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L'opposition estime manquer de temps pour étudier sérieusement une réforme d'une telle ampleur, qui de surcroît aborde de nombreux enjeux sociaux délicats, qui méritent réflexion et doigté.
Le seul moyen d'espérer encore adopter le projet de loi 2 sur la réforme du droit de la famille, avant l'ajournement des travaux parlementaires, le 10 juin, serait de le scinder, clament en choeur les partis d'opposition.
À minuit moins une, les porte-parole du Parti libéral du Québec (PLQ), Jennifer Maccarone, du Parti québécois (PQ), Véronique Hivon, et de Québec solidaire (QS), Alexandre Leduc, ont joint leur voix, mercredi, pour réclamer au ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, qu'il accepte de scinder son imposant projet de loi, qui compte quelque 360 articles, plus les annexes, pour en adopter au moins une partie, plutôt que de le voir mourir au feuilleton au grand complet.
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En conférence de presse, les trois partis ont donc demandé au ministre de séparer des autres enjeux les articles de la législation touchant les questions d'identité sexuelle, dont l'étude détaillée est déjà très avancée. Ainsi, les personnes transgenres et non binaires auraient l'assurance d'acquérir à court terme un meilleur encadrement légal, réclamé depuis des années.
Par exemple, sur les documents officiels de l'État, plus personne ne serait obligé de s'identifier comme un homme ou une femme. On pourrait cocher la case «X». Une personne non binaire qui donne naissance à un enfant pourrait s'identifier comme «parent» du bébé, au lieu de «père» ou «mère».
Les autres enjeux (dont l'encadrement de la procréation pour autrui, les règles de filiation, la déchéance parentale, le droit des enfants nés de la procréation assistée de connaître leurs origines) feraient l'objet d'un autre projet de loi, à étudier d'ici la fin des travaux si le temps le permet.
Si on exclut la portion du projet de loi 2 consacrée à l'identité sexuelle, il resterait encore au moins 140 articles à étudier, mais à peine quelques jours de travaux parlementaires disponibles.
«On ne peut pas légiférer comme ça, avec des enjeux aussi importants, puis en ayant le sentiment que, si tout n'est pas adopté, on va tout perdre, alors qu'on travaille bien», a commenté Véronique Hivon.
C'est «impossible» de faire un travail aussi important en si peu de temps, a conclu de son côté Jennifer Maccarone, en donnant l'exemple des enjeux éthiques reliés aux mères porteuses. «Il faut éviter la marchandisation du corps de la femme. C'est très important pour protéger les femmes concernées», a-t-elle fait valoir, en ajoutant qu'il fallait définir des balises strictes pour elles en ce domaine, et aussi pour les parents d'intention.
Elle soutient que depuis le début, l'opposition apporte toute sa collaboration au gouvernement, mais que cela ne semble pas suffisant. Elle déplore que le ministre «veut procéder à la vitesse grand V» sur des questions aussi délicates.
Lors d'une brève mêlée de presse dans un corridor du parlement, le ministre Jolin-Barrette n'a pas complètement fermé la porte à la proposition de l'opposition, mais il s'est dit convaincu que si l'opposition collabore bien dans les prochains jours, le projet de loi 2 peut encore être adopté dans son intégralité, malgré l'échéancier serré.
«En travaillant ensemble, on est capable», a-t-il dit, rappelant l'importance de cette mise à jour du droit de la famille attendue depuis des décennies.
Mais selon l'opposition, c'est une mission quasi impossible. «Le constat que l'on fait c'est que ça va être difficile, voire impossible» d'ici le 10 juin, a commenté le député solidaire Alexandre Leduc.
«On ne veut pas avoir le mauvais rôle, on veut faire notre travail comme du monde. Il y a des enjeux sérieux, avec des questions sérieuses, qu'on a le droit de poser, puis on veut se donner la liberté de pouvoir les poser», a-t-il ajouté.
L'opposition libérale avait déjà proposé au ministre de scinder son ambitieux projet de loi, mais en vain.
Le ministre Jolin-Barrette a déposé son projet de loi le 21 octobre, mais son étude détaillée n'a débuté que la semaine dernière.
Québec n'avait pas le choix de déposer durant la présente session un projet de loi sur la question spécifique du genre, devant se conformer au jugement de la Cour supérieure, prononcé par le juge Gregory Moore le 28 janvier 2021, une décision qui rendait caducs plusieurs articles du Code civil jugés discriminatoires envers les personnes non binaires.
S'il ne réussit pas à faire adopter son projet de loi 2 d'ici la fin de la présente session parlementaire, le ministre Jolin-Barrette devra demander une deuxième prolongation pour se conformer au jugement Moore.
Très attendue depuis des années, la loi 2, qui modifiera le Code civil, vient moderniser le droit de la famille, qui n'a pas subi de modifications depuis une quarantaine d'années, alors que la société québécoise a bien changé depuis.