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Le père a reçu un premier appel de la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) en début d’année. «Ils m’ont dit carrément: ''on a eu confirmation qu’il y a eu attouchements et lésions sur plusieurs enfants à la garderie''», raconte le père, auquel Noovo Info a accordé l’anonymat pour ne pas identifier son enfant mineure.
Voyez le reportage de Raquel Fletcher dans la vidéo.
La garderie en milieu familial est désormais fermée. Le Directeur des poursuites criminelles et pénales a confirmé qu’un dossier d’enquête est sous étude, mais aucune accusation n’a été portée jusqu’à présent. Jointe au téléphone par Noovo Info, la gestionnaire du service de garde a nié les allégations.
L’appel de la DPJ a eu l’effet d’une bombe pour le père de famille. Est-ce que sa fille, âgée de trois ans au moment de l’abus allégué, fait partie des victimes? L’homme se dit réticent à faire subir un examen gynécologique à sa fille, comme le lui aurait recommandé la DPJ, parce qu’il craint de lui infliger un traumatisme.
«J’attends toujours la confirmation de si c’est obligatoire ou pas», affirme-t-il. «Surtout qu’ils m’ont dit que ça fait mal aux enfants, alors je ne sais pas où aller. Je suis un peu mêlé.»
Le père affirme ne pas avoir reçu de soutien de la part de la DPJ, ni d’offre d’aide psychologique pour sa fille et leur famille. On lui aurait simplement demandé de contacter l’intervenante si sa fille verbalisait de l’information au sujet de l’abus allégué.
Depuis, il se bat pour avoir plus d’information et de ressources pour sa fille. Il craint qu’elle se mette éventuellement à vivre des flashbacks, et souhaiterait être outillé pour gérer cette éventualité, comme parent. Le père se dit dans le néant, en attendant de savoir si des accusations criminelles seront portées, ce qui peut prendre des mois, voire des années.
Ce que ce père décrit est une réalité que vivent d’autres parents de victimes potentielles, selon Marc Alain, chercheur de l’Université du Québec à Trois-Rivières.
«Le système est assez opaque», affirme le chercheur, auteur principal d’un rapport de recherche commandé par le ministère de la Santé et des Services sociaux, rédigé en 2022.
Lors du déclenchement d’une enquête concernant des allégations d’abus physique ou sexuel sur un mineur, la loi, depuis 2001, exige la pleine collaboration de la DPJ, de la police et du procureur. Si les enjeux de confidentialité compliquent évidemment la communication, il n’est pas rare de voir «un très grave manque de collaboration» entre les différents acteurs du système, déplore M. Alain.
«Je ne jette pas le blâme à personne sur la capacité de faire leur travail, précise-t-il. Je comprends les contraintes qu’ils vivent. Ceci étant, s'ils collaboraient un peu plus, un peu plus efficacement, je suis pas mal certain que les situations se résoudraient un peu plus vite.»
Le chercheur critique par ailleurs le manque d’accompagnement offert aux victimes ou aux victimes potentielles et à leurs parents. Une responsabilité que rejette la Directrice de la protection de la jeunesse en Chaudière-Appalaches, Caroline Brown.
«C’est sûr qu’il faut continuer de les accompagner, mais ce n’est pas le propre du Directeur de la protection de la jeunesse de faire ce suivi», estime-t-elle. Avant de fermer un dossier, les intervenants s’assurent néanmoins que l’enfant «a les services autour de lui pour répondre à ses besoins», soutient-elle.
Cependant, par respect de confidentialité, Mme Brown n’a pas été en mesure de commenter les spécificités du cas du père de la Rive-Sud qui se dit laissé dans l’incertitude.
«La DPJ sait tout, mais les parents, on ne sait rien, déplore ce dernier. C’est fâchant et dégueulasse.»