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En vieillissant, j’ai compris que peu importe ce que j’allais dire ou faire, il y aurait toujours quelqu’un·e pour me pointer du doigt.
D’aussi loin que je me souvienne, et pour une raison que j’ignore, ma présence a souvent dérangé. J’étais pourtant une enfant et une adolescente plutôt discrète à l’école. Je n’avais que très peu d’amis et j’étais régulièrement prise à partie. Le fait d’être dans une classe, une école et une ville — Montréal — reconnue pour sa diversité culturelle et ethnique n’y a rien changé: même lorsque j’essayais de m’effacer, on me voyait trop.
En vieillissant, j’ai compris que peu importe ce que j’allais dire ou faire, il y aurait toujours quelqu’un·e pour me pointer du doigt. J’ai donc décidé d’assumer qui j’étais et ce que je voulais. Prendre la vie à bras-le-corps, envers et contre tous. Très souvent, cela a impliqué que je doive avancer seule, sans forcément avoir une épaule sur laquelle m’appuyer en cas de besoin.
Je viens tout juste de célébrer mon 31e anniversaire. Malgré ce jeune âge et le fait que je n’ai pas vécu de grands deuils jusqu’ici, j’ai toujours une pensée pour la mort, car elle oriente la manière dont je vis.
On dit que le courage n’est pas l’absence de la peur, mais d’avancer malgré elle. J’ai donc régulièrement choisi de sauter dans le vide même lorsque j’étais apeurée à l’idée de le faire ou qu’on essayait de m’en dissuader. J’ai une conscience plutôt forte du fait que la vie est fragile et que rien, absolument rien (par ex.: la santé) n’est acquis. Mon cœur a toujours été mon guide et sa voix résonne naturellement plus fort la cacophonie ambiante, car ce qui me terrifie le plus est de devenir une morte-vivante amère d’avoir raté le train de sa vie.
En cette période des Fêtes, je réfléchis à cette idée voulant que le Québec ait tourné le dos à la religion catholique après la Révolution tranquille. Je pense au fait que je ne suis pas pratiquante, que je ne m’associe à aucune religion précise et que je ne vais jamais à l’église (sauf pour des mariages haïtiens). Néanmoins, j’ai beaucoup appris de mes pair·es, peu importe ce en quoi ils croient (ou pas) et peu importe la manière dont ils expriment leur foi.
D’une certaine manière, moi aussi je crois qu’il y a quelque chose de plus grand et de plus fort que les huit milliards de solitudes que nous sommes, pour paraphraser la chanson Dans un Spoutnik de Daniel Bélanger. Je n’en ai pas la preuve formelle et je n’ai pas de représentation précise de ce «quelque chose». Mais j’y crois, profondément, sans pouvoir dire pourquoi, et même si certain·es pourraient trouver cela paradoxal considérant que je suis aujourd’hui une chercheuse universitaire.
À 31 ans, je me rends compte qu’on finit souvent par récolter ce que l’on sème, en bien ou en mal. Personne n’est parfait et nous faisons tous·tes des erreurs consciemment ou inconsciemment. Certes, je me méfie de cette binarité réductrice — qui est sans doute, en partie, une relique du catholicisme — qui opposerait les «gentils» et les «méchants».
Néanmoins, lorsqu’on se comporte régulièrement comme une pomme pourrie, on finit toujours par tomber de l’arbre par soi-même et à goûter à la médecine que l’on a infligée gratuitement à autrui, un jour ou l’autre. Cela peut prendre des décennies, voire plus, mais vient un jour où le karma nous revient en pleine face. Dans mon registre à moi, les «intouchables» n’existent pas, même s’ils peuvent sévir longtemps.
Mon entourage rit souvent de moi, car je n’ai aucun sens de l’orientation. Je me perds souvent dans les rues, les dédales et les méandres de mon Montréal natal, si je n’ai pas un GPS quelconque. Malgré tout, ma boussole, celle qui m’a toujours permis de ne jamais perdre le nord, est ma foi en ma bonne étoile. J’ai une confiance inébranlable en sa capacité à me rappeler à l’ordre pour que je puisse tirer une leçon nécessaire, même douloureuse, d’une situation quelconque, même cela peut me prendre du temps considérant ma nature entêtée. Mais j’ai aussi foi en sa capacité à me faire vivre de belles choses, à juste titre.
Je ne sais pas de quoi 2024 ni les années subséquentes seront faites. Cela peut sembler irrationnel, voire même ésotérique, mais ma bonne étoile a souvent été l’épaule sur laquelle je me suis appuyée au cours des 30 dernières années. Comme elle ne m’a jamais lâchée jusqu’ici, je persiste à croire en elle, envers et contre tout.
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