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Société
Chronique |

Le sourire de Ruba Ghazal et le culte de la femme-objet

Il ne vous viendrait jamais à l’idée de demander à un homme de sourire.

La co-porte-parole de Québec solidaire Ruba Ghazal.
La co-porte-parole de Québec solidaire Ruba Ghazal.

Tout le monde aime les filles heureuses. Après tout, ce n’est pas notre rôle de nous soucier du sort du monde. 

Appelé à décortiquer sa gestion de la crise provoquée par le départ de Gabriel Nadeau-Dubois lors d’un panel télé, un analyste politique bien connu a sommé Ruba Ghazal de «sourire plus».

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Ce qu’on a à redire sur le sourire de Ruba Ghazal va bien au-delà de la politique. Des études sur le marché du travail ont prouvé que les femmes sont souvent évaluées sur leur personnalité, tandis que chez les hommes, ce qu’on regarde, ce sont les accomplissements et le potentiel. On a beau faire notre travail, ce qu’on nous demande, c’est d’être cordiale et charmante.

Et les femmes, on adopte l’attitude qu’il faut sans nous en rendre compte et parfois contre notre gré. C’est que notre présence dans les sphères décisionnelles n’a rien de naturel. Même aujourd’hui, nous demeurons des imposteurs. Pour légitimer notre place dans les salles de réunions, on a tendance à surfaire avec une apparence soignée, une esthétique féminine et une attitude d’hôtesse de l’air.

Ça fait bien plaisir aux hommes. Ça les réconforte de voir ainsi les femmes adopter l’attitude d’une cheerleader. Si on a le culot de réclamer une place sur le marché du travail, on attend de nous qu’on conserve l’apparence de la femme traditionnelle. Surtout, ne pas effrayer les collègues.  

Quand vous demandez à Ruba Ghazal de sourire, monsieur, vous tentez de la maintenir — elle et nous — dans un rôle de femme-objet, bonne à être belle, à sourire et à se taire. Ce qu’il y a, c’est que cette critique en dit davantage sur vous que sur elle.

Une femme qui sourit est apolitisée et imperméable au sort du monde. Une femme qui ne sourit pas est une femme qui pense. Et une femme qui réfléchit est pour vous une menace.

Il ne vous viendrait jamais à l’idée de demander à un homme de sourire parce que vous considérez que les choses sérieuses les regardent.

Ce n’est pas innocent comme critique. Vous tentez de nous réduire à notre sexualité. Vous nous renvoyez au terrain de jeu du plaisir et de la frivolité. Vous tentez de renforcer des critères de féminité basés sur la passivité et la soumission, mais c’est votre insécurité qui en ressort.

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