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«Facebook a décidé d'être déraisonnable, irresponsable et de commencer à bloquer les nouvelles», a expliqué mercredi le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez
Le Canada riposte à Meta. Un vaste éventail d'entreprises médiatiques et d'ordres de gouvernement ont tour à tour fait savoir mercredi qu'ils cesseront d'acheter des publicités sur Facebook et Instagram pour protester contre la décision du géant de la technologie de cesser de publier des nouvelles canadiennes sur ses plateformes.
Cogeco et Québecor ont lancé le bal des annonces, suivis des gouvernements fédéral, québécois ainsi que les Villes de Montréal et Québec.
«Facebook a décidé d'être déraisonnable, irresponsable et de commencer à bloquer les nouvelles», a expliqué mercredi le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, lors d'une conférence de presse à Ottawa aux côtés de représentants du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique.
On a décidé de prendre les mesures nécessaires pour suspendre toutes les publicités du gouvernement du Canada sur Facebook.
— Pablo Rodriguez (@pablorodriguez) July 5, 2023
On ne peut pas continuer de verser des fonds publicitaires à Meta alors qu'ils refusent de payer leur juste part pour le travail des médias canadiens.
Le premier ministre Justin Trudeau en a rajouté une couche au cours d'un passage à Saint-Hyacinthe, en Montérégie. Il est clair à ses yeux que le reste du monde observe et encourage le Canada dans cette lutte pour défendre sa «démocratie».
Meta a annoncé son blocage au Canada en réaction au projet de loi C-18 visant à forcer les entreprises du numérique à indemniser les médias pour le partage de leur contenu. Plusieurs autres juridictions songent à adopter des législations semblables.
«J'ai déjà entendu bien des collègues et alliés à travers le monde qui disent: "tenez fort le Canada, parce que c'est une lutte qui est importante dans toutes nos démocraties"», a affirmé M. Trudeau.
Il a insisté pour dire que la population canadienne a à cœur de «tenir tête (aux) bullies». «Je sais que les Canadiens ne vont pas se laisser intimider par des milliardaires américains qui veulent nuire à notre démocratie», a-t-il lancé.
Google échappe à la suspension puisqu'il s'est «montré ouvert à la recherche d'une solution», a déclaré M. Rodriguez, ajoutant être «profondément convaincu» que les préoccupations de l'entreprise seront résolues par la réglementation. La société a pourtant annoncé qu'elle bloquera aussi les articles et reportages d'information canadiens de sa plateforme.
Ottawa dépense 11,4 millions $ par année sur Facebook et Instagram, soit plus de la moitié son budget pour les publicités sur les réseaux sociaux. M. Rodriguez s'est engagé à ce que cette somme soit réinvestie, promettant de donner prochainement plus de détails à ce sujet.
«On est prêts à discuter, a-t-il assuré. Mais vous avez quand même un projet de loi qui a été adopté par les deux tiers des députés élus par le peuple du Canada (et) par les deux tiers des sénateurs, qui a été débattu pendant plus d'un an, qui a un appui énorme à travers le pays.»
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Le ministre a invité Meta à reprendre ses discussions avec le gouvernement. Il a affirmé avoir récemment rencontré des représentants de Google et qu'il s'attendait à s'entretenir à nouveau avec eux bientôt.
Le gouvernement du Québec a décidé d'emboîter le pas à Ottawa, une volte-face qui survient quelques heures après que le premier ministre François Legault eut indiqué qu'«on n'est pas rendus à l'étape de boycotter».
«En solidarité avec les médias, la décision a été prise de cesser toute publicité du gouvernement sur Facebook, le temps que Meta reprenne les discussions sur l'application de la loi C-18. Aucune entreprise n'est au-dessus des lois», a écrit M. Legault sur Twitter.
En solidarité avec les médias, la décision a été prise de cesser toute publicité du gouvernement sur Facebook, le temps que Meta reprenne les discussions sur l’application de la loi C-18. Aucune entreprise n’est au-dessus des lois.
— François Legault (@francoislegault) July 5, 2023
Son ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, a renchéri que «tout le monde doit s'ajuster et y mettre du sien», y compris les géants du web qui «n'y font pas exception».
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a signalé que la métropole allait aussi de l'avant avec la même mesure à l'échelle municipale «en solidarité avec les médias». «Le refus de Meta de partager l'information journalistique est très préoccupant. L'accès à des informations vérifiées et de qualité est essentiel', a-t-elle écrit.
Nous avons décidé de suspendre toute publicité de la Ville de Montréal sur Facebook en solidarité avec les médias.
— Valérie Plante (@Val_Plante) July 5, 2023
Le refus de Meta de partager l’information journalistique est très préoccupant. L’accès à des informations vérifiées et de qualité est essentiel.#polmtl #polcan
Son vis-à-vis de Québec, Bruno Marchand, a annoncé la même initiative. «L'importance de nos médias n'est plus à démontrer pour une information de qualité. Nous devons les soutenir», a affirmé le maire.
J’ai demandé à la @villequebec de suspendre toutes nouvelles publicités sur les plateformes de Meta. L’importance de nos médias n’est plus à démontrer pour une information de qualité. Nous devons les soutenir.
