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La nouvelle agence se verra confier des mandats par le gouvernement pour réaliser des projets complexes de transport.
La ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, a déposé jeudi son projet de loi tant attendu visant à créer Mobilité Infra Québec, une agence pour le développement du transport collectif.
La ministre Guilbault a indiqué qu’elle voulait reprendre le contrôle du développement de ce secteur. Selon elle, les projets se font de manière trop lente et trop dispendieuse. Sa nouvelle agence vise à corriger ces problèmes.
Voyez le reportage de Jean-François Poudrier sur ce sujet dans la vidéo.
À la source de ces problèmes, la ministre Guilbault soutient qu’il existe un manque d’expertise au gouvernement pour livrer des projets d’envergure, chose qu’elle soutient qui est «relativement nouveau».
Sur ce point, Mme Guilbault indique que le gouvernement a historiquement travaillé sur des routes, des ponts et des voies ferroviaires et aéronautiques, mais rarement des projets «complexes» de transport collectif. Elle a fait référence au métro de Montréal, pensé il y a plus de 50 ans, et plus récemment le Réseau express métropolitain (REM) pour démontrer la courte de liste de ce type de projet.
Au centre de Mobilité Infra Québec, on retrouvera une nouvelle équipe «hyper agile» capable de livrer les projets d’envergure. Cette équipe d'une quarantaine de personnes ne sera toutefois pas aussi importante que celle de Santé Québec, précise la ministre.
«On va aller chercher les meilleurs», a-t-elle lancé. De plus, de cette manière, on souhaite éviter «un éparpillement des ressources», comme on le voit avec la multiplication des divers bureaux de projet un peu partout en province.
Ultimement, le gouvernement souhaite tisser «la toile du transport collectif au Québec», pour qu’un jour, «nos enfants aient peut-être même pas besoin de s’acheter une voiture».
«Dans un air de changement climatique [...] on a besoin notamment d’une offre de transport collectif [...] il faut se donner les moyens» pour ne pas être tributaire de la Caisse de dépôt et placement du Québec, a avancé Mme Guilbault.
Cependant, le financement des sociétés de transport collectif n’a aucun lien avec son projet de loi, a précisé la ministre des Transports.
La pièce législative précise que Mobilité Infra Québec pourra «acquérir, par expropriation, les immeubles qu’elle juge nécessaires dans le cadre de sa mission pour son propre compte ou pour le compte du gouvernement, d’une municipalité locale, d’une société de transport en commun, du Réseau de transport métropolitain ou de l’Autorité régionale de transport métropolitain».
En parallèle, le ministre responsable des Infrastructures, Jonatan Julien, a, lui aussi, déposé un projet de loi jeudi pour réformer l'octroi des contrats publics afin de réduire les coûts et les délais de construction des infrastructures. Le ministre souhaite une approche plus «collaborative» avec les entrepreneurs privés.
Sa stratégie s’articule autour de quatre points : «une planification optimisée, globale et par projet; un environnement d’affaires plus compétitif; un État plus agile; un meilleur suivi de la performance des projets majeurs et de l’état du parc».
«Grâce à cette stratégie ambitieuse, nous pourrons construire plus rapidement et à moindre coût des infrastructures de qualité, et ce, au bénéfice de la qualité de vie des citoyens», a indiqué le ministre Julien.
La pièce législative permettra notamment à un organisme public de conclure, sous certaines conditions, un contrat de gré à gré après un appel d’offres infructueux.
Jonatan Julien estime pouvoir faire des gains de 25 % en termes de rapidité tout en économisant 15 % des coûts sur les projets d'infrastructure.
Réagissant aux deux projets de loi jeudi, le porte-parole de Québec solidaire (QS) en matière de transports et de mobilité durable, Étienne Grandmont, s'en est d'abord pris au bilan de la Coalition avenir Québec (CAQ) qu'il qualifie de «très gênant».
En point de presse à l'Assemblée nationale, il a dénoncé le réflexe de la CAQ de «créer des structures» lorsqu'elle «n'arrive pas à livrer des projets, à régler des problèmes, (...) en espérant que ça aille mieux».
«Est-ce que ça va permettre d'améliorer les services pour le monde?» a-t-il demandé.
Par ailleurs, M. Grandmont a dit craindre que ces projets de loi n'entraînent une plus grande «privatisation». Il s'inquiète aussi du fait que le conseil d'administration de l'agence pourrait être composé d'entrepreneurs qui représenteront «leurs industries».
Plus tôt dans la journée, le chef de l'opposition officielle, Marc Tanguay, avait accusé la CAQ de dilapider des fonds publics. «On est rendus dans le trou de 11 milliards $ puis ils veulent faire une structure parallèle», s'était-il exclamé.
Du côté du Parti québécois (PQ), on doute également qu'une nouvelle agence va «tout régler magiquement les problèmes en matière de mobilité».
«On a vu, dans les dernières semaines, l'absence absolument totale d'une vision en matière de transport collectif, alors ce n'est pas le dépôt d'un projet de loi qui va changer les choses», a déclaré le député Joël Arseneau.
«Au pire, ça va tout simplement donner à la ministre une période supplémentaire pour continuer d'y réfléchir, et on va perdre du temps», a-t-il renchéri.
Équiterre a réagi jeudi en affirmant que la nouvelle entité ne réglera pas dans l'immédiat l'enjeu du service de transport collectif et du maintien des actifs.
«Si tu as des bus et des trains qui sentent le cuir neuf, c'est une bonne nouvelle. Mais si tu n'as pas les moyens de les faire rouler, ça ne déplace pas grand monde», a déclaré son directeur des relations gouvernementales, Marc-André Viau.
Plutôt que de créer une nouvelle agence, le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ) estime que la ministre devrait renforcer l'expertise au sein de son ministère.
«Avec ce projet de loi, tous les ingrédients sont plutôt réunis pour conduire cette réforme vers une grande noirceur. Qui serait responsable de rendre des comptes à la population pour les retards de mise en chantier de grands projets de transport collectif, pour les dépassements des coûts, pour l’absence de suivi sur l’octroi des dizaines de milliards de dollars en contrats publics?» se questionne le président général du syndicat, Christian Daigle.