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Le Conseil des ministres a confirmé la décision prise par la Ville de Montréal : Fady Dagher sera, à compter du 19 décembre prochain, le nouveau directeur du service de police de la Ville de Montréal, mettant fin à un processus de confirmation qui ne faisait pourtant, aucun doute.
Maintenant que l’on sait quand il entrera en poste, le vrai travail commence pour celui qui bénéficie d’une aura et d’une unanimité presque jamais vue dans ce milieu. La tâche est importante et malgré ses compétences et ses habiletés, les attentes ne peuvent reposer sur les épaules d’un seul homme.
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J’ai rencontré Fady Dagher à l’époque où il était à la tête du poste de quartier de Saint-Michel. Sympathique, accessible et brillant, c’est un homme que l’on a du plaisir à côtoyer et qui possède un charisme indéniable. Que ce soit avec des élus ou avec des jeunes dans les rues, il avait alors et il a toujours aujourd’hui, cette capacité à créer des liens qui permet de faciliter le dialogue.
Ça ne fait pas des miracles, mais ça permet de mieux se comprendre. Selon moi, ce sera la mission la plus importante de son mandat. Expliquer les actions de la police pour préserver la confiance du public dans la capacité de cette dernière à intervenir contre la criminalité tout en utilisant la prévention pour améliorer la situation à long terme.
Le nouveau directeur du SPVM a mis la table dans ses entrevues à la suite de sa nomination. « Un service de police qui travaille dans l’humilité, dans la modestie, à pied égal avec les partenaires, les groupes communautaires et institutions. » Cela décrit bien sa vision, principalement en termes de prévention et d’intervention dans l’aspect social du travail policier.
Pour ce faire, il devra utiliser ses qualités de communicateur afin de mobiliser les acteurs dans un contexte extrêmement diversifié. Les groupes communautaires, par exemple, manquent cruellement de moyens financiers pour jouer leur rôle et les institutions manquent de personnel. Au SPVM, il pourra concerter ses actions avec ceux qui connaissent le mieux les réalités variées de la population, mais n’aura pas nécessairement accès aux leviers nécessaires à ces organisations pour développer leur capacité à agir.
Pour avoir du succès, il pourra jouer un rôle de promoteur de ces organismes et institutions, mais il aura besoin des élus pour donner aux partenaires, les moyens de leurs ambitions.
Avec la situation de la violence armée que connaît Montréal actuellement, la répression est nécessaire pour intervenir à court terme et sécuriser la population. Même si on connaît Fady Dagher pour son discours d’ouverture et de compréhension mutuelle, il sait qu’il aura à positionner la répression de la bonne façon pour réussir à atteindre ses objectifs. Il sait également que le travail à l’interne sera important, car il existe différentes visions au sein même du SPVM sur l’équilibre entre répression et prévention.
On doit donner les moyens à la police de faire respecter les lois et au-delà des moyens financiers, c’est surtout important de ne pas dénaturer la police dans le discours à l’interne et à l’externe. La diversité n’est pas seulement dans « les populations » comme il le dit, mais aussi dans sa propre boîte et tous ceux qui sont passés par son poste savent à quel point le changement de la culture à l’interne peut être perçu négativement notamment par la fraternité des policiers. Un autre grand défi en perspective.
Tel que j’ai eu l’occasion d’en discuter lors du débat des Débatteurs de Noovo du 12 décembre dernier, je suis convaincu qu’un changement de ton est indispensable dans la lutte au profilage racial. L’image d’opposition constante entre la police et les populations racisées notamment à Montréal, ne sert en rien les avancements dans ce domaine.
À cet effet, le simple fait que Fady Dagher reconnaisse avoir lui-même déjà fait du profilage sans le savoir est une véritable révolution à mes yeux. Cela permet de repositionner le profilage, non pas comme un geste volontaire symbole de racisme systémique, mais bien comme résultat d’un manque d’éducation, de compréhension mutuelle et de conversation.
Tous doivent connaître leurs droits et comprendre les responsabilités qui viennent avec. Cela prendra du temps, et attention à ceux qui pensent que le problème se règle avec un directeur issu de la diversité. C’est un travail de longue haleine et dont les résultats ne pourront s’évaluer qu’à très long terme. Monsieur Dagher saura instaurer le dialogue, mais toutes les parties devront entretenir la conversation pour obtenir des solutions et les implanter.
Comme plusieurs, je suis très heureux de l’entrée en poste de Fady Dagher comme directeur du SPVM. Je nous souhaite à tous qu’il ait su succès et qu’il soit le directeur de la stabilité et de la modernisation du service de police. Cependant, pour que ce succès arrive, je pense qu’il faudra surtout être réaliste au niveau des attentes, il aura besoin de temps, de latitude et d’appui pour affiner sa vision, de l’adapter à la réalité de la police de Montréal et de l’implanter efficacement à l’interne autant qu’à l’externe.
Son désir est là, ses qualités sont nombreuses, ses compétences également, mais seul, il ne réussira pas. À nous comme population, aux élus, aux partenaires et aux policiers de se mobiliser pour réussir.
Nous avons tous besoin de la police et elle a besoin de nous tous également.