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Cette solitude dont on parle, elle est le résultat de la libération des femmes.
J’ai envie de revenir sur la crise silencieuse (pas si silencieuse que cela) de la solitude masculine. Cette conversation me laisse toujours un goût amer en bouche. Bien sûr que la situation mérite notre attention, mais je refuse d’accorder à ces hommes mon empathie tant qu’on n’abordera pas le vrai problème.
Une femme seule continue de susciter la moquerie et la pitié. Même désirée, l’indépendance des femmes soulève méfiance et animosité. Le stéréotype par excellence de la célibataire avec son chat nous colle à la peau. C’est d’ailleurs ce qui revient le plus souvent lorsqu’on tente de m’insulter sur les réseaux sociaux. On me lance au visage que je finirai seule, comme si c’est la pire chose qui peut m’arriver. Si ma liberté les dérange, c’est que les hommes ne peuvent concevoir un monde où je n’ai pas besoin d’eux.
Pendant ce temps-là, on aborde la solitude des hommes avec tout le sérieux et la sensibilité du monde. Et j’ignore pourquoi elle devrait susciter en moi de la compassion. Après tout, quand ils me la font porter, c’est apparemment quelque chose de risible dont on peut se moquer.
Pour moi, la gravité avec laquelle on traite de la solitude masculine a tout à voir avec la menace que ce groupe de la population représente. Pourtant, cette conversation s’entête à en écarter une autre, celle de la violence envers les femmes et de la misogynie. On dirait qu’on veut traiter la santé mentale des hommes, mais surtout éviter de nommer l’éléphant dans la pièce qu’est le patriarcat.
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J’en ai marre d’entendre parler de la solitude des hommes comme d’une chose qui leur est tombée dessus. Les féministes ne cessent de répéter aux hommes qu’ils subissent la rigidité des rôles dans une société patriarcale. Le problème, c’est qu’ils n’ont jamais été pressés de changer une structure dont ils bénéficient.
Il y a un enjeu de santé mentale des hommes, mais ça on le savait déjà. Elle est à la source de la violence conjugale et des féminicides. Et je n’ai pas vu les hommes se lancer pour faire des documentaires et enclencher une discussion collective là-dessus.
Je refuse d’accorder mon empathie aux hommes parce qu’ils s’entêtent à vouloir réparer strictement la part du problème qui les impacte négativement dans un système qu’ils ont eux-mêmes érigé.
Et tant qu’on y est. Cette solitude dont on parle, elle est le résultat de la libération des femmes. Leur isolement est la conséquence d’un refus de changer et de s’engager dans une nouvelle façon d’entrevoir les relations affectives.
Il est insultant d’attendre de notre part qu’on sympathise avec la détresse de notre oppresseur. Leur difficulté à vivre en ce monde est directement liée à la réappropriation de nos droits et de notre humanité.
Les hommes souffrent. Et ils continueront de souffrir tant qu’on n’admettra pas que leur mal émane d’une culture basée sur la domination qui perd tout son sens dans un monde visant à se libérer des oppressions systémiques.
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