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Rien ne laissait présager que dans un avenir (pas si) rapproché, cet adolescent qui détestait tant bouger trouverait son réconfort dans la pratique du sport.
Ma relation à l’exercice a commencé d’un bien mauvais pied. Par une appréhension sans réserve à l’activité physique depuis l’école secondaire, où nous devions accueillir l’été avec une épreuve tant détestée et à laquelle personne ne pouvait échapper.
La mythique « course du mile », un minuscule 1,6 km qui suffisait pour faire trembler les plus sédentaires parmi nous. Je me souviens encore de l’anxiété grandissante à l’approche du cours d’éduc, de la torture ressentie à chaque tour de piste terminée, de la honte de toujours finir parmi les derniers.
Rien ne laissait présager que dans un avenir (pas si) rapproché, cet adolescent qui détestait tant bouger trouverait son réconfort dans la pratique du sport. Ce dévouement soudain prit son envol au lendemain de l’ère pandémique, alors que l’habitude me confinait encore derrière les murs étroits qui m’abritent, face aux démons qui tiraient mon âme vers l’abîme.
Je ne sais quelle force de l’esprit m’a transmis l’envie, un soir automnal, de remonter la rue St-Hubert jusqu’à un studio d’entraînement aux abords de Villeray. J’y suis rentré sans attentes ni objectifs, laissant à mon corps la pleine liberté de suivre les mouvements dictés par ma mentore bienveillante.
Ces séances physiques à l’intensité grandissante m’offraient, une fois les politesses échangées, de brefs moments de clarté. Un sentiment d’apaisement mental, ou oserais-je dire de bonheur, qui me sortait peu à peu du brouillard intérieur. Était-ce une fabulation de la conscience? Pour en avoir le cœur net, je suis allé creuser dans les connaissances léguées par les études savantes.
D’après des experts bien mieux formés, les bienfaits psychologiques de l’exercice physique s’expriment entre autres à travers la sécrétion d’endorphines, de dopamine et d’endocannabinoïdes. Ces neurotransmetteurs, qui sont libérés pendant l’activité physique, permettent de réduire la douleur et l’inconfort en plus d’améliorer l’humeur et de diminuer le stress.
En 2018, The Lancet Psychiatry publiait une analyse transversale sur plus d’1,2 million d’observations pour investiguer le lien entre l’activité physique et la santé mentale. À travers des sondages réalisés entre 2011 et 2015, des Américains de 18 ans et plus devaient répondre à la question suivante : « En pensant à votre santé mentale, qui inclut le stress, la dépression et les problèmes émotionnels, pendant combien de jours, au cours des 30 derniers jours, votre santé mentale n’était-elle pas bonne? ».
Après avoir contrôlé les variables physiques et sociodémographiques (âge, revenu, poids, diagnostic de dépression, etc.), les auteurs constatent que toutes choses étant égales par ailleurs, un répondant ayant fait de l’exercice vivait en moyenne 43 % moins de jours (1,5 jours de moins) en mauvaise santé mentale durant le mois, comparativement à celui ne faisant pas d’exercice.
Cette corrélation entre l’exercice et la santé mentale est observée parmi toutes les catégories d’âges, genres, groupes ethniques et revenus. Si tous les types d’activités, incluant la marche, sont associés à une réduction de mauvais jours en santé mentale, les exercices à forte intensité (sports d’équipe, cyclisme, exercices aérobiques et en salle de gym) sont ceux qui procurent le plus grand effet positif.
À partir des données, les auteurs déterminent que la durée d’entraînement optimale sur la santé mentale se situerait à environ 45 minutes par séance (avec un point de saturation au-dessus de 90 minutes), de trois à cinq fois par semaine, pour un total de 120 minutes à 360 minutes d’activités physiques hebdomadaires.
En février 2023, après avoir recensé 1 039 essais cliniques auxquels ont participé plus de 128 000 personnes, les auteurs d’une revue parapluie publiée dans le British Journal of Sports Medicine annonçaient en grande pompe leur trouvaille : l’activité physique était environ 1,5 fois plus efficace que la médication ou la thérapie cognitivo-comportementale pour combattre la dépression et l’anxiété. Je laisserai aux mieux instruits le soin de débattre des bien-fondés de ces mots grandioses.
Au-delà des hyperboles, les grandes lignes de l’étude confirment les constats évoqués dans le Lancet Psychiatry. L’activité physique a un effet positif de taille moyenne sur la réduction des symptômes de dépression et d’anxiété à travers toutes les populations cliniques. Tous les modes d’exercice procurent des effets bénéfiques, les activités à haute intensité étant généralement les plus efficaces.
Les exercices de résistance offrent le rendement le plus élevé sur les symptômes de la dépression, alors que les activités « de corps et d’esprit » tels que le yoga sont les plus salutaires pour l’anxiété. Une fréquence d’entraînement modérée (4-5 fois par semaine) semble être optimale autant sur les symptômes de la dépression que de l’anxiété.
Deux ans après y avoir mis les pieds, le studio occupe encore une place prépondérante dans ma vie. Au fil des lectures éclairantes, je peux enfin comprendre ce sentiment profond de bien-être que je ressentais, mais ne pouvais encore expliquer.
Dans un monde où les espaces d’entraînement commercialisent incessamment l’exercice à des finalités de performance et d’esthétique, où les premiers réflexes nous amènent d’emblée aux solutions pharmaceutiques, je souhaite que mes mots puissent rendre honneur à la mission du studio, celle de partager l’activité physique comme vecteur de mieux-être du corps et de l’esprit.