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Le mouvement de soutien à Léa Clermont-Dion trouve des échos jusqu’en France et en Amérique du Sud.
Des centaines de citoyens, dont certains de France, de Suisse et d’Amérique du Sud, publient ces jours-ci des photos d’eux-mêmes sur Instagram avec la tête penchée et la bouche ouverte, en appui à Léa Clermont-Dion.
Il y a une semaine, un internaute a publié sur le réseau social X un commentaire sur la sortie du nouveau livre de Léa Clermont-Dion, Salut ça va?. Ce livre, paru à la mi-septembre aux éditions Cardinal, traite de violences sexuelles, de consentement, de masculinité toxique et du mouvement #metoo.
Pour cet internaute (qui prend soin d’indiquer dans la bio de son profil que le «féminisme est la mère du wokisme»), l’autrice de 33 ans, doctorante en sciences politiques, réalisatrice, chercheuse, chargée de cours et militante féministe, est un «parasite médiatique». Il attaque sa crédibilité pour écrire cet essai.
Son commentaire était accompagné d’une photo de l’autrice; une photo magnifique prise en 2018 lors d’un shooting professionnel. Cette photo n’est pas la photo utilisée sur la quatrième de couverture du livre: elle est publiée sans contexte.
Ce message a fait réagir une trentaine de personnes dont Stéphane Venne, parolier bien connu au Québec, aujourd’hui à l’emploi de la Ville de Montréal, en tant que conseiller aux communications stratégies au Service de l’eau.
Dans un premier message, Stéphane Venne, 83 ans, mentionne qu’il a une «doutance» lorsqu’il voit une telle photo, soit une photo en noir et blanc de type «beauty shot» où on la voit tête inclinée et bouche entrouverte. Il ajoute que ce genre de pose est un «code sexuel hyper connu», une sorte «d’invitation», dit-il.
Il dit aussi dans un autre message que cela relève d’une «personnalité histrionique» (en manque d’attention).
Stéphane Venne a retiré ce message lundi en présentant ses excuses: il n’aurait pas dû faire le lien entre la photo et le caractère ou l’intention de la personne, dit-il.
À noter que le parolier n’a pas présenté ses excuses directement et en privé à Léa Clermont-Dion. Il n’a pas non plus expliqué ses propos: de quel doute parle-t-il? À quel code sexuel fait-il référence? À celui qui rendrait tous les hommes incontrôlables à cause d’une moue?
Et surtout, en quoi tout cela a un lien avec le livre de l’autrice et les thèmes qu’elle aborde?
Voilà le cœur de la discussion: les propos de Stéphane Venne, et tous ceux des trolls qui ont suivi, sont dégradants, méprisants, condescendants, remplis de sexisme et de misogynie. Ils ont déclenché une vague de haine envers Léa Clermont-Dion, attaquée sur son éthique, son intégrité et son professionnalisme.
On l’a qualifiée de tous les noms: racoleuse, aguichante, provocante, folle, et j’en passe. C’est à lever le cœur.
Ironiquement, dans son nouveau bouquin, l’autrice dénonce exactement ce genre de comportements, liés à la masculinité toxique et toutes les dérives possibles.
Avant le mouvement #metoo de 2017, je ne sais pas si on aurait parlé de cette banalisation de propos dégoûtants, tenus par des hommes des cavernes décomplexés.
Chose certaine, il n’y aurait pas eu la contrepartie, la réponse lumineuse de centaines de femmes solidaires (et de plus en plus d’hommes se joignent aussi): le mouvement #boucheouverte ne cesse de prendre de l’ampleur sur Instagram.
Il a été initié par Laurie Dupont, chef de contenu aux magazines VÉRO et Elle Québec. Elle a publié une photo d’elle-même avec la bouche entrouverte mardi matin parce qu’elle était «en grogne», dit-elle, prise d’un «ras-le-bol personnel».
Ni elle ni Léa Clermont-Dion ne pouvaient imaginer le déferlement de photos: depuis 24 heures, près de mille portraits flanqués du hashtag #boucheouverte ont été publiés, m’indique la principale intéressée. Et s’ils viennent principalement du Québec, on en compte maintenant venant de France, de Suisse et d’Amérique du Sud.
Parmi ceux-ci, on retrouve les photos de Valérie Plante, de Manon Massé, de Kim Lizotte, de Sarah-Jeanne Labrosse, de Monic Néron et de Valérie Chevalier, entre autres.
Guy A. Lepage, Xavier Dolan et plusieurs personnalités ont aussi réagi en commentant la publication faite par Léa Clermont-Dion pour se positionner. «Je suis consternée de la misogynie de certains individus», écrit la principale intéressée. «Quand ça vient des plus grands, c’est pire.»
La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a elle aussi réagi en mentionnant qu’elle avait demandé «au directeur général de la Ville de prendre des mesures» et en assurant que Stéphane Venne sera «rencontré par les ressources humaines». Elle réitère que les propos «racistes ou haineux» tout comme les propos «misogynes et qui manquent de respect» ne sont pas tolérés chez les employés.
Le service de communications n’a pas répondu jusqu’ici à ma demande d’explications: à quel moment Stéphane Venne sera rencontré? Que dit la politique officielle de la Ville au sujet de ce type de propos? Quelles sanctions sont prévues? Seront-elles appliquées?
J’espère qu’il y aura une sanction envers Stéphane Venne qui est, je le rappelle, à l’emploi de la Ville de Montréal. Je considère inacceptable de tenir de tels propos, que ce soit au bureau ou caché derrière un écran.
Ça ne passe pas, ça ne passe plus.
L’ampleur du mouvement #boucheouverte démontre que la société prend (tranquillement) un virage: les femmes peuvent bien faire ce qu’elles veulent, être ce qu’elles veulent. Parfois, c’est ouvrir la bouche pour poser devant une lentille – parfois, c’est ouvrir la bouche pour gueuler et revendiquer leurs droits d’exister.