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«Les forêts ont été ignorées dans le débat sur les changements climatiques»
Le Canada ne paie pas assez d'attention au rôle que pourraient jouer des forêts en santé contre les changements climatiques, déplore l'une des scientifiques les mieux connues du pays.
«Il faut parler des forêts, lance Suzanne Simard, une chercheuse de l'Université de la Colombie-Britannique dont les études sur la forêt primaire ont transformé la discipline et inspiré des romanciers et réalisateurs.
«Les forêts ont été ignorées dans le débat sur les changements climatiques», insiste-t-elle.
Auteure de À la recherche de l'arbre-mère : Découvrir la sagesse de la forêt, qui sera publiée en France en avril, Mme Simard rappelle que les forêts primaires canadiennes constituent l'une des plus grandes réserves de carbone séquestré. La façon dont on les exploite libère ce gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
«Notre plus grand entrepôt de carbone est la forêt primaire. Nous devons protéger nos forêts primaires. Nous continuons de faire de coupes à blanc comme il y a 30 ans», regrette la chercheuse.
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En Colombie-Britannique, l'industrie forestière et les feux de forêt libèrent jusqu'à quatre fois plus de carbone que le secteur des carburants fossiles.
Le gouvernement fédéral doit dévoiler au début de la semaine prochaine son plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Il devrait comprendre des mesures visant à empêcher la coupe dans des zones non encore exploitées, demande Mme Simard.
«Il faut vraiment cesser de couper des arbres dans les forêts primaires.»
Dans les forêts, la plus grande partie du carbone demeure au sol, explique-t-elle. L'exploitation industrielle des forêts perturbe ce sol. Résultat: deux tiers du carbone séquestré s'échappent presque immédiatement dans l'atmosphère.
Mme Simard dit que c'est une erreur de penser que de planter de nouveaux arbres permet de rendre l'exploitation des forêts primaires carboneutre. Les forêts non exploitées renferment plusieurs siècles de carbone, les peuplements d'arbres sont abattus tous les 60 ans, ce n'est pas suffisant pour remplacer ce qui a été perdu.
«Ce n'est pas comparable sur le plan du carbone et de la biodiversité.»
Il est aussi vraisemblable que les forêts primaires ne parviendront pas à repousser complètement.
«Une fois que les forêts primaires ont été rasées, elles ne revivront pas compte tenu du climat dans lequel nous vivons», affirme Mme Simard.
Elle étudie depuis les années 1980 comment les arbres des forêts naturels utilisent les réseaux fongiques contenus dans le sol et des éléments biochimiques pour s'informer des dangers, partager des nutriments et s'entraider pendant des temps difficiles. Ses recherches ont grandement contribué à faire avancer les connaissances sur l'écologie forestière. Des films comme Avatar, des romans comme L'arbre-monde ou des séries télévisées comme Ted Lasso ont contribué à faire connaître ses découvertes.
Mme Simard dit que les forêts sont «régénératrices», un bienfait dont la population est sensible.
«Nous traversons une crise climatique. Presque tout le monde le ressent d'une façon ou d'une autre. Cela préoccupe les gens. Mon livre permet de voir les forêts comme un lieu régénérateur. Il existe des solutions naturelles pour avoir des forêts en santé.»