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Société

Interdiction de prières à l'école: la Cour d'appel refuse de traiter le dossier

L'Association canadienne des libertés civiles et le Conseil national des musulmans canadiens ont vainement demandé à la Cour supérieure, en juin, de suspendre l'interdiction de tous lieux de prière dans les écoles.

The Quebec Court of Appeal is seen in Montreal, Wednesday, March 27, 2019. A Quebec Court of Appeal judge has refused to allow a Muslim organization and a civil rights group to appeal a lower court decision maintaining the province's ban on prayer spaces in public schools. THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz
The Quebec Court of Appeal is seen in Montreal, Wednesday, March 27, 2019. A Quebec Court of Appeal judge has refused to allow a Muslim organization and a civil rights group to appeal a lower court decision maintaining the province's ban on prayer spaces in public schools. THE CANADIAN PRESS/Ryan Remiorz
Jacob Serebrin
Jacob Serebrin / La Presse canadienne

La Cour d'appel du Québec refuse d'autoriser une organisation musulmane et un groupe de défense des droits civiques à faire appel d'une décision de la Cour supérieure, qui n'a pas accordé d'injonction, en juin, pour suspendre temporairement l'interdiction d'offrir des espaces pour prier dans les écoles publiques.

En refusant d'accorder la permission d'en appeler, le juge Robert M. Mainville indique qu'il n'est pas convaincu qu'une telle procédure «présente des chances raisonnables de succès».

«Les tribunaux n'ordonneront pas à la légère qu'une disposition législative ou réglementaire dûment adoptée soit rendue inopérante avant d'avoir fait l'objet d'un examen constitutionnel complet, puisqu'elle est présumée avoir été adoptée dans l'intérêt public», écrit le juge Mainville.

L'Association canadienne des libertés civiles et le Conseil national des musulmans canadiens contestent devant les tribunaux la constitutionnalité de l'interdiction de tous espaces de prière dans les écoles publiques, décrétée par le ministre Bernard Drainville en avril. En attendant que leur contestation soit entendue sur le fond, les deux organismes avaient demandé à la Cour supérieure, en juin, de suspendre l'interdiction. Le tribunal de première instance avait refusé d'accorder une injonction.

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Les deux organismes avaient alors demandé à la Cour d'appel la permission d'en appeler de cette décision. Lundi dernier, leur avocate a plaidé en Cour d'appel que le juge de première instance avait commis une erreur lorsqu'il a rejeté leur demande d'injonction.

Me Olga Redko a soutenu que le décret ministériel qui interdit aux écoles publiques du Québec de mettre à disposition un espace pour que les élèves prient ouvertement causerait un «préjudice irréparable» aux élèves musulmans. Elle a soutenu que le juge de la Cour supérieure n'avait pas correctement pris en compte l'ampleur de ce préjudice et l'urgence de la situation, puisque les classes doivent reprendre fin août et qu'aucune date d'audience n'a été fixée pour entendre l'affaire sur le fond.

Pour accorder une injonction qui suspendrait un décret du gouvernement ou une loi, la Cour doit pondérer le «préjudice irréparable» invoqué par les plaignants avec l'intérêt public.

Or, le juge Mainville a indiqué mercredi qu'il n'était pas convaincu que le préjudice causé par l'interdiction soit suffisamment grave pour justifier la suspension du décret ministériel. «En effet, la preuve fort incomplète à ce stade du dossier ne démontre pas que l'aménagement de lieux de prière dans les écoles publiques du Québec soit nécessaire afin d'assurer la liberté de religion ou réponde à un impératif religieux urgent et réel», écrit-il.

«La preuve démontre plutôt qu'il s'agit là d'une demande très récente de la part de certains étudiants de confession musulmane, lesquels semblent avoir pu accomplir leurs devoirs religieux par le passé sans de tels aménagements au sein des écoles publiques.»

Les deux organismes avaient fait valoir que le décret était en fait une interdiction totale de la prière pour les étudiants musulmans, dont les pratiques de prière nécessitent une `action physique'. Le ministre Drainville avait soutenu en avril que les élèves seraient toujours autorisés à prier à l'école, mais discrètement et en silence.

Le juge Mainville a accepté l'argument du gouvernement selon lequel l'interdiction vise à préserver la nature laïque des écoles publiques du Québec.

«Bien que le juge du procès en décidera lors de l'audition au fond, à première vue du moins, tant le contexte ayant mené à l'adoption du décret que le texte même du décret laissent plutôt entendre que celui-ci n'empêche pas les élèves de prier à l'école, mais vise plutôt à assurer "qu'aucun lieu (d'une école) n'est utilisé, en fait et en apparence, à des fins de pratique religieuse telles des prières manifestes ou d'autres pratiques similaires"», écrit le juge Mainville.

«Ni le jugement de première instance ni le présent jugement ne devraient être interprétés comme confirmant que le critère de 'l'entrave plus que négligeable et insignifiante "[à la liberté de religion] est établi ou non, précise par ailleurs le juge. Cette question demeure entière et devra plutôt être résolue lors de l'audition au fond à la lumière d'une preuve et d'une argumentation complète de part et d'autre.»

Jacob Serebrin
Jacob Serebrin / La Presse canadienne