie nous ont permis d’atteindre de nouveaux publics. Sous son impulsion, nous avons créé un caucus régional et entamé des réflexions profondes pour mieux nous déployer dans les régions. Ces réflexions vont se poursuivre, même si sa voix nous manquera», a pour sa part mentionné son homologue Gabriel Nadeau-Dubois.
En point de presse lundi à Granby, Gabriel Nadeau-Dubois affirme que la démission d'Émilise a été «une grande surprise». «Je n'ai pas le choix d'accepter cette décision, mais ça me rend franchement triste», a-t-il affirmé devant les journalistes.
«J'étais à construire un nouveau tandem avec Émilise. J'ai travaillé très fort pour que ça fonctionne. Le défi était important, soit de faire fonctionner un nouveau modèle avec une co-porte-parole qui était non élue à l'Assemblée nationale. Force est de constater que ce défi nous n'avons pas réussi à le relever», a ajouté M. Nadeau-Dubois.
Gabriel Nadeau-Dubois affirme par ailleurs avoir sa part de responsabilité dans cet échec.
«J'aurais aimé que ça fonctionne. J'y ai travaillé avec tout mon cœur, toute ma sincérité et je regrette que ça se termine de cette façon. Nous étions en processus de transition et j'aurais voulu poursuivre ce travail de transition dans les prochaines semaines», a-t-il expliqué.
Gabriel Nadeau-Dubois rejette l'idée qu'il y avait un conflit de personnalités entre lui et Émilise. «Émilise et moi nous avons travaillé pendant quatre ans ensemble, j'étais co-porte-parole quand elle était députée, elle a appuyé ma candidature lors du vote pour ma réélection comme co-porte-parole en novembre dernier. Nous étions à développer cette nouvelle relation. Je me rappelle qu'à l'époque où j'ai commencé à être co-porte-parole avec Manon, ç'a prit un an avant qu'on apprenne vraiment à travailler ensemble. [...] Je m'étais donné quelques mois pour qu'on développe tranquillement ce travail conjoint Émilise et moi», a-t-il raconté.
Selon Gabriel Nadeau-Dubois, Québec solidaire devra faire un bilan de cette situation et tirer des leçons de celle-ci. Il n'estime pas que Québec solidaire est en crise et il croit que la formule de co-porte-parole fonctionne et qu'elle demeurera.
Questionnée à savoir si elle souhait tenter sa chance à nouveau dans la course au poste de co-porte-parole de Québec solidaire, Christine Labrie a fait savoir qu’elle n’en était pas là dans ces réflexions.
«Pour l’instant, je suis triste qu’Émilise ait renoncé à ces fonctions. C’est mon amie, je l’aime et je suis triste de la voir dans cet état, elle s’est épuisée», a-t-elle souligné.
«Je suis déçue aussi, je vais le dire. J’avais confiance en elle, j’avais espoir envers le message qu’elle portait. Je ne peux pas cacher que j’aurais aimé la voir essayer plus longtemps parce qu’on savait que ce serait difficile, d’autant plus qu’elle n’était pas élue. [...] Je m’attendais à ce que ce soit [un processus] complexe et long que de prendre sa place. On n’arrive pas comme ça pour remplacer Manon Massé du jour au lendemain. J’aurais voulu qu’elle se donne une chance plus longue parce qu’elle avait tout ce qu’il fallait pour réussir», a exprimé Mme Labrie.
Avec des informations de Jennifer Gravel, Noovo Info.