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«Une claque qui m’a surprise, certes, mais de laquelle je ne vais pas parler. Voyez-vous, elle ne m’a pas autant choquée que le silence collectif qui a eu lieu après les Grammys.»
Comme des milliers de personnes, j’ai attrapé la COVID durant les deux dernières semaines. Et quand on attrape la COVID, on n’a pas le choix : ça nous force à freiner un peu. Alors, j’ai freiné. Puis qui dit freiner dit nécessairement regarder beaucoup de télé parce que justement, l’énergie manque pour faire autre chose.
Durant mon petit arrêt maladie, j’en ai profité pour regarder les Oscars et les Grammys en me disant que j’aurais du contenu pour ma prochaine chronique. Et du contenu, j’en ai eu ! Comme plusieurs, j’ai vu en direct la fameuse claque de Will Smith et je me suis rabattue sur les médias australiens pour entendre la version non censurée. Une claque qui m’a surprise, certes, mais de laquelle je ne vais pas parler. Voyez-vous, elle ne m’a pas autant choquée que le silence collectif qui a eu lieu après les Grammys.
Lors de la cérémonie des Grammys, Louis C. K., humoriste américain déchu après des accusations de harcèlement sexuel en 2017, a remporté le prix du meilleur album de comédie de l’année pour un de ses stand-up, Sincerely, Louis C.K.
Tout ceci a laissé comme un goût amer dans la bouche de bien des acteurs de la scène culturelle, et surtout de la scène de l’humour. Offrir un Grammy à Louis C. K. c’est oublier le tort et le mal qu’il a causés à bien des femmes qui essaient de réussir dans cette industrie, mais plus encore, c’est de réhabiliter quelqu’un qui ne s’est jamais vraiment excusé (il n’a jamais écrit une seule fois le mot « excuse » dans sa lettre en réponse aux accusations.).
Je ne veux pas parler seulement de Louis C. K. Aux Grammys, on a aussi remis un prix à Kanye West, qui présentement est dans une procédure de divorce acrimonieux avec Kim Kardashian. West, qui s’en prend ouvertement au nouveau partenaire de son ex-femme et qui s’affiche avec Marilyn Manson, une autre personne accusée de harcèlement et d’abus sexuel contre ses ex-partenaires. Vous regarderez le documentaire Phoenix Rising sur Crave pour comprendre l’ampleur des accusations contre Marilyn Manson, je ne veux même pas les décrire.
Si je vous liste toutes ces nominations, c’est parce que je veux qu’on se rappelle de 2017, du mouvement #metoo, des dénonciations de masse qu’il y a eu dans l’industrie culturelle. Nous avons été tous choqués, surpris même de l’ampleur des accusations. Nous nous étions pourtant promis plus jamais. Mais aujourd’hui on réhabilite des personnes avec un passé abusif sans se soucier des victimes.
Je suis férocement contre la culture du cancel. Je n’y crois pas. Je pense que tout le monde a le droit à la justice réparatrice. Ceci dit, dans le cas de Louis C. K., de Kanye West et de Marilyn Manson, il y a des personnes qui n’ont pas le choix que de voir la personne qui leur a fait du mal recevoir des éloges sans qu’on adresse leurs expériences. Parce que ces personnes-là viennent avec une horde d’admirateurs prêts à désavouer et intenter un procès à chacune de ces victimes qui décide de raconter son histoire.
Puis il y a un autre aspect à tout ça, un aspect qui a un impact sur tout le monde : si ces personnes ne subissent aucune conséquence, comment les victimes peuvent-elles dénoncer ? Vont-elles recevoir du support ou vont-elles se faire accuser d’être des menteuses ? Vont-elles se faire dire qu’elles sont restées par choix dans ces relations ? Vont-elles se faire dire que c’est leur faute ? Qu’elles l’ont cherché ? Qu’elles mentent ?
(Ce sont des commentaires réels qui se retrouvent partout sur les réseaux sociaux contre les victimes de ces hommes-là.)
L’industrie culturelle est une industrie faite de célébrités, de personnes qui sont adulées, écoutées. Des vedettes. Des gens qui ont une influence. Si on décide d’ignorer leurs fautes et de ne pas écouter les victimes, on lance un message. On lance un message très fort. On dit aux victimes qu’on ne les croit pas. Qu’elles ont beau dénoncer, elles devront être confrontées pour toujours à l’admiration que leurs abuseurs reçoivent. Il y a une grande différence entre faire un réel travail sur soi après de telles accusations, et tout simplement continuer de faire comme si de rien n’était.
Le message des Grammys était assez fort dimanche soir passé : faites ce que vous voulez, vous serez récompensés ! Pendant que le monde applaudit et que le silence se fait entendre, les victimes, elles, sont laissées à elles-mêmes.