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Les génocides opèrent souvent selon le même modus operandi, peu importe les époques et les contextes.
«Un cas d’école de génocide.»
Ces mots sont ceux de Craig Mokhiber. Qui est-il, me direz-vous?
Mokhiber est un avocat spécialisé en droit international comptant plus de trois décennies d’expérience de travail dans le domaine. Il était, jusqu’à tout récemment, directeur du bureau de New York pour le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Au cours de sa carrière, il a travaillé dans l’enceinte de l’Organisation des Nations unies pendant plusieurs génocides dont celui commis contre les Tutsis au Rwanda ou encore contre les Rohingyas au Myanmar.
Dans une lettre officielle de quatre pages, signée et datée du 28 octobre dernier, Craig Mokhiber remet sa démission, évoquant l’impuissance de son employeur devant le «génocide qui se déploie sous nos yeux» à Gaza.
Mokhiber est quelqu’un qui sait de quoi il parle. Et sa lettre est rapidement devenue virale et a été abordée dans plusieurs médias internationaux.
De but en blanc, il évoque carrément un nouvel échec des Nations unies à pouvoir endiguer ce massacre qui est le prolongement de la persécution systématique des Palestinien·nes, un apartheid qui dure depuis plusieurs décennies.
S’il admet que ce fameux «mot en g» peut être parfois galvaudé, le cas de Gaza qui fait la manchette ces dernières semaines ne laisse planer aucun doute dans son esprit. L’État d’Israël entre dans la phase «finale» de sa «mission», en ciblant des civils, des écoles, des églises et des mosquées, des hôpitaux et des camps de réfugiés.
Sans équivoque, il pointe du doigt les plus grandes puissances comme les États-Unis, le Royaume-Uni et plusieurs pays d’Europe qui offrent un soutien financier, militaire, politique et diplomatique pour justifier l’injustifiable. Comme le déplore Mokhiber, c’est en dépit de leurs obligations en vertu des différentes Conventions de Genève que ces pays ont signé et ratifié. Au passage, il écorche aussi les médias d’information dont plusieurs ont participé à la déshumanisation des Palestinien·nes.
«Les Palestinien·nes, leurs allié·es, des défenseurs des droits humains de tout acabit, des organisations chrétiennes, musulmanes et juives pavent la voie en affirmant “pas en notre nom”. Nous n’avons qu’à les suivre», écrit-il. Malgré ce portrait sévère, il offre 10 grandes recommandations et sa pleine collaboration aux Nations unies pour tenter d’éviter le pire.
Entre autres, il en appelle à laisser tomber ce paradigme féérique d’une solution à deux États en insistant sur la relation de pouvoir asymétrique entre l’État d’Israël et les Palestinien·nes. Il exhorte les Nations unies à s’inspirer des efforts déployés lors de la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud au courant des années 70, 80 et 90.
Nombreux·ses voient clair dans ces tentatives malveillantes de mettre en « compétition » l’antisémitisme et l’islamophobie. Par ailleurs, ce climat social fait craindre le pire pour les personnes juives et musulmanes même ici. La recrudescence de crimes haineux envers les membres de ces communautés à Montréal en est la preuve. «Tous les êtres humains naissent égaux en dignité et en droits» comme le stipule le premier article de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui aura 75 ans cette année. Ce qu’il nous faut, c’est combattre la haine sous toutes ses formes et nous sommes plusieurs à l’avoir compris.
Les génocides opèrent souvent selon le même modus operandi, peu importe les époques et les contextes. Il y a eu la Nakba en 1948. Ce qui passe actuellement est une Nakba à la 2.0. D’ici les prochaines décennies, on peut aisément s’imaginer des excuses officielles au Parlement de nos futurs dirigeants ou encore des nouveaux musées de commémoration en hommage aux Palestinien·nes. Une autre et triste preuve de la profonde difficulté des êtres humains à prendre acte du passé pour mieux entrevoir l’avenir.
La semaine dernière, j’assistais à une conférence de l’éminente cosmologiste et astrophysicienne Chanda Prescod-Weinstein qui était en visite au Canada. Elle est l’une des rares femmes noires à avoir taillé sa place dans les STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), et ce, avec éclat. Elle qui a des origines barbadienne, russe, ukrainienne et juive a évoqué à plusieurs moments sa solidarité avec les Palestinien·nes, et ce, sous un tonnerre d’applaudissements. Avec émotion, elle a notamment parlé de ses collègues universitaires et de ses étudiant·es qui sont directement affectés par ce massacre et qui aimeraient, eux aussi, pouvoir étudier les astres et les étoiles.
Or, tout comme Craig Mokhiber, elle a évoqué l’espoir. Elle, qui est aujourd’hui âgée de 41 ans, a nommé qu’elle ne se serait jamais attendue à voir une mobilisation aussi grande pour les Palestinien·es lorsqu’elle était plus jeune. Une preuve que la mobilisation est un travail de longue haleine, le maillon d’une chaîne qui s’étend souvent sur plusieurs décennies et générations, et qu’elle finit par donner des résultats, souvent là où on s’y attend le moins.
Ainsi, les voix qui s’élèvent pour scander la vérité au pouvoir, à petite ou grande échelle, sont plus fortes que jamais. Comme l’expliquent Craig Mokhiber et Chanda Prescod-Weinstein, pour être du bon côté de l’Histoire, nous n’avons qu’à scander avec elles.