— Bruno Marchand (@brunomarchand) July 5, 2023
En annonçant qu'ils suspendaient sur le champ toute publicité sur Facebook et Instagram, Québecor et Cogego ont encouragé les autres entreprises et organisations à faire de même.
e député bloquiste Martin Champoux a fait écho à cette demande, appelant les entreprises et les petits annonceurs à être «solidaires» et à retirer leurs billes. Il suggère aussi à Ottawa de créer des incitatifs pour que les annonceurs délaissent les plateformes de Meta. «Il faut que d'autres emboîtent le pas pour envoyer un message clair», a dit l'élu.
Le néo-démocrate Peter Julian a renchéri que les libéraux, le Bloc québécois et le NPD font «front commun» pour dire à Google et Meta qu'il faut «respecter les lois canadiennes et respecter la démocratie canadienne».
La Presse a, elle aussi, décidé de ne plus investir sur la plateforme Meta. Les interventions publicitaires sur les réseaux sociaux «étaient mineures depuis plusieurs mois», précise sa porte-parole Florence Turpault-Desroches.
À Radio-Canada, on dit suivre la situation de près. Le diffuseur public considère «les options possibles», affirme un porte-parole. Sa directrice de l'information, Luce Julien, a accusé Meta et Google, dans un éditorial, de «s'attaquer à la pluralité des voix» en ne diffusant plus le contenu des médias canadiens.
Les sommes dépensées sur Google et Meta sont également «mineures» au journal Le Devoir. On réfléchit «sérieusement» à éviter entièrement ces plateformes, mais on attend «de voir l'allure des négociations au sujet du projet de loi C-18», répond la porte-parole Juliette Gaudreault-Tremblay.
Dans une déclaration écrite, un porte-parole de Meta a soutenu que l'entreprise «ne collecte pas de manière proactive des liens vers des contenus d'actualité pour les afficher sur nos plateformes».
«Au contraire, les éditeurs choisissent activement de publier sur Facebook et Instagram parce qu'il est avantageux pour eux de le faire. Malheureusement, le processus réglementaire n'est pas en mesure d'apporter des modifications aux caractéristiques fondamentales du projet de loi qui ont toujours posé problème», a-t-on poursuivi.
Si le gouvernement fédéral suspend ses activités publicitaires sur les plateformes de Meta, la décision n'a pas d'impact sur le Parti libéral du Canada (PLC). Interrogé à savoir si la formation politique allait aussi prendre part au boycottage, M. Trudeau a répondu qu'il n'y avait pas encore eu de discussions à cet effet. Celui qui dirige le PLC a insisté sur l'importance de d'abord retirer l'utilisation de l'«argent des contribuables«.
Le Bloc québécois, lui, a cessé d'annoncer sur Facebook et Instagram depuis une semaine. Quant au NPD, il attend de voir la réaction de Meta et envisage de se concerter avec les autres partis politiques avant de prendre sa décision, a indiqué son chef adjoint, Alexandre Boulerice. Le Parti conservateur s'oppose vigoureusement au projet de loi C-18, adopté il y a deux semaines.
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Dans la foulée de l'adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne, le géant des réseaux sociaux Meta avait aussi annoncé mettre fin au contrat d'un programme de bourses qui soutient l'embauche d'un nombre limité de journalistes émergents au service de fil de presse de La Presse Canadienne. Google avait pour sa part annoncé qu'il mettrait fin aux accords existants avec les éditeurs locaux.
Sans appeler à un boycottage des géants du web, l'Association des agences de communication créative (A2C), qui représente une centaine d'agences québécoises, invite les annonceurs à augmenter la part de leurs investissements publicitaires dans les médias locaux. Elle invite les annonceurs à déployer au minimum 25 % de leur budget publicitaire dans les médias canadiens.
Les réseaux sociaux sont devenus un canal incontournable pour la transmission des nouvelles, souligne A2C. Elle cite une étude de l'Académie de la transformation numérique de l'Université Laval qui indique que 42 % des adultes québécois identifient les réseaux sociaux comme étant la source d'information la plus utilisée pour se tenir au courant des nouvelles et des actualités.
Le blocage des nouvelles de Meta «brimera l'accès au contenu journalistique de qualité», déplore sa présidente-directrice générale, Dominique Villeneuve, dans une lettre publiée sur son site.
La loi sur les nouvelles en ligne a été adoptée il y a deux semaines, mais elle entrera en vigueur dans six mois. Elle obligera alors Google et Meta à indemniser les médias d'information pour les nouvelles qu'ils partagent ou réutilisent d'une autre manière sur leurs plateformes. Ces géants du web devraient négocier avec les entreprises de presse un juste prix pour ce contenu partagé.
Les médias sociaux sont devenus un canal incontournable pour la transmission des nouvelles, souligne A2C. Elle cite une étude de l'Académie de la transformation numérique de l'Université Laval qui indique que 42 % des adultes québécois identifient les réseaux sociaux comme étant la source d'information la plus utilisée pour se tenir au courant des nouvelles et des actualités.
Le blocage des nouvelles de Meta «brimera l'accès au contenu journalistique de qualité», déplore sa présidente-directrice générale, Dominique Villeneuve, dans une lettre publiée sur son site. «Nous ne pouvons rester silencieux et inactifs face à la situation actuelle.»
La loi sur les nouvelles en ligne a été adoptée il y a deux semaines, mais elle entrera en vigueur dans six mois. Elle obligera alors Google et Meta à payer les médias d'information pour les nouvelles qu'ils partagent ou réutilisent d'une autre manière sur leurs plateformes. Ces géants du web devraient négocier avec les entreprises de presse un juste prix pour ce contenu partagé.
Avec des informations de Thomas Laberge, Stéphane Rolland et Vicky Fragasso-Marquis