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Comment on peut éviter les propos blessants notamment dans les propos reliés à la diversité ?
Cette semaine, l’actualité a été envahie par la nomination d’Amira Elghawaby et par la suite de la discussion sur le fameux chemin Roxham, devenu une véritable autoroute de demandeurs d’asile, notamment à cause de réseaux de passeurs illégaux qui font rage au sud de la frontière.
Bien que tout ait été dit sur le sujet et que les analyses ont été nombreuses, j’avais envie de vous partager une question commune à tous ces débats : comment peut-on éviter les propos blessants notamment dans les propos reliés à la diversité ?
Commençons par Mme Elghawaby. Cette femme au parcours académique et communautaire enviable a été nommée représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie par le premier ministre, Justin Trudeau. Le problème est que cette femme a eu des déclarations particulièrement dures et peu empathiques envers les Québécois lors de l’adoption de la loi 21 sur la laïcité de l’état.
Sans connaître l’histoire du Québec, la relation des Québécoises et des Québécois avec la religion et le contexte social, elle a eu des propos très blessants en disant notamment que « la majorité des Québécois semblaient influencés non pas par la primauté du droit, mais par un sentiment antimusulman». Elle s’est excusée après six jours, mais le mal était fait.
De l’autre côté, nous avons le débat sur le chemin Roxham. Ce passage a été utilisé par près de 50 000 demandeurs d’asile l’an dernier pour venir au Canada mettant une pression importante sur toute la structure d’accueil du Québec pour ce type de demandeurs. Avant ça, le plus grand nombre de demandeurs d’asile que l’on avait reçu sur ce chemin était de 18 836 demandeurs en 2017.
Cette pression ingérable nécessite une action immédiate du gouvernement fédéral qui doit prendre ses responsabilités. Rappelons que le rôle du Canada envers les demandeurs d’asile est déterminé par des conventions internationales négociées et signées par le gouvernement fédéral et qu’il devrait donc s’en responsabiliser.
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Cependant, étant moi-même fils d’un demandeur d’asile en France en 1985 et ayant rencontré des demandeurs d’asile récents, je ressens une profonde tristesse quand j’entends les gouvernements se déchirer sur ce débat. Pas parce que le débat n’est pas nécessaire, mais plutôt parce que j’ai peur qu’il ostracise ces gens qui, pour plusieurs, ont traversé des milliers de kilomètres avec des enfants et dans des conditions que l’on ne peut même pas imaginer pour venir vivre dans un endroit où ils pourraient enfin être libres et heureux.
Enfant, j’ai beaucoup souffert de l’opinion que l’on avait des demandeurs d’asile et je ne veux pas que l’on fasse vivre la même violence aux enfants qui ont traversé Roxham.
Dans les deux cas, j’ai l’impression que l’on débat ou que l’on fait des déclarations sans considérer suffisamment les effets sur les humains les plus touchés. Que l’on soit d’accord ou pas avec la loi 21, personne ne devrait juger la façon que les gens voient la religion au Québec ou leur opinion sur la laïcité de l’état.
Les propos de Mme Elghawaby ont sûrement été faits sur le coup d’une émotion qui lui appartient et que je ne juge pas, mais elle s’est permis de juger des gens qu’elle ne connaissait pas. Elle a donné une image négative d’un peuple qui est tanné de se faire pointer du doigt et de se faire traiter de raciste parce qu’il appuie en majorité (selon les sondages) une vision de la laïcité différente que celle du reste du Canada.
De la même façon, lorsque l’on parle des demandeurs d’asile, on a le droit de faire le débat sur la responsabilité d’un gouvernement versus un autre, mais les élus devraient toujours être prudents pour que les gens qui ont traversé ce chemin ne soient pas vus comme des «profiteurs» ou des «opportunistes», tous des commentaires que j’ai lus ou entendus dans les derniers mois à ce sujet. Je suis convaincu qu’aucun élu ne pense ça quand il parle des demandeurs d’asile, mais certains payeurs de taxes réagissent ainsi quand ils entendent jour après jour qu’ils sont trop nombreux et que l’on devrait leur fermer la porte.
En communication, l’empathie est une valeur essentielle pour s’assurer de ne pas «se mettre le pied dans la bouche». Il faut prendre en considération le public de qui et à qui l’on parle et se mettre dans ses souliers pour s’assurer que ce que l’on dit soit bien compris et interprété par notre interlocuteur.
L’empathie est également une magnifique protection contre les déclarations blessantes. Si avant de dire quelque chose, on se demandait si ça peut blesser quelqu’un, on a alors la possibilité de le dire différemment ou de mieux s’expliquer.
Dans le cas de Mme Elghawaby, dans la discussion sur le chemin Roxham et dans tous les débats publics, l’empathie doit être le filtre de toute déclaration.
Non pas pour gagner le débat, mais surtout pour ne pas blesser. Il me semble que ça en vaut la peine.