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Dans le dictionnaire, c'est plutôt clair. Dans le monde réel, c'est un univers plus complexe qui dépasse la sémantique.
Quelle est la différence entre secte et culte, et qu'est-ce qui sépare ces concepts d'un mouvement religieux? On peut discerner cette différence entre lisant les définitions de ces termes dans le dictionnaire mais, dans le monde réel, c'est un univers plus complexe qui dépasse la sémantique, comme on a pu le voir dans la série documentaire de la journaliste de Noovo Info Marie-Christine Bergeron et de la réalisatrice Isabelle Tincler, La prison de l'Esprit-Saint, présentée sur Crave.
Selon Michael Kropveld, fondateur et directeur général d’Info-Secte, un centre d’étude des phénomènes sectaires qui prodigue aussi des services d'aide en la matière à Montréal, «les gens cherchent des réponses simples, mais c’est plus compliqué que ça».
«Les mouvements sont gérés par des humains et l’être humain est complexe et les mouvements qu’ils vont créer vont l’être aussi», a expliqué M. Kropveld en entrevue avec Noovo Info, mardi.
Voyez dans la vidéo ci-haut l'intervention de Marie-André Pelland, directrice d'Info-Secte, au bulletin Noovo Info 12 du 27 novembre 2024 alors qu'elle raconte les impacts de la diffusion du documentaire La prison de l'Esprit-Saint sur les demandes de services et d'aide.
Les définitions selon Le Robert
Religion: «reconnaissance par l’humain d’un principe supérieur de qui dépend sa destinée» et «système de croyances et de pratiques propre à un groupe social».
Secte: «Groupe organisé de personnes qui ont une même doctrine au sein d’une religion» et «Groupe d’inspiration religieuse ou mystique, vivant en communauté sous l’influence de maîtres, de gourous.»
Culte: «Hommage religieux rendu à la divinité ou à un saint personnage» et «admiration mêlée de vénération pour quelqu’un ou quelque chose».
Selon M. Kropveld, il ne faut d'abord pas mettre le culte dans le même panier que la religion et les sectes.
En ce qui concerne le terme «secte», M. Kropveld explique que ce dernier n’a pas de définition précise, mais qu’il est utilisé depuis longtemps de façon péjorative.
«Si vous étiquetez un groupe comme une secte, dans les yeux de la population en général, c’est vu comme un mouvement négatif, pas bon et même peut-être dangereux», dit-t-il en ajoutant que si quelqu’un parle d’une religion, c’est alors perçu différemment.
Au-delà des termes «secte» ou «religion», Michael Kropveld estime que c’est la nature même du groupe qu’il faut définir. Selon l'expert, vous pouvez vivre une bonne expérience dans un soi-disant «mauvais groupe» et une mauvaise expérience dans un soi-disant «bon groupe».
«Il faut regarder le fonctionnement du groupe, les comportements des membres, le niveau d’implication, les engagements demandés, le niveau de pouvoir, etc. […] pour comprendre son histoire, le leadership, etc.» énumère-t-il. «Si un mouvement est étiqueté comme religion, est-ce que ça veut dire qu’il est bon pour autant? Pas nécessairement.»
Quand vient le temps de classer la Mission de l'Esprit-Saint, ce mouvement qui a, selon toute apparence, ruiné des années de vie d'ex-membres isolés de la société à la naissance et «élevés avec des informations erronées», M. Kropveld ne s'avance pas. Il affirme que ce regroupement a «plusieurs branches» dont les enseignements peuvent différer d'une à l'autre.
À voir également : «Lavage de cerveau» à la Mission de l’Esprit-Saint?
Le fait d'être membre d'un groupe ou d'un mouvement étiqueté comme une secte n'est pas en soi criminel, explique M. Kropveld.
«Disons que vous faites partie des Hells Angels, est-ce que je peux vous mettre en prison maintenant que je le sais ou je dois prouver que vous avez commis des actes illégaux?», nous interroge-t-il de façon rhétorique. «C’est la même chose pour les groupes. Il faut définir sur quelle base on met l’étiquette de secte et ça représente quoi. Si c’est un groupe qui a fait des actes illégaux, c’est un groupe qui a fait des actes illégaux.»
Le DG d'Info-Secte précise qu’un groupe peut véhiculer des croyances qui apparaissent comme étant «bizarres ou loufoques» pour le monde extérieur, mais qu’il ne s’agit pas nécessairement d’actes répréhensibles.
«Les gens ont le droit de croire en des croyances «bizarre ou étrange» pour nous, ils ont le droit de s’isoler de la société, ils ont le droit de fonctionner de différentes manières ou avoir différents modes de vie, mais ils doivent suivre les mêmes lois que tout le monde», explique-t-il.
Info-Secte reçoit plusieurs demandes d'aide, chaque jour.
«C’est un phénomène mal connu et mal compris et qui en même temps touche énormément de gens. C’est beaucoup des familles qui vivent des situations difficiles en raison d’un proche et beaucoup de gens qui veulent sortir des mouvements, qui veulent obtenir de l’aide», souligne Michaeal Kropveld.
M. Kropveld estime qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour améliorer les connaissances du Québec face aux mouvements qualifiés de sectes – au niveau politique, social, de la santé et de la justice, par exemple – et qu'il manque de ressources pour aider les gens qui se retrouvent dans des mouvements «négatifs», voir «dangereux».
Le fondateur d'Info-Secte estime que les périodes de stress vécues par la société - pandémie, pénurie de logements, stress économique, insécurité alimentaire - sont souvent la source de l'émergence de nouveaux mouvements.
«Les gens cherchent un certain soulagement, ils cherchent des réponses. On voit donc l'émergence de mouvements, de croyances et d'idées qui répondent à la complexité de la vie des gens, et ça, ça augmente les risques», estime-t-il.
Peut-on penser que la religion, les sectes ou les mouvements X sont là pour de bon ?
Michael Kropveld craint que si.
«Il y aura toujours des mouvements qui exploitent les gens avec des leaders qui croient qu’ils sont en mission spéciale et qui vont trouver des gens, des adeptes, qui vont les suivre, soit dans les mouvements religieux, en politique, ou en croissance personnelle, etc. Quand un besoin existe, malheureusement on va trouver des mouvements qui vont répondre à ce vide, pour le bien ou pour le mal», conclut-il.