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Politique

Rester ministre durant la course: avis divergents chez les libéraux

L'exécutif du PLC devra trancher la question.

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Michel Saba et 
Émilie Bergeron / La Presse canadienne

Des élus libéraux ont des avis divergents quant à savoir si leurs collègues actuellement ministres devraient se retirer de leurs fonctions advenant qu'ils se portent candidats pour succéder à Justin Trudeau comme chef du Parti libéral du Canada (PLC).

«Ce n’est pas à moi de décider cela, mais c’est mon opinion que, si quelqu’un concentre son temps à devenir chef du parti, ce qui est très important, il ne devrait pas rester membre du cabinet», a déclaré mercredi le ministre de l'Immigration, Marc Miller, à son arrivée à la première réunion du caucus national qui suivait la démission de M. Trudeau.

 

Son point de vue est partagé par le député terre-neuvien Ken McDonald, le premier député libéral qui avait remis en question ouvertement le leadership du premier ministre.

L'Ontarien James Maloney, qui annonce d'ores et déjà qu'il se rangerait derrière une candidature de l'ancienne ministre des Finances Chrystia Freeland, a renchéri en affirmant que de se retirer de ses fonctions de ministre le temps d'une course à la direction est «la coutume» qui doit, à son avis, être respectée.

Tous ne sont pas du même avis. Le lieutenant politique de Justin Trudeau pour le Québec, Jean-Yves Duclos, juge pour sa part que «ce n'est pas nécessairement une obligation (...) surtout si ce sont des candidats qui occupent présentement des postes importants au cabinet qui vont devoir jouer un rôle important dans le contexte de l’arrivée de M. Trump au pouvoir».

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Et puis il y a les indécis. Le député manitobain Ben Carr estime que cela devrait dépendre du nombre de ministres qui pourraient décider de présenter leur candidature.

«Si nous parlons de quelques ministres, je pense que c'est gérable en termes d'impact que cela pourrait avoir sur le fonctionnement du gouvernement, a-t-il dit. Si nous parlons de dix, alors nous devons évidemment avoir une conversation différente.»

L'exécutif du PLC devra trancher la question. Il se réunit à huis clos cette semaine pour organiser et établir les règles de la course provoquée par la démission de M. Trudeau lundi. Et les libéraux savent que le temps presse: la prorogation du Parlement prend fin le 24 mars, et le gouvernement minoritaire libéral pourrait tomber dans les jours qui suivront.

Hésitation de ministres pressentis

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, est l'une des candidates pressenties à la direction du parti. Questionnée mercredi à savoir si elle se retirerait le temps de la course, Mme Joly a indiqué que cela fait partie de sa réflexion. Elle a cependant refusé de s'avancer, si bien qu'à la troisième relance, elle a signalé clairement qu'elle continuerait son mutisme. «Je n'ai pas répondu à cette question-là», a-t-elle envoyé.

Le ministre de l'Emploi, Steven MacKinnon, qui évalue également l'idée de se porter candidat, n'était pas beaucoup plus loquace. «Je serais évidemment prêt à le faire si telle était la décision qui était prise», a-t-il dit.

En sortant de la rencontre, le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson, qui avait annoncé plus tôt qu'il songe à être de la course, a dit être ambivalent sur la question. Selon lui, l'exécutif devra peser «attentivement» le pour et le contre.

D'une part, a-t-il expliqué, il y a un risque que se retirent les nombreux ministres qui siègent au comité sur les relations canado-américaines alors qu'«il est très important pour nous d'assurer la continuité à ce niveau».

«D'autre part, vous ne voulez certainement pas que les ministres utilisent les ressources ministérielles pour faire avancer leurs propres campagnes électorales, et ce serait inapproprié», a-t-il poursuivi.

Le ministre de l'Industrie, François-Philippe Champagne, a lui aussi clairement fait savoir dans les dernières heures qu'il envisage une candidature, mais n'a pas été questionné sur le sujet. Sa collègue Karina Gould (leader du gouvernement à la Chambre), qui siège également à la table du cabinet, est aussi en réflexion, a signalé son entourage à La Presse Canadienne.

Outre Mme Freeland, qui a claqué la porte du conseil des ministres en décembre, les autres noms qui circulent pour une candidature sont ceux de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada Mark Carney et de l’ancienne première ministre de la Colombie-Britannique Christy Clark.

Course expéditive, craintes quant à l'ingérence

En attendant que la course soit officialisée, certains députés se sont avancés sur la durée qu'elle devrait, selon eux, avoir.

«J'aimerais avoir un chef d'ici au 2 mars», a notamment dit l'élu ontarien Rob Oliphant en insistant sur sa volonté que le processus soit «expéditif».

Celui qui est secrétaire parlementaire de la ministre Joly, en réflexion sur la possibilité qu'elle tente de succéder à M. Trudeau, estime que le parti a de bonnes bases pour arriver à mobiliser ses membres rapidement.

«Je pense que les gens savent qui sont les candidats. Nous avons, de façon stable, de quatre à cinq candidats (assurément) et je pense que chacun d'eux peut bien faire», a-t-il dit en soulignant, par après, qu'aucun aspirant-chef potentiel n'est officiellement sur ligne de départ.

M. Maloney a pour sa part acquiescé à l'idée que la ligne d'arrivée soit atteinte entre «la fin février et le début mars», quand une journaliste lui a soumis ce scénario. 

Ultimement, la décision viendra des hautes instances du parti, ce qui a incité des députés à faire preuve de prudence en exprimant leur préférence.

«C'est absolument nécessaire d’avoir un processus très court. Raisonnable, mais court», a dit le député néo-écossais Kody Blois.

L'élu ontarien Ben Carr s'est aussi gardé une réserve, mentionnant «probablement une date dans la première semaine de mars, deuxième semaine de mars».

Quoi qu'il en soit, la question sur bien des lèvres est le risque de tentative d'ingérence étrangère dans le contexte où la commission Hogue doit remettre son rapport final d'ici la fin du mois.

«Nous devons nous assurer que nous avons un processus juste, équitable et libre d'ingérence. Ce sera critique», a ajouté M. Carr.

La juge Marie-Josée Hogue a déjà identifié, au cours de ses travaux, les courses à l'investiture et au leadership des différentes formations politiques comme des possibles portes d'entrée à l'ingérence étrangère.

Au Parti libéral, il est possible de devenir membre et de participer à l'élection du chef sans être citoyen canadien, ce qui nourrit des craintes relatives à l'ingérence étrangère.

Le règlement de la formation politique précise qu'il faut pouvoir voter lors d'une élection fédérale ou simplement résider habituellement au Canada, ce qui englobe les résidents permanents.

Outre cela, les conditions d'admissibilité prévoient que la personne doit être âgée d'au moins 14 ans, appuyer les objectifs du parti, ne pas être membre ou avoir l'intention de briguer un siège pour un autre parti fédéral.

Des députés, comme l'Ontarienne Judy Sgro, n'hésitent pas à dire que les règles à ce chapitre devraient être resserrées.

L'ex-ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino, qui a témoigné devant la commission Hogue, a aussi soutenu qu'il est «très préoccupé que nous demeurions vigilants sur la protection de l'intégrité de nos processus internes».

«J'y réfléchis et je sais que le parti aussi», a-t-il dit, assurant que la formation politique ne se «repose pas» sur ses «lauriers».

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Michel Saba et 
Émilie Bergeron / La Presse canadienne