Début du contenu principal.
DOSSIER COMPLET | Jésus, fusils et Trump: Noovo Info dans la Bible Belt
Un rendez-vous est fixé à 11h tapantes. Après des dizaines de courriels échangés avec sa secrétaire et plusieurs refus pour une entrevue, le pasteur Bob Rodgers a finalement changé d’idée. Il accepte de me rencontrer moi, un journaliste de Noovo info qui a parcouru 1500 km depuis le Québec arpenter la fameuse «ceinture de la Bible».
L’expression Bible Belt est utilisée pour décrire une dizaine d’États du sud des États-Unis où vivent des dizaines de millions d’Américains très croyants. À peu près tous ces États votent en faveur du parti républicain d’élection en élection depuis quelques décennies.
En plein cœur du Kentucky, le pasteur Rodgers s’est bâti une réputation qui dépasse les frontières de l’État. Et il aime l’idée de pouvoir se faire connaître également au Québec, où Noovo Info diffuse ses bulletins télévisés de nouvelles et à partir d'où la station publie ses informations numériques.
«Au Canada et aux États-Unis, l’Église s’est endormie et on en paye les conséquences sociales aujourd’hui», lance le pasteur qui a écrit un livre intitulé Ne votez pas contre Dieu.
Dans son ouvrage, le pasteur Rodgers accuse les Démocrates d'être «démoniaques». Il m'explique son fil de pensée. «Les Démocrates sont pour une économie socialisée. Ce sont des socialistes. Et dans tous les états socialistes, nous avons vu la religion se faire écarter. Qu'on pense à la Russie, à la Chine, par exemple». Pour lui, l’élection présidentielle est «un combat entre le bien et le mal».
Ces discours peuvent paraître extrémistes pour certains ou même anecdotiques. Mais dans la Bible Belt, ils sont banalisés, et répétés à répétition sur les différents médias évangéliques.
Le pasteur Rodgers s’est cependant retrouvé dans l’eau chaude par le passé après avoir souhaité une grande malédiction à ceux qui ne votent pas pour Trump. «Je les condamne à la pire année de leur vie!» avait-il lancé devant ses fidèles. Aujourd’hui, il tente de réduire la gravité de ces propos, affirmant que ce n’était qu’une image et qu’il «ne souhaite de mal à personne».
L’impact que peuvent avoir les différentes interprétations bibliques et les leaders religieux n'est pas négligeable aux États-Unis. En fait, le choix présidentiel de 33% des citoyens du pays est influencé par leurs croyances religieuses, estime la société Barna, qui étudie le pouls des Américains sur différents enjeux.
Dans cet esprit, plusieurs pasteurs évangélistes sont sautés à pied joint dans la campagne pour tenter d'influencer leurs fidèles à voter pour Donald Trump. Pour eux, il n'y a pas de doute: c'est lui qui protège le mieux les valeurs chrétiennes et peut permettre à leurs églises respectives de prospérer.
Selon les sondages, une majorité écrasante d’évangélistes – 81% – voteront pour Donald Trump, indique le PEW Research Center. Toutefois, chez les Chrétiens afro-américains, les résultats sont inversés: ils soutiennent les Démocrates à 77%.
Quant aux Catholiques, ils appuient à 40% les Démocrates. Dans le cas des Américains hispanophones, ce chiffre monte même à 47%.
Entre Louisville, Kentucky, et Cincinnati, Ohio, un influent Évangéliste a eu l’idée de créer une arche de Noé grandeur nature. L’endroit est bien plus qu’une attraction amusante, Ken Ham a voulu en faire le symbole de cette Amérique qui croit que le monde et l’humain ont vu le jour grâce à Dieu, qui les a créé en dix jours. C’est cette version de l’histoire qui devrait être enseigné dans les écoles, croit-il, et non pas la théorie de l’évolution darwinienne.
«Nous croyons ici que l’arche de Noé n’est pas un mythe et qu’il a bel et bien existé que l’ensemble de l’histoire biblique», affirme une guide de l’attraction qui attire jusqu’à 10 000 personnes par jour. Cette arche de Noé aux dimensions gigantesques compte également une salle de spectacles adjacentes, un zoo, un parc d’attractions et un cinéma qui permet de vivre «le déluge comme si on y était».
Sur place, je fais la rencontre de Karina Altman, la biologiste en chef de l’arche de Noé grandeur nature. Celle qui a une maîtrise en biologie et termine son doctorat en éducation croit que la science tend à prouver les enseignements de la Bible.
«Le plus j’en apprends sur la nature, le plus je fais des recherches, le plus ça me confirme les écritures divines», affirme-t-elle. Mme Altman défend la décision de son employeur de ne pas engager des employés LGBTQ+ ou qui sont pro-choix: «Tout ce qui est dans la Bible est vrai. On aime tout le monde, mais il faut dénoncer les péchés.»
Sur place, tous les visiteurs rencontrés par Noovo info disent soutenir Trump. Tous dénoncent vivement Kamala Harris. Pour eux, elle incarne la déchéance des États-Unis et une vision laïque de l’État, ce qui serait un recul pour leur pays.
Le soleil se couche tranquillement sur Louisville, la plus grande ville de l’État du Kentucky, reconnue pour son fameux «derby», une course autant hippique qu’épique. C'est ici que deux hommes ont décidé de lancer le premier balado francophone en sol américain. James Natsis et Patrick Litanga sont des ambassadeurs hors pair pour la région.
«L’ironie, c’est que nous sommes au cœur d’un État rouge, mais Louisville est une des villes les plus reconnues pour la communauté LGBTQ+. Il y a deux Amériques même au sein du Kentucky!» confie James Natsis, tout en faisant visiter leur ville aux attraits étonnants.
Ils sont bien placés pour comprendre la relation complexe entre religion et politique ici. «Il peut y avoir des gens qui ne vont pas beaucoup à l’Église ici, mais ça a quand même une influence sur les choix des gens ici. Mais ces gens voient les non-religieux faire entendre de plus en plus leur voix et ça fait aux croyants ici», confie Patrick Litanga, qui politologue et professeur à l’Université de Louisville.
Si ces rencontres et les sondages tendent à confirmer une proximité entre l’électorat évangélique et Trump, certains ne sont pas de cet avis. Un nouvel ouvrage semble aller à contre-courant. Intitulé Bergers à vendre: comment les leaders évangéliques ont échangé la vérité contre un agenda gauchiste, Megan Basham y dénonce les évangélistes qui défendre la liberté de choix des femmes et les droits LGBTQ.