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Vraiment, la DPJ a des problèmes d’images et ça ne date pas de la mort (évitable) de la fillette de Granby. Les gens ne font plus confiance à la DPJ depuis plus longtemps que ça.
25 000 $ pour avoir été «oubliée» par la DPJ pendant 10 ans. C’est ce que titrait La Presse mardi matin concernant l’histoire d’une jeune inuite, dont les droits fondamentaux ont été violés pendant une décennie.
Cette décision, prise en 2022 par la juge Peggy Warolin, n’a toujours pas été rendue publique, alors on n’a peu de détails sur ce qu’a vécu l’enfant. Ce qu’on sait par contre, c’est qu’elle a été «oubliée» dans une famille d’accueil pendant 10 ans.
10 ans à subir de la violence dans une famille NON ACRÉDITÉE, où les abus de toutes sortes étaient monnaie courante. 10 ans sans suivi social adéquat. Ça laisse des traces. Ça fait prendre une certaine tangente à l’existence d’un enfant qui n’avait rien demandé d’autre, au départ, que d’évoluer dans un milieu de vie adéquat.
Ma première réflexion après avoir lu le texte de Philippe Teisceira-Lessard a été de me dire «juste 25 000 $?». Ce n’est pas beaucoup quand on pense au réel coût d’une vie brisée.
C’est la première fois qu’un membre de la magistrature entérine ce genre de demande et les services sociaux contestent avec véhémence la décision de la juge Peggy Warolin.
C’est quand même ironique, après la tenue de la Commission Laurent, qu’on soit semaine après semaine confrontés à des situations aberrantes où des enfants sont laissés à eux-mêmes alors que la DPJ se devait de les protéger.
Et là, je ne parle pas des centaines de pages du rapport résultant de ladite commission, où on insiste sur cet aspect d’une évidence crasse: il faut replacer le bien-être de l’enfant en tête des priorités de la DPJ.
No shit Sherlock.
Le projet de Loi 15 qui va venir modifier la Loi sur la protection de la jeunesse va d’ailleurs (oh surprise) en ce sens. Le bien-être de l’enfant devra être la fondation du nouvel édifice de la DPJ.
OK, maintenant qu’on a dit ça, ça ne semble pas se passer comme ça dans la réalité. En tout cas, ça prend du temps, trop de temps, avant que les choses changent.
Je comprends que la DPJ a eu plusieurs problèmes et continue d’en avoir. Je suis sensible au manque de ressources et au fait que, trop souvent, des intervenants sans expérience se retrouvent face à des cas complexes et doivent répondre à des quotas qui rendent leur tâche ardue. Mais il y a d’autres problèmes très importants qui gangrènent la DPJ et dont elle devrait être imputable.
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Comment ça se fait que cette jeune fille du nord du Québec a vécu dans une famille non accréditée? Je ne veux pas parler de racisme systémique, mais c’est tentant. Ce n’est pas la seule fois où un enfant vulnérable a été confié à des tout-croches.
Pourtant, au nombre d’entrevues que j’ai faites avec la Fédération des familles d’accueil et ressources intermédiaires du Québec, je sais trop bien qu’il y en a plein, des gens qui voudraient faire leur part. On manque quand même cruellement de famille d’accueil. Pourquoi? Parce que les critères de la DPJ sont souvent inatteignables et complètement ridicules.
Quelques exemples: si la personne n’a pas de médecin de famille, son dossier risque d’être refusé. Si la famille ne peut pas offrir deux chambres séparées à des membres d’une même fratrie, son dossier sera presque assurément refusé.
J’aimerais vraiment qu’on m’explique, à la DPJ, pourquoi on fait suer de bonnes personnes alors qu’on n’a aucun problème à faire dormir des enfants sur des planchers (je parle du Centre jeunesse de La Maison de Rouyn-Noranda) ou à en placer chez des abuseurs alcooliques qui n’ont aucune qualité parentale sauf celle d’avoir le nombre de chambres requises.
Vraiment, la DPJ a des problèmes d’images et ça ne date pas de la mort (évitable) de la fillette de Granby. Les gens ne font plus confiance à la DPJ depuis plus longtemps que ça.
Je pense, entre autres, à des moments clés dans l’histoire de la DPJ: la sortie du documentaire Les voleurs d’enfance, de Paul Arcand, ou le reportage de l’émission Enquête qui mettaient en lumière le cas de parents faussement accusés de maltraitance et pris dans l’engrenage de la DPJ, en sont.
Du jour au lendemain, beaucoup de parents se sont mis à se méfier d’une organisation qui, je le rappelle, a été inventée pour protéger l’intégrité des enfants. C’est dommage, mais c’est comme si on avait oublié à ce moment-là tous les bons coups de la DPJ.
Je reviens au problème d’image. Prenons juste le cas de la petite fille de deux ans prétendument excisée. L’éducatrice qui s’occupait de la bambine a eu des soupçons et elle a alerté la direction de la garderie. L’établissement a fait une plainte et le premier réflexe de la DPJ a été de dire que c’était un sujet trop délicat pour finalement (à cause de la pression populaire?) se pencher sur le cas.
En passant, la petite n’a nullement été excisée. Mais c’est un bel exemple où la DPJ aurait pu aller au front et dire aux gens «on vous entend, on va regarder ça et si c’est le cas on va agir pour le bien de l’enfant.»
Au lieu de ça, ils se sont terrés dans un trou et les gens ont pu continuer de penser que la DPJ ne met pas les intérêts de l’enfant au centre de sa pratique. Pourtant, c’est sa mission première.
Je le répète. Il se fait de bonnes choses à la DPJ. Beaucoup d’intervenants sont extraordinaires et tiennent un système qui craque à bout de bras.
Ce n’est pas contre les intervenants que j’en ai. Ils font ce qu’ils peuvent avec ce qu’ils ont. C’est contre l’opacité du système qu’il faut se battre, contre le manque d’empathie de la machine et surtout, par l’absence d’imputabilité.
Je sais que le projet de Loi 15 veut venir résoudre une bonne partie des problèmes dont on vient de jaser. Quand j’entends Simon Jolin-Barette en parler, il a l’air fermement déterminé à mener à bien cette réforme du droit de la jeunesse.
Sauf qu’il va falloir plus que ça. Ce ne sera pas assez.
Il va vraiment falloir que la DPJ travaille sur son image si elle veut rebâtir la confiance.
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