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Le Mexique est le premier fournisseur mondial d’argent, un métal essentiel pour les véhicules électriques et l’énergie solaire.
Le gouvernement Trudeau adopte une approche mitigée à l’égard du Mexique qui trace sa propre voie vers la croissance économique, alors que le désir d’accroître le commerce et de meilleurs droits des travailleurs se heurte à la réforme minière et à la réglementation agricole qui irritent les entreprises canadiennes.
En prévision d’une visite cette semaine de hauts fonctionnaires mexicains, le ministre fédéral du Travail, Seamus O’Regan, était au Mexique ce mois-ci pour faire le point sur le mouvement grandissant de syndicalisation du pays, qui subit d’importantes réformes avec l’aide du Canada.
«Ce que fait le gouvernement mexicain est incroyable», a déclaré M. O’Regan dans une entrevue récente. «Je ne peux pas imaginer une société qui va de l’avant aussi vite.»
Les changements découlent du remplacement de l’ALENA par l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), qui a été signé sous l’administration Trump en 2018.
L’ACEUM demande au Mexique d’améliorer les droits des travailleurs, des syndicats et de la négociation collective, alors qu’il y a aussi de la pression pour maintenir les salaires bas aux États-Unis afin de concurrencer leur voisin du sud.
Ces dispositions ont été adoptées avec enthousiasme par l’administration du président populiste de centre-gauche du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, souvent appelé AMLO. Le pays a signé des milliers de nouveaux accords régis par une multitude de tribunaux du travail tout nouveaux.
Le gouvernement mexicain a dit qu’il avait révisé ou signé 20 000 contrats, et que 15 000 autres étaient en consultation. Selon le gouvernement mexicain, ces changements ont augmenté la rémunération de 20 % en moyenne.
«Ils ont déchiré à peu près toutes les conventions collectives au Mexique, parce qu’elles favorisaient les employeurs, dont certains étaient corrompus. Ils encouragent maintenant la création de nouveaux syndicats», a indiqué le ministre O’Regan.
Le Congrès du travail du Canada et des syndicats tels qu’Unifor et les Syndicat des Métallos ont aidé leurs homologues mexicains à négocier le libellé de ces accords et ont conseillé le Mexique sur ses nouveaux tribunaux du travail. Des organisations caritatives telles que Vision Mondiale ont également participé au suivi des efforts déployés par le pays pour éradiquer le travail forcé des chaînes d’approvisionnement mexicaines.
Le ministère de M. O’Regan a également envoyé deux émissaires dans le pays pour suivre les progrès des réformes. Il s'agit, selon lui, de la première fois que des attachés canadiens du travail sont affectés à l’étranger.
Le Mexique est le troisième partenaire commercial du Canada après les États-Unis et la Chine, représentant près de 50 milliards $ d’échanges bilatéraux l’année dernière. M. O’Regan a déclaré que les relations ne se limitent pas au commerce, mais qu’elles reposent également sur des valeurs communes concernant des normes de travail adéquates, que les libéraux ont mises au centre des négociations sur les accords commerciaux.
«Tous les niveaux de gouvernement sont soumis à un stress et à une pression incroyables ; les attentes sont élevées», a-t-il déclaré à propos du Mexique. «Il leur reste encore beaucoup de chemin à parcourir, mais ils font d’énormes progrès.»
Le Conseil canadien des affaires espère une collaboration similaire entre les grandes entreprises des deux pays. Avec son homologue mexicain, le Conseil a demandé aux gouvernements des deux pays d’élaborer une stratégie visant à renforcer la compétitivité des secteurs manufacturiers, d’accroître les investissements dans les secteurs prioritaires et de faire en sorte que les provinces collaborent davantage avec les États mexicains.
Ces questions seront probablement abordées cette semaine, lorsque des hauts fonctionnaires des deux pays se réuniront pour faire le point sur le commerce, les investissements et la main-d’œuvre qualifiée, dans le cadre de ce qui est officiellement appelé un dialogue économique de haut niveau.
Mais ces discussions pourraient se heurter à des obstacles, le gouvernement d’AMLO réformant le secteur minier.
Le Mexique est le premier fournisseur mondial d’argent, un métal essentiel pour les véhicules électriques et l’énergie solaire. Comme de nombreux pays d’Amérique latine, il tente d’améliorer les avantages pour les communautés en fournissant ces métaux à des entreprises basées dans des pays qui tentent de devenir moins dépendants de la Chine.
Fin mai, la ministre canadienne du Commerce, Mary Ng, a indiqué dans un communiqué de presse que le Canada était toujours préoccupé par la réforme minière, qui renforcerait les exigences des entreprises en matière de rémunération locale et de transparence, tout en visant à limiter la spéculation dans le secteur.
Le Canada est une plaque tournante mondiale pour les sociétés minières, dont beaucoup se concentrent sur l’exploration de minéraux et l’achat de droits sur une zone d’extraction, appelée concession, qui peut être détenue et éventuellement vendue à une autre société. La réforme réduit la durée maximale de ces concessions et permet d’annuler certaines d’entre elles si aucune activité minière n’est entreprise dans les deux ans.
Les entreprises canadiennes ont averti que les réformes pourraient violer l’ACEUM ainsi qu’un accord commercial sur le littoral du Pacifique dont les deux pays sont membres. Tamino Minerals s’est retirée du Mexique en avril en invoquant l’«instabilité politique», et d’autres ont menacé de faire de même, en particulier après que le Mexique a nationalisé les réserves de lithium l’année dernière.
Dans une déclaration, l’ambassade du Mexique au Canada a indiqué que les changements dans le secteur minier visaient à «réduire l’impact sur l’environnement, à assurer la conservation de l’eau pour la consommation humaine et à protéger les communautés locales et autochtones — des questions qui font partie des priorités communes du Mexique et du Canada».
L’ambassade a également salué les efforts «cruciaux» déployés par les grandes entreprises pour resserrer les liens entre les deux pays.
«Traditionnellement, le dialogue entre les entreprises s’est déroulé dans un contexte trilatéral. Toutefois, pour exploiter tout le potentiel de l’engagement des deux pays, nous avons besoin d’un dialogue direct qui prenne en compte les avantages d’un partenariat plus fort», a écrit l’ambassade dans la déclaration.
Selon l’ambassade, cela peut contribuer aux chaînes d’approvisionnement et à l’innovation, mais aussi à la durabilité et à la croissance économique pour les groupes sous-représentés, tels que les femmes et les autochtones.
Vendredi dernier, le Canada s’est associé à une contestation américaine, dans le cadre de l’ACEUM, des lois mexicaines qui interdisent l’utilisation de maïs génétiquement modifié dans les tortillas et les pâtes, une modification qui, selon le Conseil des grains du Canada, n’est pas fondée sur des données scientifiques.
Le Mexique a également demandé à Ottawa de résister à l’appel de Washington qui, au printemps dernier, a envisagé de rétablir l’obligation de visa pour les citoyens mexicains en visite, qui a pris fin en 2016. Le secrétaire américain à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, a laissé entendre aux médias que l’obligation de visa pourrait contribuer à endiguer l’immigration clandestine.