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Des trottoirs vraiment sales, trop de commerces fermés, d’autres qui ont l’air de tenir le fort à bout de bras, fatigués. Un parc Émilie-Gamelin aux airs de camp de réfugiés...
Je suis déménagé dans le Village gai (je le sais, aujourd’hui, on ne le nomme plus comme ça, mais je suis une vieille personne et pour moi ça reste le village gai) en 1995.
Je débarquais de ma banlieue de Québec. Je ne venais pas m’installer à Montréal dans un but d’émancipation homosexuelle. Non, j’avais été accepté à L’École nationale de l’humour. Donc, plus par nécessité que par choix.
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Avec mon coloc de l’époque, on avait loué un appartement ben le fun, pas très loin du métro Papineau. J’avais cette envie de m’installer dans le Village gai, même si je ne le connaissais pas vraiment. Probablement parce que j’avais l’impression que j’allais m’y reconnaître, un peu comme Astérix dans son village gaulois entouré des Romains!
Et effectivement, je m’y suis reconnu, je dirais même plus, je m’y suis senti très bien. À ma place. Parmi les miens. Ceux qui me «ressemblent». Comme on dit aujourd’hui, un safe space. En 1995, le Village gai bouillonnait! Des bars, des restos, des boutiques, des cafés, des saunas et j’en passe.
De Papineau à Berri, toutes les couleurs de l’arc-en-ciel brillaient 365 jours par année sur la Catherine! Manger au Kilo en compagnie d’une mauvaise date qui ne comprend pas que ça n’ira pas plus loin que ma dernière bouchée de gâteau au fromage. Les mercredis disco de La Track. Un bar de fond de sous-sol où ça dansait autant qu’un samedi soir. Le mythique resto Le Club sandwich, ouvert 24 heures sur 24, où toute la faune aboutissait après la fermeture des bars. L’endroit parfait pour voir une drag queen perdre un faux cil dans sa poutine.
Des endroits vivants du Village, je pourrais vous en nommer jusqu’à demain matin.
Source: La Presse canadienne (Archives)
Et la semaine dernière, en sortant d’un spectacle à L’Olympia, ça m’a frappé de plein fouet comme un boa de Mado Lamothe, le Village est triste. Comme si on avait fermé les trois quarts de la shop arc-en-ciel. Des trottoirs vraiment sales, trop de commerces fermés, d’autres qui ont l’air de tenir le fort à bout de bras, fatigués. Un parc Émilie-Gamelin aux airs de camp de réfugiés. J’ai croisé beaucoup de gens qui ont clairement besoin d’aide psychologique. Et je le dis sans jugement.
Comprenez-moi bien, je n’ai rien contre les personnes itinérantes ou qui vivent des problèmes de consommation et de santé mentale. Je suis bien conscient qu’ils doivent vivre quelque part. Avoir leur place.
On ne peut pas les ignorer et encore moins les déplacer ailleurs sans plan concret pour les aider. Ce serait totalement insensible. Mais, tout ça mis ensemble fait que le Village n’est plus très pride!
Mais comment tout ça a pu arriver? Oui, on blâme le dos trop large de la pandémie, le manque de ressources, l’inflation, l’évolution de la société, la mouvance de la ville, les habitants qui désertent le coin et un million d’autres facteurs. Oui, OK. Mais où est la ville de Montréal et son administration?
Pas plus tard que la semaine dernière, la mairesse, Mme Plante, lançait la balle du côté des Services sociaux qui à son tour lui relançait la balle dans le dossier de l’itinérance dans le village. Et madame Plante fait rebondir le tout en direction des deux paliers de gouvernements. Ça joue du ping-pong de partout.
Et pendant ce temps, rien n’est fait. On papote en réunion, mais on ne passe pas aux actes. Toujours chez Projet Montréal, on nous dit qu’on va se pencher sur le sort du Village dans les prochains mois. Prochains mois? Youhou? Le last call a déjà été crié depuis belle lurette.
Montréal s’occupe de son beau Plateau, nous fait des pubs à grands coups de slam langoureux pour nous ramener au centre-ville, la place des festivals est une orgie de bidules lumineux, un anneau qui pourrait servir de bague de mariage à Godzilla. J’aime tout ça. C’est seulement pour montrer à quel point le village est laissé à lui-même. Comme cet enfant un peu efféminé qu’on choisit en dernier pour jouer au ballon chasseur dans la cour d’école primaire.
Je comprends bien que c’est un dossier complexe qui ne se règle pas avec une seule solution. C’est du long terme. De la grosse coudée franche. Mais j’ai quand même ce goût surette d’un shooter de sour puss dans la bouche qui me fait dire que le Village, ce n’est pas dans le top 5 des priorités de Montréal.
Je suis loin d’être un fin stratège politique, mais si j’étais la chambre de commerce LGBT du Québec, Montréal, je déposerais un projet de piste cyclable tout le long de la Sainte-Catherine Est dans le Village gai.
C’est le genre de projet qui avance très vite à Montréal…