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Les victimes d'actes criminels risquent de faire les frais d'un nouvel affrontement entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif, autour de la gestion des délais de traitement des dossiers en cour.
Le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette, et la juge en chef de la Cour du Québec, Lucie Rondeau, ne marchent pas main dans la main dans l'encadrement du système judiciaire, en ce qui a trait aux horaires de travail des juges.
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Mercredi, en mêlée de presse au parlement, le ministre Jolin-Barrette a fait une nouvelle sortie contre la juge Rondeau, après avoir calculé que les nouveaux ratios de travail des juges risquaient de faire avorter pas moins de 50 000 dossiers judiciaires au cours de l'année qui vient au Québec.
Sujet de controverse: la réforme implantée récemment par la juge en chef qui prévoit que les juges siégeront désormais seulement un jour sur deux, afin de tenir compte de la complexité grandissante des causes entendues. En parallèle, elle réclame de Québec la nomination de 41 juges supplémentaires, afin d'accélérer la cadence dans les salles de palais de justice.
Mais si les juges siègent un moins grand nombre de jours, de plus en plus de causes seront frappées par l'arrêt Jordan dans les mois qui viennent, craint le ministre Jolin-Barrette.
Soucieuse de mettre un terme aux délais de cour excessifs, la Cour suprême du Canada a décrété il y a quelques années déjà qu'un procès ne pouvait pas durer plus de 18 mois, au total, dans une cour provinciale, et un maximum de 30 mois, au total, dans une cour supérieure.
«On prend en otage le système de justice», en diminuant «de façon unilatérale» les ratios de travail des juges, selon le ministre Jolin-Barrette, qui affirme avoir tenté pendant des mois de convaincre la juge Rondeau de «suspendre» sa décision, sans succès.
Le gouvernement du Québec a donc choisi de contester la décision devant un tribunal, dans l'espoir d'avoir gain de cause. La cause doit être entendue en Cour d'appel au printemps.
Le ministre, qui qualifie les délais de cour d'«extrêmement préoccupants», estime qu'on lui a mis «le couteau sur la gorge» avec les nouveaux ratios, en le mettant devant un fait accompli, ce qu'il n'accepte pas.
À propos, par ailleurs, de la demande formulée de nommer 41 juges de plus, pour accélérer le traitement des dossiers et faciliter l'accès à la justice, le ministre Jolin-Barrette, refuse de se prononcer pour l'instant.
Chose certaine, avant de procéder à un nombre aussi élevé de nominations, il voudra obtenir des garanties qu'un tel geste aura un impact significatif sur l'efficacité du système judiciaire.
Si c'est pour «avoir le même résultat» qu'avant, Québec dira non. Il «faut que ça se traduise par un gain d'efficacité», insiste-t-il, estimant qu'une réorganisation des horaires et de la charge de travail des juges devra faire partie de la solution.
En marge d'une réunion du caucus de Québec solidaire, le porte-parole, Gabriel Nadeau-Dubois, a dit de son côté que l'accès à la justice n'était pas un luxe, mais un droit. Il demande au ministre Jolin-Barrette d'arrêter de se «chicaner» avec les autres acteurs du système de justice et de livrer des «résultats».
Il n'a pas voulu défendre l'une ou l'autre des positions, en affirmant qu'il revenait au ministre de la Justice de prendre ses responsabilités. «Il voulait être ministre, il l'est. Il a un mandat, qu'il le remplisse», a-t-il dit.